Palais du Peuple : Gassama Diaby invite les guinéens à « dépassionner l’Histoire » (Discours)

Comme annoncé précédemment sur Guineematin.com, un livre portant sur un pan de l’histoire de la Guinée a été présenté ce mardi, 25 septembre 2018, au Palais du Peuple de Conakry. Intitulé « Mémoire Collective, une histoire plurielle des violences politiques en Guinée », cet ouvrage constitue une sorte de « regards croisés de journalistes, d’universitaires et de défenseurs des droits humains » sur la Guinée de la période de lutte pour les indépendances jusqu’en 2009.

De nombreuses personnalités ont pris part à la cérémonie : le ministre de l’Unité Nationale et de la Citoyenneté, Khalifa Gassama Diaby, des compagnons de l’indépendance, des anciens dignitaires du régime du PDG-RDA, des avocats, des associations de victimes du Camp Boiro et du stade du 28 septembre, le chef de file de l’opposition guinéenne, des défenseurs des droits humains, des représentants de l’Union Européenne et de nombreux anonymes.

La rencontre a été marquée par le discours du ministre Gassama Diaby, longuement applaudi par l’assistance.

Un reporter que Guineematin.com avait dépêché sur place a enregistré et décrypté ce discours pour vous : « Au regard de notre histoire, nous avons une mémoire publique segmentée, parce que nous avons une difficulté à faire émerger la nation dans notre pays. Et cette difficulté, elle s’explique par notre incapacité à assumer l’histoire. Et cette histoire, pourquoi nous ne l’assumons pas, parce que les différentes catégories de notre pays, chacun fait gagner sa perception de l’histoire alors qu’il suffirait de deux choses : la vérité des faits, la diversité des appréhensions des faits et la primauté des valeurs.

Nous voyons aujourd’hui l’état de notre pays. Nous sommes dans un pays qui a des difficultés aujourd’hui à faire vivre les valeurs de la République, parce que nous considérons que lorsque vous êtes d’une communauté et que vous pouvez prétendre votre protection que de la part d’un membre de votre communauté, parce que l’Etat n’arrive pas suffisamment à faire garantir aux citoyens sa capacité à protéger chaque citoyen en dehors de ses appartenances originaires. Il faut dépassionner l’Histoire. Pour cela, il faudrait que nous nous acceptions déjà d’être sérieux.

Je le dis avec tout le respect que je dois à nos aînés dans la salle, je crois que nous sommes dans un pays triste et attristant (applaudissements nourris). Nous avons un nationalisme un peu… je cherche les mots, parce je ne veux pas choquer… nous avons un nationalisme assez béat, assez futile, nous nous regardons le nombril. Nous allons bientôt fêter les 60 ans de notre indépendance, on nous ressasse les oreilles avec l’histoire coloniale. Nous avons réclamé notre indépendance, nous sommes incapables de proposer à notre pays un environnement de bonheur, de liberté et de justice. C’est notre responsabilité (applaudissements nourris).

Et, dans ce constat global, nous avons les deux démarches. La première démarche, qui est assez courante dans notre pays, c’est celle qui consiste à faire la critique de l’Etat, de la puissance publique. C’est une démarche légitime et nécessaire. Mais, nous faisons une erreur dans cette démarche. Cet Etat qui est embryonnaire, ne peut être critiqué efficacement que lorsque nous engobons dans cet Etat le corps social. Nous ne le faisons pas….

Les guinéens aiment beaucoup réclamer la justice. Nous ne sommes pas dans nos vies individuelles, dans notre vie quotidienne nous n’aimons pas la justice. Sauf lorsque cela nous concerne. Vous ne pouvez pas demander à l’Etat quelque chose si vous n’êtes pas en capacité d’assumer cette responsabilité. Donc, cette critique de l’Etat, il faudrait que les guinéens se promettent eux-mêmes (….).

Deuxièmement, je voudrais qu’on se souvienne d’une chose, la Guinée est membre à part entière de la communauté internationale. Si nous n’assumons pas notre histoire dans sa totalité, dans sa page grise, triste, avec l’amertume, nous devons l’assumer, parce que cette mémoire est un élément de la construction d’une nation. On ne peut pas construire une nation sans passé. Nous avons décidé de nous installer dans l’amnésie…

L’Histoire est complexe, elle est difficile. Si nous voulons aller de l’avant, c’est de définir les valeurs, il faut que nous ayons le courage d’assumer dans le passé, ce qui a été fait d’injuste…. ».

Alpha Mamadou Diallo pur Guineematin.com

Tél 628 17 99 17

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