L’enfer de Linsan (ou pont Siraaté) : le supplice des usagers !

La crue du fleuve Konkouré qui a complètement coupé la circulation sur la déviation de Linsan, dans la préfecture de Kindia et la décision des autorités d’interdire aux camions gros porteurs (plus de 40 tonnes) de circuler sur le nouveau pont de ladite localité sont les causes d’un véritable supplice que subissent actuellement les usagers de la route nationale n°1 Kindia-Mamou, a constaté un reporter que Guineematin.com a dépêché sur place pour un constat de terrain, à la demande de plusieurs automobilistes et passagers.

Livrés de jour comme de nuit à la merci des intempéries de la nature, plusieurs centaines de personnes et des dizaines de véhicules, notamment des camions gros porteurs étaient bloquées hier, dimanche 12 août 2018, de part et d’autre de ce fameux nouveau pont qui relie les préfectures de Kindia et Mamou.

Des voitures en panne ou qui patinent dans la boue, des citoyens qui marchent sans protection sous la pluie, une longue file de camions, des marchandises qui pourrissent, des vendeuses qui se faufilent par endroit entre les véhicules à la recherche de clients, des bœufs qui agonisent ou qui meurent tout simplement… C’est la situation qui prévalait ce dimanche à quelques kilomètres en amont du nouveau pont de Linsan, en provenance de Mamou, où des camions gros porteurs transportant des marchandises et de plusieurs dizaines de véhicules transportant des passagers étaient bloqués.

Sans abris et livrés à la merci des intempéries de la nature (vent, pluie, froid…), en totale manque d’hygiène (toilettes) et de sécurité, certains usagers dont des malades en provenance de Mamou étaient obligés de parcourir des kilomètres à pieds pour trouver de quoi manger.

« Nous sommes arrivés ici à 10 heures. Notre voiture est bloquée à plus de 4 kilomètres du pont. Et, comme nous avons faim, tous les passagers sont descendus de la voiture. Je suis là avec ma mère qui est malade. On marche sous la pluie pour aller chercher à manger. A part l’eau de Coyah qu’on est en train de ventre à 1 000 francs le sachet, il n’y a rien derrière là-bas. Il est presque 19 heures et on ne sait toujours pas si notre voiture pourra traverser le pont aujourd’hui », s’est lamentée Kadiatou Camara qui a dit être en route pour Conakry où sa mère a un rendez-vous médical.

Contrairement à Kadiatou Camara, qui n’avait passé que quelques heures encore dans ce lieux que d’autre appellent maintenant « l’enfer », certains usagers y étaient bloqués depuis quatre jours.

« C’est le Jeudi vers midi, que nous sommes arrivés ici. Depuis, on passe la journée sous le soleil et la pluie. Et, quand il fait nuit, nous dormons avec nos marchandises dans le camion. Nous sommes venus avec des sacs de piments, de patates et d’aubergines ; mais, tout est pourri. La déviation est fermée par la crue du fleuve et ils ont dit que les gros camions ne vont pas passer sur le pont. Or, nous ne pouvons pas transporter tous ces sacs sur nos têtes pour les faire traverser le pont. Moi, personnellement, j’ai une marchandise d’une valeur d’un million de francs qui a presque fini de pourrir dans le camion. Mon voyage est déjà terminé parce que je n’ai plus rien. Je cherche maintenant à rentrer chez moi à Soumbalako. Le plat de riz se vend ici à 10 000 francs et un sachet d’eau minérale à 1 000 francs », a expliqué Hadjiratou Diallo, une marchande.

Un peu partout des deux côtés de la route, des tas d’oranges, de tomates, de piments, des sacs de laitue ou de chou pourris étaient visibles.

La désolation était aussi grande chez les éleveurs qui se sont retrouvés coincés dans cet endroit avec leurs bœufs sans possibilité de traverser le fameux nouveau pont. En attendant une solution, les éleveurs ont jugé utile de débarquer les bœufs des camions pour les envoyer paître dans les environs. Mais, avec l’humidité et la fraîcheur causées par la pluie qui ne cesse de s’abattre sur Linsan et ses environs, certains bœufs et surtout les chèvres, sont agonisants. Et, d’autres sont déjà morts.

« Depuis que je suis arrivé ici le jeudi, c’est la souffrance. J’ai plus de deux cent (200) moutons et chèvres avec moi. Ils doivent manger pour vivre et supporter le voyage jusqu’à Conakry. J’ai déjà perdu deux chèvres qui sont mortes comme ça. Deux autres étaient tombées malades. Elles étaient mourantes. Je viens de les vendre à trois cent mille francs (300 000 GNF). C’est déjà une perte énorme pour moi ! Mais, si on nous autorisait à traverser aujourd’hui le pont, je serais vraiment soulagé », a indiqué Abdoulaye Diallo, un vendeur qui est venu de Faranah pour la capitale Conakry.

Pour se rapprocher du pont, aux environs de 17 heures, plusieurs véhicules ont abandonné la chaussée pour se lancer sur la petite plaine située tout le long de la route (à moins d’un kilomètre du pont). Certains ont réussi à y sortir tranquillement ou avec quelques séances de patinage qui ont détruit les cultures d’arachides qui s’y trouvaient ; alors que d’autres y sont carrément tombés en panne ou se sont embourbés.

Finalement, on se demande bien jusqu’à quand durera cet enfer qui est comparé aujourd’hui par certains au pont de Siraaté ? Un pont décrit dans le Saint Coran comme la traversée après le jugement dernier, le pont qui sépare les chemins entre ceux qui brûleront dans l’enfer et ceux qui entreront au paradis. On dit que c’est seulement ces derniers qui réussiront à traverser le pont Siraaté… Aujourd’hui, si les hommes et femmes qui empruntent la route nationale n°1 parviennent à traverser, même après plusieurs jours de calvaire, beaucoup de leurs biens ne traversent pas, y compris des moutons et chèvres en cette veille de la fête de Tabaski…

De Linsan, Keïta Mamadou Baïlo pour Guineematin.com

Facebook Comments Box