Conflit sur les kiosques de la gare routière de Kouroula : le jeu de la délégation spéciale de Labé

La justice a décidé de débouter des citoyens en conflit domanial autour de 3 kiosques installés clandestinement à la gare routière de Kouroula pour rendre l’espace public à la Commune Urbaine de Labé. Mais, les autorités communales ne veulent pas assumer officiellement et publiquement les conséquences sociales de l’application de cette décision de justice. 

Seulement, les occupants actuels soupçonnent la délégation spéciale de vouloir les sortir injustement dans le but d’installer officiellement leur adversaire. A quel jeu joue la délégation spéciale de la commune urbaine ?

L’étude de Maître Samba Tony Barry, Huissier de Justice près des juridictions de la République est actuellement confronté à la réticence de certains citoyens de la Commune Urbaine de Labé dans l’application de l’arrêt N°586, du 29 septembre 2015, de la Cour d’Appel de Conakry portant sur une réclamation de kiosques à la gare routière de Kouroula, a constaté sur place un correspondant de Guineematin.com dans la préfecture.

Le conflit domanial qui, au départ, a été déclenché par le citoyen Elhadj Mamounou Bah, un planteur domicilié au quartier Mosquée de la Commune Urbaine de Labé oppose actuellement la délégation spéciale aux marchands Abdoulaye Sow (domicilié au quartier Madina), Mamadou Bentè Diallo (domicilié au quartier Tata) et Ibrahima Bah, domicilié au quartier Kouroula.

C’est en 1988 que le planteur Elhadj Mamounou Bah a construit des kiosques qui étaient occupés par Messieurs Barry Télimélé, Mamadou Dian Sassé et Maître Oumar Sannoun à titre de locataires payant solidairement la somme de 75 mille francs guinéens (75.000 GNF) par mois.

Mais, en octobre 1991, les kiosques d’Elhadj Mamounou Bah ont été entièrement détruits en même temps que tous les autres se trouvant autour de la gare routière de Kouroula, secteur hôpital et par décision des autorités communales pour des raisons de sécurité, suite à l’assassinat d’un chauffeur nommé Maître Boubacar.

Quelques temps après, la colère s’étant abaissée, les marchands se sont réinstallés sur les mêmes lieux, avec l’accord de l’autorité communale.

Ainsi, les sieurs Abdoulaye Sow dit ‘’Ablo’’, Mamadou Bentè Diallo et Ibrahima Bah ont occupé depuis plusieurs années la place des trois kiosques détruits du planteur Elhadj Mamounou Bah, par construction de hangars puis de kiosques métalliques, après paiement de 300.000 francs guinéens chacun de redevance domaniale.

Plus récemment, Elhadj Mamounou Bah a entrepris des démarches pour récupérer l’emplacement de ses trois kiosques et le maire de Labé lui a restitué suivant note de service N°10/CU/LA/2012 du 12 janvier 2012.
Mais, les occupants actuels s’y opposent catégoriquement, parce que, disent-ils, ils ont reçu les lieux de l’autorité communale, contre paiement de la redevance et les ont occupés paisiblement depuis plus de 20 ans.

Ils ont versé aux débats contradictoires devant le Tribunal de Première Instance de Labé, copies de trois (3) reçu de 300.000 GNF chacun versé à la commune à titre de redevance domaniale les 3 mai et 21 juin 2011.

Le lieu litigieux est situé dans un domaine public à cheval entre la rue qui borde la gare routière et le terrain de l’habitation, logement de fonction du juge d’instruction de Labé, en face de sa maison.

Le procureur de la République a conclu, dans ses observations écrites du 24 avril 2013 au déguerpissement de toutes les parties, les lieux étant la propriété du service public de la justice et cette occupation constituant un véritable désagrément pour les habitants de la concession.

Après que la cause ait été débattue à plusieurs audiences publiques et mise en délibéré conformément à la loi pour décision être prise à l’audience du 30 mai 2013, le Tribunal de Première Instance de Labé a rendu le Jugement N°053 du 30 mai 2013 dont la teneur suit :

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi, reçoit Elhadj Mamounou Bah en sa demande ; prend acte des observations du Ministère Public ; déboute Elhadj Mamounou Bah de ses prétentions sur les lieux ; ordonne le déguerpissement des défendeurs en faveur de l’Etat ; met les frais et dépens à la charge des défendeurs (Ndrl : Abdoulaye Sow, Mamadou Bentè Diallo et Ibrahima Bah) ; le tout en application des dispositions des articles 533 du code civil ; ainsi fait jugé et prononcé par le tribunal de céans, les jour, mois et an que dessus. Et ont signé le Président et le Greffier. Suivent les signatures pour copie certifiée conforme, le Greffier en Chef, Maître Ousmane Kaba » a-t-on pu lire.

Les trois marchands ont immédiatement interjeté appel de cette décision du Tribunal de Première Instance de Labé.
Le 29 décembre 2015, la Cour d’Appel de Conakry rendu l’Arrêt N°586 qui confirme le jugement N°053 du 30 mai 2013 du Tribunal de Première Instance de Labé.

Cet arrêt précise que les pour les audiences de la Cour d’Appel de Conakry, les sieurs Abdoulaye SOW, Mamadou Bentè Diallo et Ibrahima Bah qui ont interjeté appel du jugement de Labé n’ont ni comparu, ni conclu bien que régulièrement assignés par exploit en date du 2 juillet 2015 de Maître Samba Tony Barry, Huissier de Justice près le Tribunal de Première Instance de Labé.

Depuis donc le 29 septembre 2015, l’application de cet arrêt de la Cour d’Appel de Conakry se heurte à la réticence des trois marchands concernés qui sont soutenus dans leur démarche par les autres marchands installés dans les environs dans des circonstances similaires. Le dernier incident à cet effet en date est celui de ce vendredi, 16 juin 2017 quand l’huissier de justice, Maître Samba Tony Barry s’est présenté devant les intéressés avec des agents de la force publique.

Le pire a été évité de justesse parce que les citoyens riverains étaient prêts à en découdre avec les agents de la force publique. Il a fallu que l’huissier de justice accepte de replier avec ses hommes pour calmer le jeu.

Il est à noter que les autorités communales pour lesquelles ce déguerpissement est ordonné ne veulent pas assumer leur option.

« Nous n’avons rien à voir avec cette affaire. C’est une décision de justice. Nous ne pouvons pas nous opposer à son application. Personne ne peut m’entrainer dans ce débat » déclare le président de la délégation spéciale de la Commune Urbaine de Labé, Elhadj Mamadou Cellou Daka Diallo, appuyé dans ses arguments par son vice-président, Mamadou Doumbouya.

Lorsque nous avons relevé qu’en principe l’Huissier de Justice travaille pour la ‘’commune’’ dans sa volonté de vouloir appliquer vaille que vaille cette décision, les deux autorités communales se sont montrées très évasives dans leur réponse concertée.

« Nous, nous n’avons installé personne, nous n’avons chassé personne. Ils ont été installés par les anciennes équipes qui se sont succédé ici. C’est feu Saïdou Maléah et Elhadj Thiam qui sont concernés par ce débat » nous a-t-on balancé à la figure. Même si l’Administration est une continuité.

Par ailleurs, selon des informations à notre possession, les autorités communales à travers le président de la délégation spéciale ont réitéré à l’huissier de justice leur volonté de voir les trois citoyens concernés libérer les lieux, objets du conflit.

Sinon, si la commune demande tout de suite à l’huissier de justice de surseoir à l’application de cet arrêt de la Cour d’Appel, Maître Samba Tony Barry va certainement se conformer pour une question de paix et de quiétude sociale dans la cité.

De Labé, Idrissa Sampiring Diallo pour Guineematin.com

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