40 ans de la télévision nationale : « la RTG manque de budget et des moyens logistiques» (interview)

Fodé Tass Sylla
Fodé Tass Sylla

En prélude à la célébration des 40 ans de la télévision guinéenne (RTG), le 14 mai prochain, un reporter de Guineematin.com a rencontré Fodé Tass Sylla, Directeur de la télévision nationale hier, lundi 17 avril 2017. Avec lui, nous avons parlé de l’organisation de la fête d’anniversaire, de la place de la télévision nationale face aux télévisions privées, des acquis et faiblesses de la télévision nationale depuis sa création…

Guineematin.com : le 14 mai, la RTG aura ses 40 ans d’existence. Comment vous préparez l’organisation de cet anniversaire ?

Fodé Tass Sylla : depuis le 14 mai 1977, la télévision nationale a commencé à émettre avec la coopération libyenne. Et, donc, 10 ans après, en 1987, nous avons commencé à célébrer l’anniversaire de cette télévision nationale. Donc, cette année, en 2017, cela fait 40 ans que la télévision guinéenne existe. Donc, c’est un âge majeur, c’est un âge rond. Donc, c’est une fête exceptionnelle que nous allons organiser à l’occasion. C’est pourquoi déjà, depuis 6 mois, nous sommes dans les préparatifs et dans moyen d’un moi donc, nous serons ici en fête à la RTG.

Guineematin.com : comment vous préparez cet événement ? Qu’est-ce qui va concrètement se passer ici ce jour ?

Fodé Tass Sylla : Nous allons rendre hommage à tous ceux qui se sont investis et qui continuent à s’investir pour que la RTG puisse prospérer. Ça veut dire donc que ça sera un anniversaire mémorial d’hommage à nos devanciers, ceux qui ont fait les démarches pour que cette télévision nationale puisse naître, tous ceux qui étaient en contact avec la Libye à l’époque, en commençant par notre ambassade en Libye, mais aussi les ministres qui étaient au gouvernement à l’époque, surtout ceux qui étaient à la communication et à la télécommunication. Aussi, tous ceux qui ont dirigé le pays à l’époque et qui ont fait que notre relation avec la Libye et qui nous a aidé à avoir cette merveille qu’on appelle télévision nationale. Nous allons aussi rendre hommage à tous les travailleurs ; c’est-à-dire les journalistes qui ont commencé à travailler dans cette télévision, les journalistes, les techniciens, les chauffeurs, les fleuristes, bref tous ceux qui ont participé à la création de cette télévision nationale, nous allons leur rendre hommage le 14 mai. Nous avons déjà commencé il y a deux mois, nous avons déjà créé une page Facebook qui s’appelle groupe d’appui à la RTG que vous pouvez consulter. Ça a été un groupe qui est parti très vite, tellement vite que parce que vous vous imaginez en moins d’un mois, nous sommes parvenus à avoir plus de 6 500 membres aujourd’hui. Ce qui veut dire que la RTG est la maison de tous, tout le monde veut rallier cette page. Et, à partir de ce groupe, nous diffusons les images de ceux qui ont travaillé à cette télévision nationale, que ce soit les décédés, mais aussi les vivants. Je suis en cela en rapport avec le doyen Sadjo Barry, qui a été un imminent photographe au journal Horoya depuis le temps de Sékou Touré qui nous fournit des archives, mais aussi les familles nous envoient des photos des leurs pour essayer de leur rendre hommage.

Qu’est-ce qui est prévu dans cette fête ? Nous avons mis en place un comité d’organisation qui est dirigé aujourd’hui par madame Juliette Matthias. Mais, il y a aussi des sous commissions. Moi, je dirige la commission album, archives et photos. Nous devons faire un album qui va ressortir l’historique de la télévision nationale mais aussi l’historique du journal télévisé, l’historique des programmes, l’historique de l’évolution technique, tout cela va figurer avec les images du début de la RTG. Nous avons aussi prévu une commission qui s’occupe du musée ; c’est-à-dire retrouver tous les appareils que nous avons utilisés, les caméras, du nagra jusqu’au dictaphone aujourd’hui, essayer de retrouver tout cela, trouver un coin où nous allons exposer tout cela pour que les gens puissent visiter et savoir comment la RTG a commencé à émettre jusqu’à aujourd’hui. Nous avons l’ambition de créer ici dans la cour de la RTG Koloma, la stèle de la RTG. Vous savez, il y a une statue qui représente chaque ville ; quand vous avez à Paris, il y a une ouvre qu’on appelle la Tour Eiffel ou l’arc du triomphe. Donc, dans la cour de la RTG, nous allons faire la stèle de la RTG qui immortalisera cette maison, que les gens auront à visiter. Nous avons aussi une commission qui va s’occuper des festivités : des uniformes, des pagnes, des vestes, de la restauration, tout cela est constituée en commission. Nous travaillons depuis 6 mois en contact avec nos partenaires. Aujourd’hui donc, nous pouvons dire qu’à un mois de l’événement, nous sommes fin prêts pour vous accueillir ici et célébrer les 40 ans de la RTG.

Guineematin.com : monsieur Fodé Tass Sylla, comment se porte aujourd’hui la télévision nationale face aux télévisions privées ?

Fodé Tass Sylla

Fodé Tass Sylla : j’ai toujours dit à mes agents de n’avoir aucun complexe de s’exprimer clairement en regardant les guinéens pour dire que la RTG, la Radiodiffusion Télévision Guinéenne est l’unité centrale de l’information en République de Guinée. Nous considérons que toutes les autres sont des clés qui sont branchées sur cette unité centrale. L’information sûre sort d’ici. Vous savez, quand je parle des fois, on me dit « vous êtes gonflés ». Je dis : certains créent, d’autres imitent. Nous nous donnons l’information et d’autres commentent. L’information claire pour la République de Guinée sort d’ici, les commentaires viennent après. Nous nous sentons à l’aise dans ce paysage multi médias dans ce paysage de concurrence. Nous sommes parfaitement à l’aise ! Et, nous évoluons selon notre cadence, notre rythme. Et, nous pensons que nous avons amélioré la télévision nationale. Aujourd’hui, la preuve est là. Au début, nos correspondants de l’intérieur remettaient des cassettes aux chauffeurs de taxi. Avant, quand le chef de l’Etat voyageait, il fallait attendre son retour pour commencer à faire le compte rendu. Avant, quand des spectacles se passaient à N’zérékoré ou à Kankan, il fallait attendre d’abord que le taxi-brousse amène la cassette. Aujourd’hui, c’est à l’instantané qu’on suit le chef de l’Etat à Paris… Donc, c’est dire qu’il y a eu une évolution, nous n’avons rien à envier aux autres, nous évoluons et nous en sommes fiers.

Guineematin.com : monsieur Sylla, il y a 40 ans que la télévision nationale a commencé à émettre. Et, si on vous demandait de faire le bilan ?

Fodé Tass Sylla : justement, c’est ce que je viens de vous dire. De la camera magnétique aujourd’hui à la caméra numérique. Nous sommes partis par la transmission des images par le fax, par le téléphone par câble, par la cassette qu’on remettait à des taxis-brousse pour Conakry… Avant, une équipe de reportage, c’était 3 personnes : vous avez le caméraman qui avait sa grosse caméra à l’épaule, un câble qui reliait cette caméra au magnéto qu’une autre personne portait et le journaliste. Les trois courraient ensemble sur le terrain, c’était comme ça quand nous nous avons commencé. Aujourd’hui, en face de moi vous avez un téléphone, vous êtes en train d’enregistrer. La RTG n’a sauté aucune étape. Aujourd’hui, nous sommes à la radio en recorde phone, alors qu’avant nous étions avec le nagra très lourd qu’on portait à l’épaule avec des kilométrages, mais tout est parti. Donc, nous sommes dans l’axe de la révolution technologique et le bilan est élogieux, nous en sommes fiers. J’attends des cris réducteurs pour complexer ceux qui doivent être complexés. On dit la RTG n’est pas suivie, la RTG n’est pas une bonne télé. J’ai dit à mes agents, n’ayez aucun complexe, si la RTG n’est pas suivie, faite seulement un gaffe ce soir, les gens vont voir les échos dans la ville. Ceux qui disent que la RTG ce n’est pas suivie, c’est eux qui la suivent à tout moment.

Guineematin.com : je pense que vous n’avez pas bien compris ma question, je vais la poser autrement. Je voudrais savoir quelles sont les faiblesses et quels sont les acquis de la RTG ?

Fodé Tass Sylla : bon les faiblesses, c’est les moyens. Ça, nous pouvons le dire, parce que vous savez, la télévision est un luxe et un lux coûte cher ! Tout luxe coûte cher. La télévision nationale devrait avoir l’ambition de ses moyens. Et, ces moyens ne peuvent venir que par le budget de l’Etat et les subventions de l’Etat. Mais, là, il y a un hic à ce niveau, s’il y a un problème, c’est à ce niveau. Maintenant, en tant que Directeur de la télévision nationale, il n’y a pas de problème d’équipements, nous sommes sur satellite depuis Boulbinet. Et, à la minute où je vous parle, les installations de la montée satellitaire ici à la RTG sont terminées grâce à la coopération chinoise et déjà lancées. Donc, ça veut dire que nous n’avons pas de problème à ce niveau. La coopération chinoise vient de rénover tous les équipements, vous avez vu d’ailleurs la qualité des images. Nous nous n’avons pas de problème, mais une création c’est une amélioration au jour le jour, une création heure après heure, je dirais même seconde après seconde. Une télévision, c’est un travail étouffant qui ne s’arrête pas 24/24h, 365 jours sur 365 jours. La preuve, aujourd’hui, c’est lundi de Pâques ; mais, je suis au bureau, mes agents sont sur le terrain. Il n’y a pas de jour férié ni de fête chez nous. Cela doit être soutenu par le nerf de la guerre. Et, malheureusement, c’est ce qui manque. Et, si nous allons lancer un appel, c’est à ce niveau. Parce que dire qu’une télé produit, il faut qu’il y ait un budget de production. Pour créer un documentaire à Yomou, à Lola, à N’zérékoré, il faut qu’il y ait un budget pour carburer les véhicules, les équipes qui doivent se déplacer à Yomou, à N’Zérékoré ou à Lola. Si ça n’existe pas, les caméras ne tourneront que dans la capitale ou à quelques 50 kilomètres de Conakry au maximum. Donc, la RTG a besoin d’équipements en moyen de déplacement, de budget suffisant pour permettre de sortir des documents à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Et, nous sommes à ce niveau, c’est le hic ; sinon, le personnel qualifié, on en a ; le matériel, on en a. Mais, les moyens logistiques et le budget, il n’y en a pas.

Guineematin.com : merci monsieur Fodé Tass Sylla d’avoir répondu à nos questions.

Fodé Tass Sylla : merci.

Interview réalisée et décryptée par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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