Le journaliste Moussa Moïse devant le procureur : les explications de Me Salifou Béavogui

Comme annoncé dans l’une de nos précédentes publications, le journaliste Moussa Moïse Sylla du groupe Hadafo médias était convoqué ce mardi, 14 novembre 2017, à la gendarmerie de Matam, communément appelé PM3. Constatant un vice de procédure, notamment sur la forme, ses avocats ont réussi à annuler la convocation par le substitut du procureur de la République près le tribunal de première instance de Mafanco, rapporte un journaliste de Guineematin.com qui était sur place.

Face aux médias venus apporter leur soutien au journaliste, Maître Salifou Béavogui, membre du collectif des avocats a expliqué la procédure.

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Hier et de manière cavalière, Moussa Moïse Sylla a reçu une convocation qui date du 13 novembre 2017 qui lui a été adressée par la Direction des investigations judiciaires, communément appelée PM3 de Matam pour qu’il se présente ce jour, 14 novembre 2017, à 10 heures pour affaire le concernant.

Alors, en possession de cette convocation, le collectif a d’office relevé que cette convocation ne respecte pas la prescription de l’article 82, alinéa 7 de notre Code de procédure pénale. Nous sommes en matière pénale, la forme commande le fond. Cette convocation ne porte pas les mentions obligatoires que doivent comporter toute convocation avant d’être acheminée à son destinataire. L’article 82, alinéa 7 précise que ‘’Si le déroulement de l’enquête le permet, lorsqu’une convocation écrite est adressée à une personne en vue de son audition, cette convocation indique l’infraction dont elle est soupçonnée, son droit d’être assisté par un avocat, ainsi que les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, les modalités de désignation d’un avocat d’office et les lieux où elle peut obtenir des conseils juridiques avant cette audition’’.

C’est une avancée notable des libertés individuelles en matière pénale en République de Guinée. Cette disposition du code de procédure pénale, en son article 82, alinéa 7, pose les conditions que toute convocation doit comporter notamment l’indication de l’infraction (est-ce que la personne est soupçonnée d’avoir commis une escroquerie, un abus de confiance, un vol, etc.).

Ensuite, la convocation doit indiquer le droit pour la personne d’être assistée par un avocat s’il le souhaite et d’indiquer le nom de l’avocat au besoin. S’il n’a pas la possibilité de se construire un avocat, les modalités de la commission d’office. Ensuite, l’indication de l’aide juridictionnelle et du lieu. Toutes ces mentions doivent figurer sur la convocation avant l’audition. Cette disposition est constitutionnelle et permet d’éviter l’arbitraire.

Dans le passé, les citoyens étaient appelés par leurs oreilles ou attrapés par leurs deux mains et jetés entre les officiers de la police judiciaire. Ils venaient sans savoir de quoi ils pourraient être reprochés ; mais, avec l’avancée du droit pénal dans notre pays, on ne doit plus convoquer un citoyen, sans lui indiquer le motif. Surtout que nous sommes tous aujourd’hui soumis à l’hypertension, au diabète et nous sommes tous cardiaques. Et, quand la redoutable machine judiciaire qui est la police judiciaire te convoque, il faut bien que tu saches qu’est-ce qu’on peut te reprocher.

Mais, hier Moussa Moïse était entre ciel et terre, il a promené son esprit un peu partout et s’est demandé ce qu’il a pu faire alors que ce son droit de le savoir avant de se présenter aujourd’hui.

Nous ne pouvions pas laisser passer cette violation. Elle a été portée à la connaissance de monsieur le substitut du procureur de la République au TPI de Mafanco qui a aussitôt constaté la justesse de notre remarque et a fait annuler la convocation pour violation de l’article 82 du Code de procédure pénale.

Ainsi, la convocation sera reprise avec ces mentions et en ce moment, nous prendrons les dispositions pour la suite des procédures, si elle doit se poursuivre. Pour le moment, la convocation du 13 novembre 2017 est annulée purement et simplement pour violation de l’article 82 du Code de procédure pénale.

C’est le même Code que nous appliquons. Si vous lisez au bas de ladite convocation, il est écrit : ‘’Toute personne convoquée est tenue de se présenter suivant les dispositions de l’article 59 du Code de procédure pénale’’. Ça, c’est l’usage de la force légale. Les gendarmes et les policiers indiquent toujours cette disposition pour dire à la personne ‘’si jamais tu ne viens pas de toi-même, alors la force ira te chercher’’. C’est la même chose que la loi a indiqué en l’article 82. Pourquoi ils mettent l’usage de la force sur la convocation et refusent d’indiquer les droits de la personne convoquée ? Ça, c’est de la rétrograde. C’est une façon de violer les droits de la défense. Une façon de violer les libertés que la loi accorde à une personne qui est susceptible de répondre à une convocation. Donc, c’est une pratique rétrograde d’entant et qui s’apparente à de la complotite. N’eût été notre réaction devant le procureur, c’est de façon impavide que monsieur Moussa Moïse serait devant son enquêteur et qui allait déjà commencer à lui faire promener partout. L’avantage de l’article 82 est que si vous êtes convoqué pour escroquerie, on ne parlera que de l’escroquerie. Si c’est pour un abus de confiance, on ne parlera que de l’abus de confiance. On ne peut pas aller au-delà, au risque de se retrouver dans la violation de cet article à moins que l’infraction ait des ramifications dans le temps et dans l’espace.

Une fois encore, cette convocation qui ne respecte pas la procédure, qui ne respecte pas la loi a été annulée et je pense que son auteur l’apprendra à ses dépens.

Propos recueillis et décryptés par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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