Housseynatou Diallo, lauréate de la fondation Tony Elumelu : « en business, il faut savoir partager »

Doctorante en Economie agricole, Housseynatou Diallo, directrice générale de la Baaxu Mam Company, impliquée dans la transformation des produits bruts de l’agriculture en jus, a été distinguée parmi les 6 lauréats de la Fondation Tony Elumelu, le samedi dernier, 14 octobre 2017, à Lagos, au Nigeria, lors de la cérémonie officielle de clôture du troisième forum de l’entrepreneuriat jeune en Afrique.

D’origine guinéenne et de nationalité sénégalaise, la jeune cheffe d’entreprise a reçu son attestation des mains de celui qu’on appelle The Boss, Tonu Elumelu en personne, en présence d’éminentes personnalités comme le vice-président nigérian et des riches hommes d’affaires à l’image d’Aliko Dangoté.

Comme on le sait, la Fondation Tony Elumelu (TEF) a mis sur la table cent millions de dollars pour aider les meilleurs projets des jeunes entrepreneurs africains à se développer. A travers sa fondation qui porte son nom, le philanthrope et patron du groupe United Bank for Africa (UBA) débloque ainsi dix millions de dollars chaque année sur un programme de dix ans (qui a commencé en 2015) pour identifier, former et accompagner des jeunes sélectionnés sur la base de la pertinence de leurs projets qui proviennent des 54 pays d’Afrique.

Très ambitieuse, Housseynatou Diallo, la lauréate sénégalaise (d’origine guinéenne) souhaite transformer sa petite entreprise en grande usine de transformation de jus en Afrique et aussi diversifier ses produits. A la fin de la cérémonie de clôture du troisième forum Tony Elumelu Fondation de cette année (TEFForum2017), la directrice général de « Baaxu Mam Company » a expliqué son projet à quelques journalistes présents dont l’envoyé spécial de Guineematin.com à Lagos :

Décryptage !

Que faites-vous comme activité ?

Housseynatou Diallo : Je transforme les fruits locaux du Sénégal en plusieurs produits. D’abord, je fais du jus et de brut. Pourquoi de jus et de brut ? Quand j’ai déposé à la fondation Tony Elumelu, l’ambition, c’était de faire un centre de transformation de jus. Mais, comme je n’ai pas assez de moyens et les machines de transformation de jus sont chères, je me suis adaptée et je me demande ce que je dois faire pour éviter des dépenses inutiles et d’avancer ensuite parce que l’ambition ce n’est pas d’avoir seulement une entreprise mais c’est de créer des entreprises dans toute l’Afrique. J’ai commencé avec le jus de fruit que je vendais à mes amis que je livrais moi-même et les gens se moquaient de moi : « comment tu peux avoir un Master II et faire de jus » ? C’est incompréhensible pour eux. Mais, moi, je me comprends et je sais là où je vais aller. Il faut se battre parce que l’entreprenariat n’est pas une chose facile. Il faut tout le temps se battre pour trouver des solutions et ne pas écouter les gens parce qu’on est dans une société… Disons que les africains sont complexés par rapport à certaines choses quand tu le fais ils se moquent de toi. C’est comme ça que j’ai commencé avec le jus. Et, là, j’ai commencé à commercialiser le jus dans un supermarché qui s’est implanté récemment au Sénégal ; et, en plus de ça, j’ai des abonnés mensuels auxquels je livre à domicile. Dans un mois, je vais lancer un nouveau produit, le brut de fruit de baobabs et d’ibiscus.

Quelle est ton impression sur ta participation à ce forum et de remporter ce prix ?

HousseynatouDiallo : Quand on gagne un prix sur deux mille (2 000) personnes, je ne  peux qu’exprimer ma fierté, même si je dis que je n’ai rien fait. C’est juste un bon début, il ne faut pas se prendre la tête ou bien être obnubilé par le prix, penser qu’on a réalisé de grand-chose  alors qu’on est au début et on n’a pratiquement rien fait.Quand on sera par exemple comme Dangoté ou bien avoir la capacité d’employer 20 ou 25 personnes, en ce moment, je peux dire que je suis afin arrivée. Avec deux personnes, on ne peut pas se prendre la tête pour un prix. C’est vrai que je suis contente et reconnaissante pour ça.

Quels conseils peux-tu donner aux jeunes qui veulent entreprendre pour créer des emplois ?

Housseynatou Diallo : Vous savez que l’entreprenariat comporte deux éléments essentiels : c’est de trouver des solutions tout le temps à des difficultés et de mettre la main à la patte. Il m’arrive d’aller à l’institut de recherche ou je descends à 17 heures. Je vais au local, je produis du jus jusqu’à 4 heures du matin ; ensuite, je dors sur un canapé, je me réveille, je vais me laver et je vais à l’école. Quand on n’est pas prêt à faire ça, on ne peut pas avancer. Il n’y a pas de secret, il suffit de se battre et de trouver des solutions. Je ne pouvais pas avoir de machine et je me suis dit ce que je dois faire pour avoir des revenus en vue de me procurer ces machines. J’ai enfin trouvé des solutions pour avoir des machines de transformation du jus. Toute la vie de l’entrepreneur, je pense que c’est de trouver perpétuellement des solutions et de se battre, de mettre la main à la patte quand on n’a pas de quoi payer l’employé. C’est de travailler pour soi jusqu’à trouver de quoi payer un employé ; en attendant, dormir sur un canapé, sur une natte ou sur un bureau. Ce n’est pas grave.

Est-ce-que  tu as trouvé un appui de tes parents pour te lancer ?

Housseynatou Diallo : Je suis issue  d’une famille modeste. Quand j’ai commencé, c’est mon père qui m’a prêté 250 000 francs Cfa. Je faisais du jus chez moi que j’allais livrer. C’est comme ça que j’ai postulé au programme de la Fondation Tony Elumelu ; et, j’ai bénéficié de cinq mille dollars (5 000 USD). J’ai reçu la première tranche, entourée de mes amis. On s’est mis ensemble. Il y’avait un ami qui a mis à notre disposition un local. Nous avons un local qui n’est pas grand ; mais, on se débrouille avec ça. Moi et mes amis avec qui on s’est mis ensemble sommes tous des entrepreneurs. Le problème des africains, ils veulent avoir tout le bénéfice  pour eux. En business, quand tu ne sais pas partager, tu ne peux pas avancer. Si je ne savais pas partager, je n’allais pas avoir ce local, ni de collaborateurs. On partage la peine et le bénéfice. C’est ça l’entrepreneuriat.

Que comptes-tu faire dans l’avenir pour élargir ton entreprise ?

Housseynatou Diallo : Il y a plein de fruits en Guinée que je voulais acheminer à Dakar pour les transformer en jus. Mais, malheureusement, je n’ai aucun contact sur place et mes moyens sont très limités. Donc, s’il y a un guinéen qui souhaite aider un autre guinéen dans un autre pays, je suis preneur. Celui qui veut investir avec moi, il est le bienvenu…

Propos recueillis par Nouhou Baldé, envoyé spécial de Guineematin.com à Lagos (Nigéria)

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