Conakry : une manifestation mercredi pour exiger la libération de Sidiki Mara

L’indignation ne faiblit pas au sein de l’UGTG et d’autres centrales syndicales du pays, suite à l’arrestation et l’incarcération d’Aboubacar Sidiki Mara, secrétaire général adjoint de l’union générale des travailleurs de Guinée. Ce dernier a été arrêté il y a deux semaines et placé en détention provisoire à la maison centrale de Conakry pour incitation à la révolte.

Sa centrale syndicale qui dénonce une atteinte grave à la liberté syndicale, projette une marche pacifique le mercredi, 16 mai prochain à Conakry pour exiger la libération du syndicaliste. C’est le secrétaire général de l’UGTG, Elhadj Kandet Oumar Sankhon qui l’a annoncé au cours d’une interview qu’il a accordée à Guineematin.com, hier samedi, 12 mai 2018.

Nous vous proposons ci-dessous l’intégralité de cet entretien.

Guineematin.com : Cela fait deux semaines depuis que monsieur Aboubacar Sidiki Mara, secrétaire adjoint de l’UGTG, a été arrêté puis conduit à Conakry où il est incarcéré. Il est accusé par les autorités d’avoir incité à la révolte, dites-nous quelle était la mission du syndicaliste à Boké, est-ce que c’est votre centrale d’ailleurs qui l’a envoyé à Boké ?

Kandet Oumar Sankhon : Effectivement, le camarade à Conakry pour Boké avec un ordre de mission officiel dûment signé par moi. Il est parti de la syndicalisation et la mise en place de nos structures dans les différentes entreprises, il était parti pour ça au nom de l’UGTG.

Guineematin.com : Est-ce que vous aviez auparavant saisi les autorités de Boké pour les informer de sa mission sur le terrain ?

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Effectivement, toutes les autorités de Boké ont été informées, parce qu’il est parti avec un ordre officiel. Après avoir reçu les demandes d’adhésion des camarades travailleurs à notre centrale, nous avons écrit officiellement à toutes les autorités. Nous avons écrit une lettre d’information adressée aux directeurs généraux des sociétés UMS et WAP avec ampliation à monsieur le gouverneur de Boké, le préfet, le maire, l’inspecteur préfectoral du travail de Boké et les travailleurs. Ils ont reçu officiellement la lettre de désaffiliation des travailleurs de ces sociétés à la CNTG et à l’USTG et leur lettre d’adhésion à l’UGTG.

Guineematin.com : C’est-à-dire que les travailleurs qu’il est parti rencontrer, ont quitté l’inter centrale CNTG-USTG au profit de l’UGTG ?

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Effectivement, les travailleurs de ces sociétés étaient affiliés à ces deux centrales. Mais ils se sont dit que ces centrales n’arrivent pas à faire leur affaire et ont décidé de quitter officiellement les deux structures pour venir s’affilier maintenant à l’UGTG. Et nous aussi, on leur a dit qu’ils sont la bienvenue chez nous. C’est ainsi que nous avons envoyé notre camarade Sidiki Mara pour mettre en place nos bureaux dans ces sociétés minières.

Guineematin.com : Alors, juste après son arrestation, Aboubacar Sidiki Mara a été conduit à Conakry, il a été entendu par les officiers de police judiciaire, puis conduit au TPI de Dixinn où il a été inculpé pour incitation à la révolte, comment vous avez accueilli cette nouvelle ?

Kandet Oumar Sankhon : Ça c’est une accusation pure et simple. C’est une accusation pour ternir l’image de l’UGTG et violer la liberté syndicale. Parce que lors de la fête du 1er mai (fête internationale du travail), toutes les autorités étaient avec notre camarade à la manifestation.

Guineematin.com : Mais, les autorités lui ont refusé la parole ce jour !

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Oui on l’a empêché de parler alors qu’on les avait informés qu’on devait tenir le meeting ce jour-là, le gouverneur avait reçu une lettre d’information et d’invitation parce que l’événement était placé sous sa haute présidence. Nous avons écrit au préfet, nous avons également écrit au maire. Donc, ils ne peuvent pas dire que la présence de Mara était contraire à la règle syndicale.

Guineematin.com : Maintenant qu’il est inculpé et placé sous mandat à la maison centrale, ça veut dire qu’il sera jugé. Pendant ce temps, qu’est-ce que vous êtes en train de faire pour l’aider à s’en sortir ?

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Nous sommes en train de faire des démarches auprès des autorités internationales. Nous avons déjà saisi le BIT (Bureau International du travail) basé à Dakar, puis le grand siège de Genève ; nous avons également saisi l’ITF. Toutes ces autorités-là ont reçu des lettres d’information comme quoi, le camarade secrétaire général de l’UGTG est arrêté, emprisonné à la maison centrale de Conakry. Hier même j’ai appelé par le bureau du BIT basé à Dakar, ils ont confirmé avec reçu notre courrier et m’ont demandé si le camarade a été relâché ou s’il est toujours en prison. J’ai répondu que le camarade est toujours enfermé et que même la visite est interdite.

Guineematin.com : Ça veut dire qu’on vous refuse de le voir en prison ?

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Effectivement, on n’arrive toujours pas à le rencontrer, ils refusent catégoriquement qu’on puisse le voir. Même son enfant qui lui envoie à manger, on ne le permet pas de le voir, sa famille même n’a pas accès à lui. Il est enfermé là-bas comme quelqu’un qui a fait un coup d’Etat ou quelqu’un qui a tué, on ne fait que le maltraiter.

Guineematin.com : On a appris qu’il est même malade ?

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Oui, après son arrestation, lorsqu’on était au PM3, il a fallu qu’on appelle son médecin qui est allé le consulter là-bas, et il lui a prescrit une ordonnance. C’est les gendarmes eux-mêmes qui sont allés acheter ses médicaments pour que le camarade puisse se sentir mieux. Aujourd’hui il est en prison, personne n’a accès à lui, on ne se demande bien quel est son état de santé.

Guineematin.com : Vous craignez donc pour sa vie ?

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Bien sûr ! Nous craignons vraiment pour sa vie. C’est pourquoi, dans la déclaration que nous avons faite avant-hier, nous avons mis le président de la République en garde, parce que c’est lui qui a ordonné l’arrestation du camarade Aboubacar Sidiki Mara. Nous avons dit donc que si toutefois quelque chose arrive à notre collègue, le chef de l’Etat sera responsable de la situation.

Guineematin.com : A part les contacts avec le BIT et d’autres organisations internationales, est-ce que vous d’autres actions envisagées sur le plan local dans le cadre de cette affaire ?

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Vous savez, au niveau national ici, si le chef est déjà impliqué dans un dossier tout le monde suit la position du chef. Partout où tu vas pour parler de ça, la porte est fermée. Parce que le président a donné un ordre, et personne n’ose le contester même si c’est anormal.

Guineematin.com : Il se peut que le président ne soit pas bien informé, vous n’avez pas tenté de rentrer en contact avec lui pour lui dire que votre collègue effectuait une mission tout à fait légale et qu’il n’est parti inciter à la révolte ?

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Bon, on ne nous permet de le faire. Toutes les portes sont fermées.

Guineematin.com : Dans ce cas, est-ce qu’il faut s’attendre alors à un bras de fer avec les autorités, notamment une grève ?

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Nous sommes en train de prendre des dispositions. Pour l’instant, nous avons demandé aux camarades de Boké de bloquer toutes les activités jusqu’à ce que le camarade Aboubacar Sidiki Mara soit libéré. On leur a dit de ne pas reprendre le service tant qu’il n’est pas libéré. En plus, nous prévoyons d’organiser une marche pacifique le mercredi prochain. Nous avons déjà déposé une lettre au gouvernorat de Conakry pour l’informer de la tenue de cette manifestation le mercredi 16 mai prochain.

Guineematin.com : Sauf que cela risque de coïncider avec le début du Ramadan !

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Oui, mais cela ne va pas nous empêcher de manifester puisque notre marche aura lieu le matin.

Guineematin.com : Cette marche est prévue à Conakry seulement ou bien elle aura lieu aussi dans d’autres villes de l’intérieur ?

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : C’est à Conakry seulement et nous lançons un appel à tous nos membres, à se mobiliser pour prendre part à cette manifestation. Mais avant la marche, nous organiserons d’abord une conférence de presse le lundi 14 mai à notre siège à 9 heures, nous allons rendre publique une deuxième déclaration par rapport à cette affaire.

Guineematin.com : Et si toutes ces démarches n’aboutissent pas, vous n’excluez pas de recourir à la grève ?

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Nous continuerons toujours à nous battre et à dénoncer le comportement anti-démocratique du Professeur Alpha Condé. Au temps de Lansana Conté, ce genre de choses ne se faisait pas, le syndicat était respecté, mais présentement c’est tout le contraire. En tant que Professeur, le président Alpha Condé doit vraiment réfléchir avant d’agir, tout intellectuel doit réfléchir avant d’agir analyser avant d’agir. Lui qui a fait 40 ans de combat pour être président de la République, aujourd’hui il est président de la République, au lieu qu’on avance, on recule plutôt, on fait un pas en avant et trois pas en arrière.

Guineematin.com : Dans ce combat pour la libération de votre camarade Sidiki Mara, est-ce que l’UGTG bénéficie du soutien d’autres organisations syndicales du pays ?

Elhadj Kandet Oumar Sankhon : Effectivement j’ai même une copie de la déclaration qui a été faite par l’unité d’action syndicale regroupant huit centrales syndicales qui nous apportent leur soutien dans ce combat.

Propos recueillis par Mamadou Alpha Diallo et Siba Guilavogui pour Guineematin.com

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