Alpha Condé sur l’attribution de la concession à Bolloré : « je privilégie les amis. Et alors ? »

Paris, 24 avr 2018 (AFP) – L’emblématique homme d’affaires français Vincent Bolloré et des cadres de son groupe éponyme ont été placés en garde à vue mardi à propos de soupçons de corruptions ayant permis à une filiale d’obtenir des concessions portuaires en Afrique de l’Ouest.

Le milliardaire de 66 ans était entendu depuis 10H00 dans des locaux de la police anticorruption dans la banlieue de Paris, ont indiqué à l’AFP des sources concordantes, confirmant une information du quotidien Le Monde.

Des juges d’instruction tentent de déterminer si le groupe Bolloré a prodigué des conseils à des dirigeants africains via sa filiale de publicité Havas pour se voir attribuer la gestion des ports de Lomé, au Togo, et de Conakry, en Guinée, via une autre de ses filiales, Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV.

Le responsable du pôle international de Havas, Jean-Philippe Dorent, et Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré, ont également été placés en garde à vue, a précisé une source judiciaire.

Dans un communiqué, le groupe Bolloré a « formellement » démenti avoir commis des irrégularités en Afrique.

« Le lien qui tente d’être fait par certains entre l’obtention de ces concessions et les opérations de communication est dénué de tout fondement économique et révèle une méconnaissance lourde de ce secteur industriel », insiste-t-il.

L’annonce de cette garde à vue a fait plonger l’action du groupe Bolloré à la Bourse de Paris: le titre a clôturé en baisse de plus de 6%.

Au cœur de l’enquête, lancée par une plainte d’un ancien associé franco-espagnol de Bolloré, Jacques Dupuydauby, se trouvent les conseils prodigués en 2010 par Havas lors des campagnes électorales victorieuses d’Alpha Condé en Guinée et de Faure Gnassingbé au Togo. Tous deux avaient eu recours aux activités de conseil d’Havas, pilotées par M. Dorent.

En Guinée, SDV avait obtenu la gestion du port de Conakry quelques mois après l’élection de M. Condé en 2010. Et au Togo, il avait remporté le marché peu avant la réélection en 2010 de M. Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005.

– « Je privilégie les amis » –

« Les concessions obtenues au Togo l’ont été en 2001, bien avant l’entrée du groupe dans Havas et en Guinée, en 2011, à la suite de la défaillance du n°1 (le groupe étant arrivé en deuxième position lors de cet appel d’offres), défaillance constatée avant l’élection du président », a fait valoir le groupe Bolloré.

« Bolloré remplissait toutes les conditions d’appel d’offres. C’est un ami, je privilégie les amis. Et alors ? », avait expliqué Alpha Condé au journal Le Monde en 2016, à propos de ce dossier. Une perquisition avait eu lieu en avril 2016 à la tour Bolloré de Puteaux, près de Paris, siège notamment de la filiale Bolloré Africa Logistics, en particulier dans les bureaux de Vincent Bolloré lui-même.

C’est en enquêtant sur les relations de Francis Perez, président du groupe Pefaco, une société spécialisée dans l’hôtellerie et les jeux et très implantée en Afrique, que les enquêteurs ont été amenés à se pencher sur les activités africaines de Vincent Bolloré.

Francis Perez comptait notamment parmi ses relations Jean-Philippe Dorent.

A chaque fois, la désignation de SDV a donné lieu à une bataille judiciaire entre le groupe Bolloré et les anciens gestionnaires des ports.

Concernant le port de Lomé, Jacques Dupuydauby accuse la présidence togolaise d’avoir été corrompue par le groupe français. L’ancien associé de M. Bolloré a affirmé mardi dans un communiqué « se réjouir de voir ces instructions progresser ». Ses deux plaintes, une d’avril 2012 pour « extorsions de fonds » et l’autre d’avril 2013 pour « trafic d’influence » et « corruption », sont également instruites par le juge Tournaire, selon son avocate, Me Sarah Mauger Polak.

Dans son bras de fer judiciaire avec l’industriel breton, Jacques Dupuydauby a cependant été condamné en Espagne à 3 ans et neuf mois de prison pour « détournement d’actifs » du groupe Bolloré. La cour d’appel de Paris doit examiner à nouveau le 16 mai la demande d’extradition de Madrid.

S’agissant de Conakry, Bolloré avait perdu sa bataille devant le tribunal de Nanterre face à Necotrans, l’ancien concessionnaire, et a été condamné en 2013 à lui verser plus de 2 millions d’euros. En juin 2017, Necotrans, spécialiste de la logistique en Afrique, a été placé en redressement judiciaire et racheté peu après par le groupe Bolloré.

AFP

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