Hajj 2018 et crise sociale : la participation de la Guinée est-elle menacée ? (Interview)

Le premier convoi des pèlerins guinéens doit normalement bouger à la fin de ce mois de juillet pour les lieux saints de l’islam. L’heure est donc aux derniers préparatifs actuellement à Conakry. Mais ces préparatifs sont sérieusement perturbés par les mouvements sociaux en cours suite à la hausse du prix du carburant. Et cette crise sociale risque de porter préjudice à la participation guinéenne au pèlerinage musulman de cette année. C’est le secrétaire général adjoint des affaires religieuses, Elhadj Karamo Diawara, qui l’a annoncé au cours d’une interview qu’il a accordée à Guineematin.com, ce jeudi 19 juillet 2018.

Décryptage !

Guineematin.com : vous êtes en pleins préparatifs du Hajj 2018, dites-nous où en êtes-vous aujourd’hui avec ces préparatifs ?

Elhadj Karamo Diawara : actuellement nous sommes en avance dans le cadre des préparatifs du pèlerinage. Vous allez constater que l’ensemble des travaux sont décentralisés cette année. Dans l’enceinte du centre islamique, vous verrez qu’il y a moins de pèlerins. Dans l’organisation aussi, nous sommes à 80%. Ça c’est dû aussi à des innovations que nous avons faites. Par exemple, au niveau de la vaccination, les années passées les pèlerins rencontraient beaucoup de difficultés. Mais ça, c’est des mauvais souvenirs parce qu’aujourd’hui nous avons décentralisé les sites de vaccination au niveau des cinq (5) communes de la capitale afin que les pèlerins soient plus proches des lieux de vaccination.

Et au niveau de chaque site de vaccination, il y a un programme de sensibilisation des pèlerins sur les nouvelles dispositions prises par l’Etat saoudien, quel doit être le comportement de chaque pèlerin, quel type de bagage chaque pèlerin doit porter et ce qu’il ne doit pas envoyer au pèlerinage, et quel est le rite du pèlerinage cette année. Parce que l’objectif général du pèlerin c’est que son péché soit pardonné et que Dieu lui accorde le paradis. C’est pourquoi cette année, dans chaque lieu de vaccination, il y a des spécialistes dans toutes les langues nationales, qui sensibilisent les pèlerins sur l’objectif du pèlerinage, le but du pèlerinage, les rites du pèlerinage et les lois établies par les autorités saoudiennes etc.

Donc, aujourd’hui, la commission chargée des visas est en train de travailler derrière la porte ici ; et, je crois qu’ils ont commencé l’envoie des passeports pour l’obtention des visas. Nous attendons maintenant que le consul nous fasse signe pour que nous puissions maintenant viser les passeports des pèlerins. Donc, le secrétaire général des affaires religieuses a mis en place toutes les commissions qui doivent assister les pèlerins à partir d’ici. Nous avons une commission d’organisation en charge du départ, une autre pour l’accueil et chaque commission a la charge de coordonner et sécuriser l’ensemble des pèlerins d’ici jusque là-bas.

Guineematin.com : quelles sont les restrictions imposées cette année par l’Arabie Saoudite ?

Elhaj Karamo Diawara : l’Arabie Saoudite a limité le nombre de bagage, ils ont aussi identifié un certain nombre de produits comme les noix de cola chez nous ici, aussi comme le Soumbara, l’huile rouge, bref tout ce qui peut affecter la santé des pèlerins est interdit. Pour eux, tout ce qu’un pèlerin désir avoir se trouve chez eux. Donc, ils interdisent tous les produits pour ne pas que les pèlerins tombent malades là-bas.

Guineematin.com : vous avez parlé d’innovations mais on apprend aussi qu’il y a des soucis dans les préparatifs du Hadjj. Quelles sont les difficultés qui se posent aujourd’hui dans ce cadre ?

Elhadj Karamo Diawara : les difficultés réelles que nous rencontrons actuellement, c’est l’empêchement des pèlerins de se mobiliser tranquillement. Comme vous le savez, il y a maintenant 10 jours que certains pèlerins ont été empêchés de venir se faire vacciner. Cela est dû au malentendu qu’il y a actuellement entre les syndicats, la société civile et le gouvernement sur le prix du carburant. Vous n’êtes pas sans savoir que le pèlerinage musulman et celui chrétien se font au même moment cette année. Donc, deux jours d’empêchement seulement ont conduit au changement du programme des départs des pèlerins.

Un vol devait quitter le 27 de ce mois pour la Mecque, mais ça a été repoussé au 30 juillet ; donc, vous voyez ce que ça fait.

Aujourd’hui encore, on entend qu’il y aura deux jours de manifestation à Conakry à partir de la semaine prochaine, ça nous préoccupe. C’est pourquoi, nous avons lancé un appel solennel au gouvernement, la société civile, le syndicat et les partis politiques, d’accepter de retrouver autour de la table, afin de mettre fin à cette crise. Il ne faut pas qu’après Ebola, que les guinéens soient empêchés encore de partir à la Mecque. Une délégation composée du grand imam, les secrétaires communaux, et dirigée par le secrétaire général des affaires religieuses est allée rencontrer le Premier ministre dans ce sens. Nous lui avons dit tout simplement de faire en sorte qu’une solution soit trouvée à cette crise et faire en sorte que la Guinée ne soit pas éliminée du Hajj cette année.

Guineematin.com : donc si la crise perdure, il y a des risques que la Guinée soit éliminée du Hajj cette année ?

Elhadj Karamo Diawara : oui il y a des risque que notre pays soit éliminé du Hajj. Les deux tiers des pèlerins sont à l’intérieur du pays, donc si Conakry est agitée, il y a problème. Actuellement il y a des gens qui ne se sont pas fait vacciner, les Banques aussi ne fonctionnent pas normalement, et l’avion doit être là dans 10 jours. S’il y a des violences, il sera difficile que l’avion puisse atterrir à Conakry ; il sera aussi difficile que les convois quittent le centre islamique pour l’aéroport, il sera aussi difficile pour les pèlerins de quitter leurs maisons pour venir s’enregistrer pour les convois.

Souvent, ces manifestations empêchent même les techniciens qui travaillent dans le processus du virement d’argent ou de la vaccination de travailler convenablement. Donc, nous avons fait deux jours ici sans travailler, cela a impacté le processus parce que chaque pèlerin doit se faire vacciner 10 jours avant son départ vers les lieux saints de l’islam. Donc, les pèlerins qui viennent en groupe constituent pour la plupart les pèlerins de l’intérieur du pays. Et là, un grand groupe de personnes s’apprêtent à venir à Conakry le lundi, et si cette journée connait des perturbations, ça va porter un coup dur à l’organisation du Hajj.

Ibraghima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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