Libéria : « Comment j’ai survécu au virus Ebola », dixit Docteur Senga Omeonga

ebolaSenga Omeonga va mieux. Beaucoup mieux. Il y a trois semaines, France 24 avait publié le témoignage de ce médecin congolais en poste à Monrovia, au Liberia, qui avait contracté le virus Ebola et qui croupissait dans le couloir d’un hôpital, sans soins ni nourriture. Aujourd’hui, s’il est encore très faible, il est guéri et nous raconte comment il est revenu de l’enfer (observers.france24.com). 

Il a perdu une vingtaine de kilos, parle encore d’une voix sourde, mais il a retrouvé toutes ses facultés intellectuelles et « un moral d’acier » : le docteur Senga Omeonga est un miraculé d’Ebola, cette épidémie meurtrière qui sévit depuis plusieurs mois en Afrique de l’Ouest. Il a fait partie des trois médecins au Liberia à avoir bénéficié du sérum Zmapp, qui avait été testé pour la première fois au début du mois d’août sur deux humanitaires américains, guéris depuis. Mais ce traitement, encore expérimental, ne vainc pas la maladie à tous les coups : un des médecins libériens, atteint d’Ebola et soigné au Zmapp, est décédé dimanche dernier.

« Mon statut de médecin m’a certainement permis de bénéficier de ce vaccin »ebola medecin

Le docteur Senga Omeonga travaille depuis cinq ans au centre médical John Fitzgerald Kennedy à Monrovia, au Liberia. Il est originaire de République démocratique du Congo.

« Je suis encore très fatigué, mais on peut déclarer que je suis tiré d’affaire. Hier, j’ai passé un dernier examen de contrôle à l’hôpital qui m’a permis de m’assurer que je n’étais plus infecté. Je suis rentré chez moi mardi après avoir passé près de trois semaines à l’hôpital Elwa qui est, à Monrovia, le seul centre médical à accueillir des malades d’Ebola. »

« Les gens autour de moi tombaient comme des mouches »
Les premiers jours passés dans cet établissement, où les personnels et équipement de santé font cruellement défaut, ont été un cauchemar. Faute de chambre disponible, j’ai végété pendant une semaine dans un couloir à même le sol. Nous n’avions qu’une seule toilette à disposition alors que nous étions plusieurs dizaines de malades. C’est une amie qui, tous les jours, se chargeait de m’apporter de la nourriture. Dans de telles conditions, je me suis dit que je n’allais jamais survivre, d’autant plus que les gens autour de moi tombaient comme des mouches. Une place a fini par se libérer, un médecin m’a pris en charge et m’a soigné au Zmapp à trois reprises. J’imagine que mon statut de médecin officiant à l’étranger a joué en ma faveur et m’a permis de compter parmi les rares privilégiés à bénéficier de ce vaccin. La troisième dose a tout de même failli m’être fatal ; j’ai eu une très forte réaction allergique, un choc anaphylactique très exactement.Depuis, mon état de santé s’améliore au fil des jours. Et je compte reprendre le travail prochainement. Ma mission en tant que médecin est de continuer à soigner des malades, y compris les sujets touchés par le virus Ebola. Ça, je ne compte pas y déroger.

« Je note une certaine méfiance de mes amis à mon égard »
Par contre, depuis que je suis sorti de l’hôpital, je note une certaine méfiance de mes amis à mon égard, du moins de ceux qui n’ont aucune connaissance médicale. Beaucoup refusent de me rendre visite, estimant que je suis peut-être encore porteur du virus et qu’il y a un risque que je les contamine. Au Liberia, les régions touchées par l’épidémie ont été gagnées par une psychose qui a, paraît-il, conduit les habitants à faire n’importe quoi [Dans un village situé au nord-est de Monrovia, une famille a récemment été emmurée vivante par peur du virus].Cette peur gagne d’ailleurs un peu tout le monde au Liberia. Le ministère de la Santé peine à recruter des effectifs médicaux – une pénurie qui prive de soins des centaines de personnes promises à une mort quasi-certaine, et les responsables politiques fuient le pays [La présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf a congédié, mardi, des ministres et de hauts responsables restés à l’étranger en dépit de son appel à revenir participer à la lutte contre l’épidémie].


La fièvre hémorragique Ebola se transmet par contact direct avec le sang, par des secrétions corporelles, par voie sexuelle ou par la manipulation sans précaution de cadavres contaminés. Des soignants ou des personnes s’occupant de soins funéraires pour les victimes ont ainsi souvent été atteints. « À ce jour, plus de 240 travailleurs de la santé ont développé la maladie en Afrique de l’Ouest, et plus de 120 sont morts », a indiqué l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en début de semaine.Une proportion importante de ces décès est due à la pénurie d’équipements, de protection (masques et gants) et de leur mauvaise utilisation, du nombre largement insuffisant de médecins et de la surcharge de travail de ces derniers. Dans les trois pays les plus touchés (Liberia, Guinée et Sierra Leone), l’OMS estime que seul un à deux médecins sont disponibles pour 100 000 habitants, surtout dans les villes, alors que l’épidémie d’Ebola affecte également les zones rurales.

Le dernier bilan, arrêté au 26 août, dénombre 3 069 cas d’Ebola, dont 1 552 décès, dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest (624 au Liberia, 406 en Guinée, 392 en Sierra Leone et 5 au Nigeria).

Billet rédigé avec la collaboration de Grégoire Remund (@gregoireremund), journaliste à France 24.
http://observers.france24.com/fr/content/20140829-survecu-virus-ebola-liberia-monrovia-medecin-epidemie-serum-hopital-afrique-ouest-zmapp
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