Après l’annonce de la demande de mise en accusation du président de la République, le professeur Alpha Condé, par les députés de l’opposition, à l’occasion de la dernière session des Lois, le lundi 04 juillet 2016, Guineematin.com a rencontré le président du groupe parlementaire de l’opposition. Au cours de l’interview, Docteur Fodé Oussou Fofana a accepté de répondre à plusieurs questions, notamment sur la reprise des manifestations publiques, les préparatifs des élections locales…
Décryptage !
Guineematin.com : Docteur Fodé Oussou Fofana bonsoir et merci d’avoir accepté de nous recevoir. Pour commencer, vous venez de remettre un document au Président de l’Assemblée nationale pour demander la mise en accusation du Président Alpha Condé. Dites-nous à quoi cela pourrait aboutir ?
Fodé Oussou Fofana : Merci. Ce n’est pas à quoi cela va aboutir. Le problème est qu’il faut, quand même, que le monde entier se rende compte que nous avons un Président qui, depuis qu’il est élu en 2010, a juré sur la constitution en disant qu’il allait respecter cette constitution. Il est le premier à violer la constitution de notre pays. Je pourrais vous citez plusieurs exemples. Vous vous rappelez que depuis son Election controversé de 2010, monsieur Alpha Condé continu à être le Président du RPG Arc-en-ciel. Ça, c’est en violation de toutes les lois de la République. Un Président de la République ne peut pas être Président d’un parti politique (article 38 de la constitution). Le président Alpha Condé a le courage d’aller au siège du RPG, présider lui-même les assemblées générales, tenir des discours qui vont à l’encontre de l’unité nationale. Donc, nous considérons cela comme une violation flagrante de la constitution. Il est aussi dit que le chef de l’Etat et les membres de son gouvernement doivent faire une déclaration publique de leurs biens. Monsieur Alpha Condé, puisqu’il considère qu’il est le chef de l’Etat, il peut violer la loi, jusqu’aujourd’hui, il n’a pas fait cette déclaration. . Il refuse catégoriquement de mettre en place la Haute cour de justice. Si je vais plus loin, dans notre constitution, on ne peut pas avoir deux nationalités. Alors, moi je n’ai pas encore de preuve que monsieur Alpha Condé a renoncé à sa nationalité française. Donc, je considère que le Président de la République que nous avons aujourd’hui a une double nationalité (Guinéenne et Française). Là aussi, ce n’est pas normal. A moins qu’on me donne la preuve qu’il a effectivement renoncé à sa nationalité française. Pour toutes ces raisons, et pour d’autres d’ailleurs, notamment le fait que le Président de la République est le premier qui crée des problèmes pour la consolidation de l’unité nationale. Vous avez vu au niveau de la coordination manding tout dernièrement, il a dit qu’il n’est pas allé là-bas en tant que chef de l’Etat, mais il est allé en tant que fils du manding. Les Guinéens ont eu du mal à distinguer entre monsieur Alpha Condé fils du manding, monsieur Alpha Condé Président de la République et monsieur Alpha Condé, Président du RPG Arc-en-ciel. Chaque fois qu’il a envi de faire quelque chose, il devient une autre personnalité. C’est pour toutes ces raisons que le groupe parlementaire des Libéraux-Démocrates que j’ai l’insigne honneur de diriger, a décidé de sa mise en accusation pour haute trahison. Nous avons le droit, conformément à l’article 119 de notre constitution de le mettre en accusation. Nous l’avons fait lundi 04 juillet 2016 à travers un document qu’on a remis officiellement au Président de l’Assemblée nationale. Il reste entendu que celui-ci va convoquer une réunion du bureau. Nous allons en discuter. A partir de cet instant, il faut que ça passe au niveau de la plénière. Il faut à peu près que 69 députés valident cette proposition du groupe parlementaire Libéral Démocrate.
Guineematin.com : Vous avez lancé ce débat, mais vous reconnaissez en même temps que la Haute cour de justice n’existe pas encore. Alors, qui va poursuivre le Président Alpha Condé ?
Je pense que, honnêtement, si nous voulons que ce pays avance, il faut qu’il y ait des gens qui ont le courage de dire à monsieur Alpha Condé de mettre en place la Haute cour de justice. Nous-mêmes, en tant que députés, nous avons le droit de désigner certains de nos membres pour cette Haute cour de justice. Au niveau de notre groupe parlementaire, nous avons déjà choisi trois personnes qui vont nous représenter. La liste va être présentée au président de l’Assemblée nationale. Je suis sûr que, pour une fois, les députés du RPG Arc-en-ciel vont faire preuve de maturité politique en acceptant de se mettre avec nous pour considérer que monsieur Alpha Condé a violé la loi. C’est ce que nous attendons. Le document a été remis au Président de l’Assemblée devant la presse, la communauté internationale et les membres du gouvernement. Les députés du RPG Arc-en-ciel ont commencé à dire qu’ils allaient réserver un enterrement de première classe à cette proposition. Moi, je répondrais que s’ils veulent, ce n’est pas un enterrement de première classe qu’ils vont réserver mais un enterrement de la classe business. Il reste entendu que demain, chacun sera rattrapé par ses propos et par ses comportements. Je pense que si l’on veut aller de l’avant, il faut qu’on ait le courage de dire la vérité au Président de la République. Je m’en vais vous donner un exemple. Nous avons connu le Président Lansana Conté. Il avait comme opposants, Alpha Condé, Bâ Mamadou, Siradiou Diallo et Jean Marie Doré. Mais, Lansana Conté savait se mettre au dessus des partis politiques. Chaque fois qu’ils (les opposants : ndlr) demandaient de discuter avec lui, il (Lansana Conté : ndlr) disait non ! Je ne suis pas Président d’un parti politique. Allez-y discuter avec le Président du PUP, mais pas avec moi. Je ne suis pas votre interlocuteur, je suis le Président de l’ensemble des Guinéens. On s’attendait à ce que monsieur Alpha Condé adopte des comportements comme ça. Mais, vous avez constaté qu’aucun dialogue politique n’a marché ici parce qu’il a le dernier mot. Il est entrain de caporaliser toutes les institutions de la Guinée (la CENI, la Cour suprême,…). Tout est sous ordre. Je suis convaincu qu’il y a certaines personnes au niveau du RPG Arc-en-ciel qui sont d’accord avec nous et qui se mettront avec nous pour qu’on ait le maximum de députés qui vont signer cette mise en accusation.
Guineematin.com : L’autre question, c’est la reprise des manifestations de l’opposition. Est-ce qu’il y a une date retenue pour le démarrage de ces manifestations ?
Vous avez vu que le dialogue est complètement bloqué. Nous avons été surpris de voir le ministre de la justice dire qu’il a reçu des instructions du Premier ministre de relancer le dialogue. Mais, je tiens à rappeler au ministre de la justice qu’il y a quelques mois, il avait dit qu’il n’était plus membre de ce dialogue. Je me demande entre ce qu’il dit et ce que son Premier ministre dit, où est la vérité. Donc, je considère qu’il n’y a pas de cadre de dialogue. Il reste entendu que monsieur Alpha Condé ne comprend pas bien le langage du dialogue. Ce qu’il comprend, c’est le langage des manifestations. Les gens ont dit pourquoi on manifeste ? Moi, je dis que ce parce qu’on n’a rien obtenu ici depuis que monsieur Alpha Condé est au pouvoir par le dialogue. Vous vous rappelez, quand il a été élu, il était prévu d’organiser ces élections communales et communautaires six mois après, on ne l’a pas obtenu. Il était dit qu’il fallait organiser les élections législatives, difficilement on les a obtenus. C’est par les manifestations. Et, aujourd’hui, il y a 70 jeunes qui sont enterrés au cimetière de Bambéto. Tout simplement parce que monsieur Alpha Condé ne veut rien céder. Il ne veut pas organiser les élections. Il ne veut pas qu’on se retrouve, qu’on discute et qu’on puisse mettre ce pays sur le chemin de la démocratie. Donc aujourd’hui, il est dans la même logique. On ne peut pas obtenir les élections communales et communautaires avec lui si on ne recommence pas les manifestations de rue. La décision est prise. Même si la date n’a pas encore était fixée. La commission d’organisation est entrain de travailler suffisamment là-dessus. Nous allons commencer ces manifestations et certainement, on va les étendre au niveau de tout le territoire national. Nous allons manifester parce que l’article 10 nous en donne le droit. J’espère que les forces de l’ordre joueront leur rôle pour encadrer les manifestations.
Vous allez me dire mais à chaque fois qu’il y a des manifestations, vous envoyez les enfants à la boucherie. Mais, qui est le bouché ? Est-ce que la Guinée est le seul pays au monde où il y a des manifestations ? Vous avez vu dans les autres pays. Est-ce que vous avez vu les gens utiliser des balles réelles pour tirer sur des manifestants ? Ça ne se fait que dans ce pays et cela aussi, c’est avec l’arrivée de monsieur Alpha Condé au pouvoir.
Guineematin.com : Concrètement, à quoi vous vous attendez après les manifestations?
Vous allez me demander à quoi ça sert les manifestations ? Je veux dire oui ! Ça sert à quelque chose. Ça sert à monsieur Alpha Condé parce qu’il aime les rapports de force. Il ne revient à la raison que lorsqu’il se rend compte que nous sommes très au sérieux. Nous sommes prêts à manifester et qu’il est coincé, il offre le dialogue et il donne la possibilité pour qu’on organise les élections communales et communautaires. Je pense que nous n’allons pas rester les bras croisés et considérer que c’est une fatalité.
Guineematin.com : Qu’est-ce que vous faites actuellement au niveau de l’UFDG pour l’organisation de ces élections ?
Mais, ce que nous faisons, nous continuons à sensibiliser nos militants. Nous continuons à animer nos assemblées. Nous continuons à vendre notre projet de société. Aujourd’hui, vous avez vu les adhésions que nous avons au niveau de l’UFDG. C’est de milliers de personnes qui sont déçus du pouvoir qui viennent nous rejoindre. Il n’y a pas un seul Guinéen, même ceux qui ont voté pour monsieur Alpha Condé qui n’a pas compris que la solution n’est pas Alpha Condé. Depuis sa venue au pouvoir, c’est la misère et la précarité. Vous avez vu Rio Tinto ? Ils sont partis. Quand monsieur Alpha Condé est arrivé au pouvoir, les miniers sont venus en grand nombre. On a commencé à parler de mégas projets. Mais, croyez-moi qu’il y a certains militants du RPG qui ont pensé que « méga-projet », c’est une personne. Mais, tout ceux qui sont venus sont partis parce qu’ils ont vu qu’on ne peut pas dialoguer. Ils ne comprennent pas le langage de monsieur Alpha Condé qui pense qu’avec ces miniers, c’est lui qui va imposer sa volonté. Il ne sait pas, que dans les affaires, c’est gagnant-gagnant. Ce qui l’intéresse, c’est dire qu’il a 30% et ce qu’ils construisent (les miniers : ndlr), c’est pour l’Etat Guinéen. Comme si on était dans un Etat socialiste. Ces miniers sont partis on ne sait pas pourquoi ? Rio Tinto a investi tellement d’argent dans ce pays, qu’il faut se demander pourquoi ils sont partis ? Vous vous rappelez des 700 millions de dollars que Rio Tinto avait donné à monsieur Alpha Condé. On ne connait même la destination de cet argent. Pourquoi ils sont partis ? Pourquoi la Sotelgui n’est pas relancée ? Pourquoi Friguia a fermé ? Pourquoi Nestlé a fermé ?… Nous sommes dans une situation catastrophique. Les Guinéens se rendent compte que le Président Alpha Condé n’avait pas l’expertise de gérer un pays comme la Guinée.
Guineematin.com : Vous venez de parler des adhésions au niveau de l’UFDG. C’est vrai que le parti fait l’objet de beaucoup de convoitise actuellement, mais est-ce que vous croyez à la sincérité de ces adhésions ?
Ce n’est pas une question de sincérité. C’est une question de conviction. Vous savez que le discours qui avait été tenu est un discours ethnique. Monsieur Alpha Condé n’avait qu’une seule politique : celle de diviser pour régner. Opposer les malinkés aux peulhs, les soussous aux bagas, etc. L’argent qui a été dépensé pour diviser les roundés et les foulassos, pour diviser le Fouta Djallon est un exemple. Vous avez vu ce qui s’est passé en Haute Guinée avec les problèmes de Diawara, Ousmane Kaba… Tout cela, c’est sa technique de diviser pour régner. Maintenant, les Guinéens se retrouvent et ils savent là où se trouve la vérité. Vous vous rappelez du problème d’empoisonnement bidon au palais du peuple en 2010. Les peulhs ont été chassés en Haute Guinée. A l’époque, le général Sékouba Konaté avait voulu que les candidats Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo prennent l’avion pour aller voir les populations pour leur dire qu’ils sont des frères. J’étais avec Elhadj Cellou à héliport d’Aviation. Nous sommes arrivés à 9 heures et on est resté jusqu’à 11 heures à l’attente de monsieur Alpha Condé. La seule chose qu’on nous a dite est que ses militants refusent qu’il quitte la maison. Aujourd’hui on n’a pas de route, pas d’électricité. Kaléta a été un marché surfacturé. Monsieur Alpha Condé n’a pas respecté ses engagements. Il avait dit qu’il allait donner la gratuité de la césarienne. Aujourd’hui, c’est le seul pays en Afrique où les femmes meurent en donnant la vie. Il avait promis le sac de riz à 25.000 GNF et aujourd’hui, le sac est vendu à 250.000 GNF. Il a promis des ordinateurs, des tablettes mais il n’a rien donné. Toutes les promesses tenues par monsieur Alpha Condé, rien n’a été respecté. Je pense que l’ensemble des Guinéens en ont marre. Les Guinéens ont compris qu’il n’y a pas de différence entre les ethnies. Nous n’avons pour pays que la Guinée. Nous ne connaissons pas un autre pays et on n’a pas là où partir. Nous avons intérêt à nous donner la main pour sortir la Guinée de la misère et de la précarité. C’est l’appel que l’UFDG lance à tout le monde en rassurant que quand Cellou Dalein sera au pouvoir, personne ne sera combattu ou jugé par son appartenance ethnique, régionale ou politique. Voilà les conséquences de la mauvaise gouvernance. C’est vraiment pathétique.
Interview réalisée par Mamadou Alpha Baldé pour Guineematin.com
Tél. : 622 68 00 41
