Émeutes de Boké : prise en tenaille par des manifestants, Irina Sidorenko, touriste russe se confie (interview)

Madame Irina Sidorenko, une touriste de nationalité russe, a accordé une interview à un groupe de médias, dont Guineematin.com, dans la matinée d’hier, vendredi 22 septembre 2017. Cette dame effectue un voyage « autour du monde », seule dans sa voiture en compagnie de son chien. Divorcée et mère de deux fils, Madame Sidorenko a quitté Moscou le 05 mai dernier et a traversé plusieurs pays européens et africains avant d’arriver à Conakry. Son objectif est de faire le tour du monde comme une « exploratrice ».

Malheureusement pour elle, arrivée en Guinée par la frontière nord, son passage à Boké a coïncidé avec les émeutes qui ont émaillé la région ces derniers temps. Prise à partie par les manifestants, madame Irina Sidorenko a expliqué à notre reporter avoir été prise en charge en Guinée par la société RUSAL depuis cet incident malheureux.

Quand avez-vous quitté Moscou et quels sont les pays que vous avez traversés avant de vous retrouver en Guinée ?

Irina Sidorenko : j’ai quitté Moscou le 05 mai 2017. J’ai traversé la Russie jusqu’au Caucase. Ensuite, je suis descendue jusqu’en Turquie. Initialement, je voulais traverser le continent africain du côté Est. Mais, je n’ai pas pu accéder en Egypte. J’ai pu traverser l’Afrique du côté Ouest en passant par le Maroc, le Sahara Occidental, la Mauritanie, le Sénégal, la Guinée Bissau et maintenant je me trouve en Guinée.

Est-ce que vous connaissiez la Guinée avant votre arrivée ici ?

Irina Sidorenko : ma connaissance du pays se fait sur le terrain. Bien sûr, j’ai entendu parler de ce pays. On m’avait également parlé de ce cas du virus Ebola. Maintenant, je sais que c’est un évènement qui est révolu. Je me sens très à l’abri et je peux me déplacer librement.

Comment avez-vous trouvé ce pays ?

Irina Sidorenko : avant tout, c’est un pays qui est très beau, qui a un visage pittoresque, un paysage vierge. La population est très accueillante et hospitalière. Evidemment, j’aimerais que les routes soient un peu adaptées à ma voiture puisque je voyage en voiture de tourisme. J’aurais aimé que la qualité soit un peu plus différente.

Nous avons appris que vous voyagez seule dans une voiture avec votre chien. Est-ce que vous n’avez pas de crainte par rapport à votre sécurité ?

Irina Sidorenko : il m’arrive tout naturellement d’avoir peur, de me préoccuper de ma sécurité. Mais, tout le temps, le long de mon voyage depuis quatre mois, j’arrive à rencontrer des gens sympathiques qui ont toujours été disponibles à m’assister, à m’aider. De toute façon, ils assuraient ma sécurité. En Guinée, j’ai rencontré des gens aussi accueillants et la même situation s’est produite. L’entreprise Rusal qui a des gisements de bauxite s’est chargée de ma sécurité, de m’accueillir et en ce moment je suis en quelque sorte l’invitée de l’entreprise Rusal et personnellement du Directeur général. J’ai connu un petit incident dans le pays, maintenant je suis amené à faire réparer ma voiture. En attendant, je prends un réel plaisir à me trouver dans le pays et à le découvrir.

Nous avons appris que votre arrivée à Boké a coïncidé avec la manifestation des populations et on vous a prise à partie. Dites-nous comment vous avez pu vous en sortir ?

Irina Sidorenko : je vais vous dire comment tout s’est passé. C’est la gendarmerie qui a fait preuve d’efficacité et de diligence. Ils sont arrivés très rapidement et m’ont accompagné jusqu’à l’université de Boké. A l’université, un accueil chaleureux m’a été réservé. Le professeur, maîtrisant le russe, m’a mis au courant de la situation. J’ai été placé dans les locaux de l’université et on m’a fourni tous les biens nécessaires. Les journalistes m’ont fourni le téléphone pour que je puisse joindre le consulat de la fédération de Russie en Guinée, de même que les représentants de l’entreprise Rusal. Je suis très reconnaissante à toutes les parties prenantes de la réaction diligente de cette situation. Depuis ces moments, c’est l’entreprise Rusal qui m’a prise en charge et qui m’accompagne lors de tous mes voyages à l’intérieur du pays.

Maintenant que vous êtes à Conakry, vous avez pris contact avec les responsables de Rusal et de l’ambassade, est-ce que vous allez vous embarquer dans l’avion pour rentrer ou bien vous allez continuer votre trajet en voiture ?

Irina Sidorenko : c’est évident que je vais continuer mon voyage. J’espère beaucoup que ma voiture sera bien réparée et sera en état de marche car cela représente une partie importante de ma vie. Je suis prête à continuer à vivre ma vie, à vivre mon rêve tel que je l’avais conçue au départ. C’est pour cela que j’entends poursuive mon voyage en voiture, accompagnée de mon chien. Je vais continuer par la Sierra Leone, le Libéria, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigéria et puis j’irais jusqu’en Angola et je vais arriver finalement jusqu’en Afrique du Sud. De là, je vais embarquer dans un navire pour l’Argentine.

En Guinée vous avez visité le Centre de Recherche en Epidémiologie-Microbiologie et des Soins médicaux (CREMS), qu’est-ce que cela vous a donné comme impression ?

Irina Sidorenko : j’ai été impressionné par l’échelle de ce centre se trouvant en Afrique. Franchement parlant, je ne m’attendais pas à voir un niveau aussi important de ce centre. Je me suis réjouie de voir l’organisation aussi poussée de la vaccination contre l’Ebola, puisque c’est une maladie qui a emporté pas mal de vies il n’y a pas très longtemps. J’espère et je suis persuadée que ces mesures de prévention auront comme impact, comme finalité, la disparition totale de la maladie à virus Ebola, qui sera complètement inexistante, non seulement en Guinée, mais surtout dans tout le continent africain. Je suis fière de savoir que c’est le vaccin d’origine russe qui peut faire un apport important dans cette riposte. Cela aidera à renforcer les relations entre la Russie et la Guinée et permettra de faire avancer les deux pays à un niveau supérieur dans les relations bilatérales. Je pense que l’extermination de ce virus aura un effet positif qui se traduira par l’afflux important de touristes, y compris des russes, qui pourront admirer la beauté de votre pays. Je suis impressionnée par la nature que j’ai retrouvée en Guinée. J’ai beaucoup apprécié les contacts humains avec la population locale. J’espère que les autres futurs touristes pourront aussi partager ce plaisir.

Votre tourisme, c’est pour découvrir le monde ou bien c’est pour donner une information aux russes ?

Irina Sidorenko : en effet, je poursuis un certain nombre d’objectifs dont celui de sensibiliser et de faire découvrir aux russes les pays que je traverse. Je suis ravi de pouvoir servir d’exemple d’une certaine force de motivation pour des inconnus qui m’ajoutent sur des réseaux sociaux, qui m’écrivent des messages, suivent mon blog parce que je suis une blogueuse. Cela leur sert de coup de motivation à aller vers des nouveaux horizons, des endroits auxquels ils ne pensaient même pas, mais ils prennent des décisions d’aller découvrir ces lieux. Bien évidemment je poursuis mon objectif personnel qui est la réalisation du rêve de faire le tour du monde. C’est le rêve qui me vit depuis un certain nombre d’années. Si je peux me caractériser, je dirais que j’ai le profil d’une personne exploratrice. Lors de mes voyages, quand j’arrive dans un pays, j’essaie déjà de voyager hors des chemins battus et le but c’est de faire une immersion dans la vie locale, dans la vie d’un simple habitant lambda, de rentrer dans sa peau, de pouvoir vivre quelques jours en tant que personne autochtone, de voir le monde à partir de cette vision. C’est ça mon but, c’est ce qui m’anime et c’est ce qui me passionne. Une telle approche de se rapprocher de la population locale joue un rôle important pour établir de bonnes relations et rencontrer des gens sympathiques.

Nous voudrons savoir à quand votre prochain voyage sur la Guinée ?

Irina Sidorenko : pour l’instant, mon voyage n’étant pas encore fini, je préfère ne pas anticiper parce que quand on voyage, bien sûr on comprend la nature de ses expressions. L’objectif est d’abord de boucler la boucle. Bien évidemment de retour à Moscou si l’occasion se présente pour faire un voyage, la Guinée sera parmi les destinations prioritaires. A mon retour en Guinée, j’espère retrouver le pays encore mieux économiquement développé. Je pense que les conditions préalables sont réunies pour le développement ultérieur du pays grâce aux autorités qui sont au pouvoir actuellement et que cet avenir peu venir grâce à l’impact et au travail du Président Alpha Condé au pouvoir en ce moment.

Etes-vous marié ? Avez-vous des enfants ? Où trouvez-vous votre financement ? En cas de panne de votre voiture, qu’est-ce que vous faites ? Comment faites-vous pour manger avec votre chien ?

Irina Sidorenko : Je suis divorcée, j’ai des fils de 25 et 27 ans qui sont déjà autonomes. Ils me soutiennent tant qu’ils peuvent lors de mon voyage. Une partie de mon financement vient de mon blog. La plus grande partie de mon financement vient de la part des mes amis, mes connaissances et ils font des apports financiers tant qu’ils peuvent et de manière totalement volontaire. Je tiens à souligner que mon projet n’est pas à caractère lucratif. Je n’ai pas de sponsor, je suis juste soutenue par mon milieu, mon entourage, mes amis et connaissances. En ce qui concerne la maintenance de la voiture, quand j’arrive à un certain nombre de kilométrages qui le nécessite, je le fait faire par les spécialistes dans le pays où je me trouve. Si non, concernant les petites pannes, je suis à mesure de le faire moi-même. Par exemple, je sais comment changer de roue, d’huile, contrôler les liquides et effectuer le contrôle de base. Pour ce qui est de l’alimentation, j’ai tout le matériel indispensable que j’amène avec moi. J’ai la cuisinière à gaz et tous les ustensiles. En ce qui concerne la nourriture, je me fournis dans les boutiques, supermarchés et d’autres endroits dans les pays que je traverse. En ce qui concerne le chien, je lui achète des croquettes dans des boutiques. Evidemment, je partage ma nourriture avec mon chien. Malheureusement, ça ne passe pas vice-versa.

Un dernier mot ?

Irina Sidorenko : pour conclure, je vais dire que quand on a un rêve, il faut tout faire pour le réaliser. Heureusement, moi je suis une chanceuse. J’arrive à vivre mon rêve en réalisant ce voyage. J’espère que mon exemple pourra inspirer les autres personnes d’aller vers leurs rêves et d’effectuer ce genre de voyage.

Propos recueillis par Mamadou Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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