Bistouris, aiguilles, seringues… où est-ce que nos médecins jettent leurs déchets ? Entretien avec Dr. Cissé du CMC Ratoma

cmc-ratoma-0La gestion des déchets dans les hôpitaux est une autre problématique qui se pose dans les centres de santé de notre pays. L’hygiène étant de rigueur dans les structures sanitaires, il va sans dire que gérer ces déchets produits régulièrement en ces lieux constitue une préoccupation majeure. Quels sont les types de déchets qu’on y rencontre ? Comment en fait-on la gestion ? Les hôpitaux disposent-ils des moyens y afférents ?   Voilà autant de questions qu’un reporter de Guineematin.com a posées à Docteur Sékou Ditinn Cissé, directeur du Centre Médical Communal (CMC) de Ratoma.

Guineematin.com : bonjour Dr Sékou Ditinn Cissé, quels sont les type de déchets qu’on rencontre dans un centre de santé à l’image de celui de Ratoma ?

Dr Sékou Ditinn Cissé : bonjour à vous. Les déchets, d’une manière générale, il y a ce qu’on appelle les déchets ménagers, comme ce qu’on rencontre dans les familles ; il y a aussi les déchets piquants et coupants, c’est-à-dire les restes des bistouris avec lesquels on opère, les aiguilles, les seringues ; il y a ensuite les déchets biomédicaux, c’est-à-dire ce qui vient de l’homme ou du malade. Les déchets biomédicaux sont constitués des selles, des urines, du liquide qu’on prend au dos qu’on appelle liquide céphalo-rachidien, du sang et les restes des organes. Quand on fait une opération on peut couper une partie du corps comme les appendicites, quand on fait une amputation d’un pied, d’une main, ou le placenta après l’accouchement, le morceau de cordon ombilical. Ça, c’est les restes d’organes, des déchets biologiques qui viennent de l’organisme humain.

Guineematin.com : comment faites-vous dans le traitement de ces différents types de déchets ?

cmc-ratoma-docteur-cisseDr Sékou Ditinn Cissé : la première des choses, c’est un bon tri des déchets. Cela veut dire classer les déchets selon leur nature. On met les déchets ménagers dans les poubelles ordinaires qui sont jetées dans les dépotoirs. Il y a aussi des déchets ménagers que nous avons ici comme les papiers, les saletés ordinaires…qu’on envoie au dépotoir général. Pour ce qui est déchets coupants et piquants, nous avons ce qu’on appelle une boite de sécurité. C’est dans ces boites qu’on met les déchets coupants et piquants, puis on doit les envoyer à l’incinérateur pour une incinération à haute température. Il y a enfin les déchets biomédicaux. Ici à Ratoma nous ne faisons pas de grandes opérations, comme les amputations. Mais, nous avons le placenta à gérer, le sang, les restes des selles, l’urine…pour ça, nous avons des fosses. Il y a une fosse spécialement conçue pour les déchets biologiques, à l’intérieur de l’hôpital. Une fosse cimentée, fermée à clefs et qui est gérée à ce niveau là.

Guineematin.com : cet incinérateur dont vous parlez, se trouve dans l’enceinte de votre centre de santé ou ailleurs ?   

Dr Sékou Ditinn Cissé : les incinérateurs sont placés à différents lieux. Actuellement, nous avons bénéficié de la part d’une ONG, d’un incinérateur qui brûle les déchets à haute température. C’est vraiment un incinérateur performant qui nous permet de brûler les déchets piquants et coupants.

Guineematin.com : est-ce qu’il y a un danger dans la manipulation des déchets, notamment ceux coupants et piquants ou ceux biomédicaux ?

Dr Sékou Ditinn Cissé : on a besoin d’une protection pour la gestion de tous les déchets. Normalement, les gens qui ramassent les déchets dans la rue doivent se protéger avec des gants de ménage, porter des bottes, porter des blouses à leur manière, des bavettes et coiffures. Il faut qu’ils se protègent pour ne pas tomber malade. Surtout qu’on jette du n’importe quoi sur ces déchets là. A l’hôpital, tout acte que nous menons nécessite une protection. Les travailleurs qui font les tris des déchets sont protégés. Ils ont des gants, des bottes, des bavettes, des blouses et tout ce qui va dans ce sens. Ils doivent tous se protéger en fonction de ce qu’ils gèrent. Nous qui examinons les malades nous devons nous préparer en conséquence. Tout ce que nous faisons ici, on a besoin de protection. On le fait pour nous-mêmes d’abord pour nous protéger des infections. On le fait aussi pour  ne pas transporter les infections d’un malade à un autre. Donc, la protection a un double sens.

Guineematin.com : tout ce que vous avez cité comme matériels de protection, est-ce que vous en avez suffisamment ? Est-ce une dotation ou c’est par vos propres moyens ?  

cmc-ratomaDr Sékou Ditinn Cissé : c’est des choses achetées. Tout ce dont nous avons besoin doit être acheté et stocké. Et, au fur et à mesure qu’on l’utilise, le stock baisse. Donc, on a une commande soit mensuelle soit trimestrielle. En période d’Ebola on nous ravitaillait directement, il y avait suffisamment de matériel de protection qui venait et qu’on distribuait à toutes les structures sanitaires. Maintenant qu’Ebola est fini, nous devons, nous-mêmes, chercher ce matériel de protection.

 Guineematin.com : l’Etat n’intervient pas ? C’est vous seuls qui mettez la main dans la poche ?

Dr Sékou Ditinn Cissé : si, l’Etat intervient bien sûr. D’abord, l’Etat intervient de deux façons. La première des choses est que les recettes qu’on récupère normalement devraient être versées au trésor. Mais, l’Etat nous permet d’utiliser pour nos besoins à l’hôpital. Deuxièmement, l’Etat donne des subventions pour la compensation de ce que nous ne pouvons pas faire et que nous prenons gratuitement à l’hôpital. Parce qu’il y a des activités « gratuites ». On peut dire gratuit, mais il y a toujours quelqu’un derrière qui prend la charge. Cette gratuité est compensée par l’Etat à travers des subventions. Donc, l’Etat donne des subventions aux structures de santé pour acheter tout le nécessaire, que ce soit le matériel de protection ou le matériel de travail. Cela veut dire que l’Etat nous protège dans ce sens.

Guineematin.com : merci Dr Cissé

Dr. Sékou Ditinn Cissé : je vous remercie également.

Propos recueillis par Alpha Mamadou Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 628 17 99 17

 

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