Conflits domaniaux et insécurité : le maire de Dubréka à Guineematin (interview)

Situé à 50 kilomètres de Conakry, la commune urbaine de Dubréka est aujourd’hui prisée par beaucoup de citoyens qui caressent le désir d’y acheter des terrains. Ce qui n’est pas cependant sans conséquence. Car, certains propriétaires terriens en profitent pour vendre une même parcelle à plusieurs personnes à la fois. Une situation qui entraîne des conflits domaniaux récurrents dans cette préfecture.

Pour parler de cette question et d’autres sujets d’actualité comme l’insécurité, le président de la délégation spéciale de Dubréka a accordé une interview à un reporter de Guineematin.com, ce lundi, 23 avril 2018.

 Nous vous proposons ci-dessous l’intégralité de l’entretien que Makiou Sall a accordé à notre rédaction.

Guineematin.com : Bonjour monsieur Makiou Sall, pour commencer, quelles sont les démarches à mener  pour l’acquisition d’un domaine à Dubreka ?

Mamadou Makiou Sall : merci de venir nous poser des questions pour savoir les réalités du terrain. Comme vous savez, on ne parlera que de la commune urbaine et non de la préfecture. La commune urbaine de Dubréka a une superficie de 700 kilomètres carrés pour 31 quartiers. Jusqu’en 2016, on avait 22 quartiers, mais en 2017 il y a eu 9 nouveaux quartiers, donc nous avons 31 quartiers. Donc, c’est pour vous dire que Dubréka, comme c’est une zone industrielle, quand tu viens pour chercher une parcelle, la première des choses, il faut aller rencontrer les propriétaires terriens. Après, tu vas voir le chef de secteur pour avoir une certitude que celui qui doit te vendre, ça lui appartient.

Mais avant d’acheter, il faut aller à l’habitat, parce que c’est seul l’habitat qui doit certifier si le domaine appartient ou non à l’Etat, c’est-à-dire s’il s’agit d’un domaine réservé, parce que c’est là où commencent tous les problèmes.  C’est ce que je dis, si l’habitat certifie que le domaine n’appartient pas à l’Etat, en ce moment vous pouvez aller l’acheter.

Guineematin.com : concrètement, comment ça se passe dans la pratique ?

Mamadou Makiou Sall : oui il y a beaucoup de problèmes, même les gens qui ne doivent pas vendre, qui ne sont mêmes pas propriétaires des parcelles se livrent à la vente des parcelles. C’est ce qui est très grave. Donc, il y a les chefs de secteurs qui vendent, les chefs de quartiers vendent, il y a certains maires même qui vendent les terrains qui ne les appartiennent pas, juste pour créer des problèmes aux citoyens. Donc c’est ça qui crée des problèmes, il faut qu’on dise la vérité aux guinéens. Sinon, normalement, ce qui ne t’appartient pas, tu n’as pas le droit de le vendre.
Guineematin.com : justement, vous avez relevez vous-mêmes les problèmes qu’il y a dans ce secteur. Comment vous parvenez à gérer tous ces conflits domaniaux ?

Mamadou Makiou Sall : ce n’est pas du tout facile, parce que nous, on a hérité de beaucoup de problèmes, parce que tu peux trouver une parcelle qui a deux propriétaires et chacun a une donation ou une fiche d’identification livrées par une même personne. C’est ici qu’on peut voir même des gens qui ont un titre foncier d’une zone qui appartient à l’Etat. Mais nous, quand il y a un problème, on invite les deux parties concernées à nous fournir les dossiers, on compare les dossiers parce que pour départager les gens, il faut savoir qui a eu les papiers en première position. Celui qui a les dossiers les plus anciens et qui a un problème avec un autre acquéreur, c’est au premier qu’il faut restituer. Tu peux aussi avoir le terrain en premier, mais si tu n’as pas les dossiers, tu ne peux pas justifier qu’il t’appartient.

Guineematin.com : l’autre problème à Dubréka, c’est le phénomène de l’insécurité. Régulièrement, des citoyens sont victimes d’attaques armées, y a-t-il de mesures prises pour diminuer ce fléau ?

Mamadou Makiou Sall : le problème d’insécurité est un problème national, ce n’est pas seulement à Dubréka, seulement ici c’est devenu monnaie courante. On arrive souvent à tuer des gens, à l’heure où je vous parle, il y a deux personnes fusillées et qui se trouvent dans les hôpitaux : l’une est couchée à l’hôpital Donka, l’autre est à Ignace Deen. Je suis d’accord avec vous qu’il y a beaucoup de problèmes d’insécurité à Dubréka, mais c’est lié à beaucoup de facteurs. Il y a certains quartiers dans la commune de Dubréka qui sont très enclavés, c’est le cas de Tobolon, de Kindiadi. Et les forces de sécurité, c’est-à-dire la gendarmerie et la police sont là en nombres insuffisants, et n’ont pas aussi de moyens, parce que vous pouvez trouver un poste où ils n’ont même pas un seul moyen de déplacement.

C’est pourquoi, souvent on les accuse, mais il faut créer les conditions, les équiper et les aider à avoir les moyens de déplacement. En ce moment s’ils ne font pas le travail on peut les reprocher. L’autre problème, c’est qu’il y a un manque de confiance entre les forces de sécurité et les citoyens, parce que si ça ne communique pas, les citoyens se diront que les policiers ou les gendarmes sont contre eux.

Guineematin.com : vous avez passé plusieurs mois à la tête de cette commune urbaine, est-ce que vous pouvez nous faire le bilan de certaines actions que vous avez réalisées ?

Mamadou Makiou Sall : bon ! Nous sommes à la tête de la délégation spéciale depuis octobre 2015. Ce que nous avons pu réaliser, il y a d’abord la radio communautaire qui nous a couté plus de 150 millions, on a construit une douzaine de marchés, il y en a qui sont achevés, il y a d’autres qui sont en chantier, c’est le cas du marché de Simbaya, le marché de Toumanyah, le marché de Kagbelein village et centre, le marché de Kalefouré, le marché de Tobolon, le marché de zone Tampon, deux marchés dans la zone de Kindiadi, et tout dernièrement le marché qu’on a entamé qui est à plus de 60% de réalisation au niveau du quartier de Fofondirè. On a construit des forages dans certains quartiers, on a acheté un domaine de huit hectares pour le dépotoir.

En Guinée et à Dubréka en particulier, on n’avait pas une décharge appropriée, le domaine est là. A part ça, on a construit un pont sur la route de Falessadé, on a rénové des écoles à Bondabon, à Tobolon, au centre-ville, on a équipé la mairie, tous les bureaux sont équipés avec des ordinateurs parfois. Au niveau de la maison des jeunes, on n’a contribué aussi à l’achat d’un décodeur, un projecteur grand écran. On a fait des ouvertures dans certains quartiers ; la mairie a débloqué plus de 75 millions  pour le bitumage de la route qui va du Km5 au centre-ville, le travail a été commencé par l’entreprise Guicopres, mais ce n’est pas achevé, nous allons leur dire d’achever le chantier.

Guineematin.com : un dernier mot ?

Mamadou Makiou Sall : c’est de demander à la population de Dubréka de se donner la main, il ne faut pas être divisé en disant que toi tu es soussou, toi tu es peulh, toi tu es forestier. Parce que le problème se pose partout, surtout dans certaines régions de la Guinée. Ça ce n’est pas normale, on ne doit pas choisir une personne parce qu’elle est de sa communauté, il faut choisir les gens par leur compétence. Je demande donc à tous les citoyens de se donner la main pour le développement de notre commune.

Entretien réalisé à Dubréka par Ibrahima Sory Diallo, envoyé spécial de Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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