Paris : Marie Madeleine Dioubaté se penche sur la problématique des énergies renouvelables et alternatives en Guinée

Marie Madelaine Dioubaté

Le Groupe de Réflexion et d’Appui au Développement de la Guinée (GRADE/GUINÉE), a organisé, à Paris, précisément au Palais du Luembourg, le mardi 27 juin 2017, une conférence-débat d’envergure portant sur le thème « Quid de l’apport de la société civile pour l’émergence de la Guinée ? », avec pour conférencière-vedette Marie Madeleine Dioubaté, Présidente du Parti des Écologistes de Guinée et candidate malheureuse à l’élection présidentielle de 2015. Cette rencontre qui a enregistré la présence massive des Guinéens de la diaspora était parrainée par le Sénateur des Français de l’étranger, Monsieur Jean Yves LECONTE en l’occurrence.

En raison de l’importance que revêtait l’événement, plusieurs thématiques liées au thème central ont été développées par d’éminents orateurs ayant à leur tête la charismatique cheffe de file des écologistes de Guinée, Marie Madeleine Dioubaté, qui était accompagnée, pour la circonstance, de ses deux illustres géniteurs. Et, chaque évocation du nom de l’unique femme candidate à la toute dernière élection présidentielle en Guinée suscitait acclamations et ovations de la salle remplie de ses compatriotes enclins à lui apporter leur soutien dans toutes ses nobles actions.

Humble, patriote et équilibrée à tous égards, c’est une Marie Madeleine, manifestement requinquée par l’affection nourrie des Guinéens présents à son adresse, qui déroulera son intervention sur la thématique « Comment réconcilier la société civile avec les énergies renouvelables et alternatives », tout en alliant éloquence et pragmatisme via des exemples concrets.

Pour davantage de précisions sur l’intervention de Marie Madeleine à la conférence-débat organisée par le GRADE/GUINÉE à Paris, la rédaction de Guineematin.com livre, ci-dessous, l’intégralité de sa communication qui, au-delà des critiques, propose des pistes de solutions pour l’accès rapide et efficient des Guinéens aux énergies renouvelables et alternatives à moindres coûts. Ça s’appelle à lire absolument.

Thématique : « Comment réconcilier la Société Civile avec les énergies renouvelables et alternatives ?

De nombreux pays africains, y compris la Guinée ont toujours des difficultés à atteindre leurs Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) malgré les efforts entrepris. L’amélioration de la gestion de l’aide internationale, qui passe par une participation accrue de la société civile, est toujours au cœur des débats.

Alors que les gouvernements du monde entier se sont engagés à atteindre avant 2030 les nouveaux Objectifs du Développement Durable adoptés en 2015 en intégrant enfin la composante énergétique qui défend le droit pour tous à une énergie fiable, abordable et propre. La société civile pourrait se saisir de cette problématique et jouer un rôle décisif dans leur réussite.

Il faut savoir qu’en Guinée, seulement 26% de la population dispose d’un accès souvent précaire à l’électricité, et 8 700 000 personnes vivent sans électricité. Cette proportion chute à moins de 11% en milieu rural. La Guinée occupe le 151ème rang sur un classement de 221 pays en matière de fourniture d’électricité à sa population et elle reste en dessous de la moyenne Africaine où le taux d’accès à l’électricité sur le continent est passé de 32% en 2010 à 35% en 2012. Source : CIA

Le développement de l’électrification sur le continent peine à suivre la croissance démographique enregistrée sur la même période et c’est particulièrement vrai pour la Guinée

Pourquoi faire le choix des énergies renouvelables ?

D’ici 2040, la population sans accès à l’électricité devrait être à 90% concentrée dans les campagnes; ce qui montre l’enjeu qui réside dans le développement de solutions adaptées aux situations géographiques, démographiques et économiques du monde rural. Traditionnellement l’approche la plus privilégiée est l’extension du réseau national. .

Les technologies renouvelables décentralisées peuvent aujourd’hui palier en partie aux insuffisances du réseau électrique et alimenter une population géographiquement dispersée, en augmentation croissante et relativement pauvre. Si leur coût en amont est élevé, l’absence de coûts opérationnels permet de rentabiliser l’investissement plus ou moins rapidement selon le type d’installation privilégié et le niveau de vie des ménages visés.

La Guinée comme la majorité des pays d’Afrique subsaharienne bénéficient de conditions naturelles favorables pour le développement de certaines technologies renouvelables, qui restent à ce jour très peu développées: moins de 10% du potentiel hydraulique est exploité à l’heure actuelle, et le potentiel solaire et éolien ne sont pas du tout exploités. Ce potentiel couvrirait largement les besoins de la Guinée sur les décennies à venir s’il était exploité à sa juste valeur (source : IEA, 2014).

La question que nous devons tous nous poser aujourd’hui est la suivante: la Guinée est un pays importateur de combustibles fossiles et nous en sommes très dépendants pour alimenter nos centrales thermiques. Devons-nous continuer à importer des combustibles fossiles ou au contraire devons-nous atteindre la suffisance énergétique au moyen d’autres sources renouvelables comme par exemple l’énergie électrique générée par l’ACTION DU SOLEIL?

Le marché du solaire

Les installations solaires domestiques rencontrent un avis favorable en Guinée. Les populations aspirent de plus en plus à avoir accès à l’électricité pour améliorer leurs conditions de vie, mais aussi pour réaliser des projets.

Il faut savoir qu’en Afrique, le marché annuel de lampes solaires enregistre désormais des ventes annuelles de 200 millions de dollars, mais AT.Kearney and GOGLA estime le potentiel de ce marché, encore dominé par les lampes à kérosène, à presque 3 milliards de dollars (source AT.Kearney and GOGLA, 2014) et celui des systèmes solaires individuels à 6 milliards de dollars. (source La revue de l’Afrique à des idées- Kenneth Houngbedji:). Un marché qui pourrait exploser et fournir des centaines de milliers d’emplois et nous permettre d’accéder aux nouvelles technologies de manière plus fluide. ( université numérique par exemple). Une aubaine pour notre continent qui se traduirait par des emplois plus qualifiés, une manne financière sans précédent à condition que nos dirigeants aient conscience des possibilités immenses de développement que le solaire pourrait générer sans oublier l’impact sur l’environnement. (Électrification en zone isolée,accès à l’eau potable, accès à l’université numérique, système d’irrigation solaire, maîtrise de la chaîne du froid bord champs, hôpitaux solaire, télé médecine….)

Les solutions hors-réseau sont en partie modulables et permettent ainsi aux bénéficiaires d’augmenter les capacités de leur installation à mesure que leurs économies leurs permettent de réinvestir. un ménage peut ainsi acheter un kit solaire (par exemple, 1 kit solaire pour allumer 4 ampoules, brancher un téléphone portable et un téléviseur, éventuellement un ventilateur.Quand il aura plus de moyen ce ménage pourra par exemple rajouter un autre panneau solaire et une batterie pour brancher par exemple un réfrigérateur….)

L’approche économique la plus pertinente veut que les deux tiers de ces systèmes soient hydrauliques, photovoltaïques ou éoliens.

Les micro-réseaux permettent aujourd’hui de soutenir certaines activités productives, notamment dans l’agriculture en améliorant le pompage de l’eau ou en permettant la transformation des aliments.

– production ou assemblage d’une partie des composants sur place qui se traduirait par la formation et la création d’un savoir faire locale.

LES OBSTACLES

Si les kits solaires ont connu un essor important dans toute l’Afrique sur les 5 dernières années, le développement de structures plus grandes est soumis à de fortes contraintes. Certaines complications sont dues au contexte économique et politique local et sont inhérentes à tout projet d’électrification en Guinée. A noter également qu’en Guinée, nous attendons trop des compagnies minières dans ce domaine.

Obstacles aux projets d’électrification rurale décentralisée ; sources (GABRIELLE DESARNAUD -Institut Français des Relations Internationales (IFRI), Paris)

– Absence de plan national d’électrification clair, ce qui fait courir un risque aux investisseurs
– Tarifs d’électricité national et réglementations du secteur électrique (absence de compteurs)
-opacité dans l’établissement des factures d’électricité
– Réglementation fiscale, dont l’exonération de la TVA sur les équipements et les combustibles pour les entreprises du secteur minier et secteur industriel
– Il serait préférable d’exonérer les compagnies minières qui utilisent des énergies renouvelables et qui ont un vrai plan de préservation de l’environnement et les taxer quand elles utilisent des énergies fossiles,
– Mauvaise qualité des produits solaires importés: Lampe/kit solaires
– Barrières à l’importation sur les produits solaire (90% des produits sont fabriqués en Chine), représentent jusqu’à 70% du prix du produit final
– Absence de réseaux de distribution dans les campagnes et les zones très isolées
– Coût d’acquisition de l’énergie électrique toujours trop élevé pour les plus pauvres des pauvres, un segment de marché difficile à toucher

– Manque de service de maintenance, de techniciens et ingénieurs spécialisés en la matière
– Manque de plans de formation pour permettre l’entretien basique par les bénéficiaires ou une institution communautaire de Panneaux solaires
– Répartition des responsabilités peu claire dans les projets communautaires
– La qualité des composants s’améliore mais toute une génération de batteries pose aujourd’hui problème (et ne peuvent pas être recyclées en raison du manque de chaine logistique locale), on accentue la pollution
– Peu de prise en compte dès la conception du projet des coûts de remplacement des batteries, des canaux de distribution et d’installation
– Besoins mal évalués en amont, ce qui conduit à une sollicitation trop élevée du matériel et une dégradation précoce
– Projets risqués compte tenu des réglementations en vigueur et retours sur investissement faibles, ce qui limite l’implication du secteur privé
– Procédures administratives complexes
– Projets reposant sur des donateurs
– Absence totale de régime de concessions dans le secteur des énergies renouvelables
– Moyens humains et institutionnels inadaptés
– Manque de connaissance des populations sur les impacts liés à l’utilisation de différentes énergies et méconnaissance des performances des différents systèmes
– Situation économique locale difficile
– Capacité du consommateur final à payer
– Systèmes et formalités de paiement

Ces facteurs externes influencent fortement la viabilité économique des plans d’électrification rurale par systèmes décentralisés. Or, cette viabilité économique est à la fois l’élément clé et complexe des projets alors que les difficultés techniques ne sont plus à l’heure actuelle un réel handicap, et que les aspects socio-économiques sont de mieux en mieux appréhendés en amont.

Les mesures à mettre en place

Les kits solaires et les panneaux solaires individuels peuvent être fabriqués, importés, diffusés et installés par une entreprise privée, soit parce qu’elle souhaite s’implanter sur le marché local, soit à la demande des autorités qui financent un plan d’électrification. Ce qui permettrait :
-de former de la main d’œuvre locale à la technologie solaire et aux métiers de l’électricité
-D’inciter et accompagner les entrepreneurs locaux pour utiliser cette manne
– Mise en place de normes de certifications pour la délivrance d’une autorisation d’exercer pour les entreprises du secteur électrique et en même temps la promotion des entreprises nationales d’électriciens
– il faut limiter les barrières tarifaires à l’importation
– Mise en place de système de microcrédits
– Facilités de paiement sur plusieurs mois
– Permettre à des entreprises privées l’utilisation de leur propre réseau de distribution ou faire appel à un distributeur local pour des systèmes solaires individuels
– Définir un plan de développement du réseau national sur le long terme et en assurer la communication aux investisseurs

-Mener une étude optimale afin d’évaluer correctement le niveau de consommation des bénéficiaires
-Assurer la logistique de remplacement des équipements défectueux et usagés, inclure les coûts de maintenance et de remplacement dans le coût total du projet
– Assurer la formation d’équipes locales de maintenance et désigner une institution responsable des projets communautaires
-Proposer plusieurs puissances de panneaux solaires
-Prévoir de faire évoluer l’offre en fonction des avancées technologiques afin de proposer le meilleur service possible
– Impliquer les communautés locales dans la conception des projets
– Clarifier la règlementation sur la tarification de l’électricité
– Clarifier la règlementation afin de permettre l’implication du secteur privé
-Permettre la création de PPP, les contrats de prestation ou la prise en main PAR LE SECTEUR PRIV2 SELON UN % défini
– Prévoir des clauses de raccordement et des tarifs de rachats garantis
– 2 ans de garantis minimum sur l’installation et un service de maintenance
– Permettre aux acquéreurs de revendre l’électricité produite à partir de leur installation dans le cas où il serait raccordé au réseau
– Imposer des normes qualité
– Organiser la participation d’institutions de microcrédit, soutenues par une institution publique
-Raccourcir les temps de procédures et de parcours administratif pour les investisseurs

Conclusion

La contribution des organisations de la société civile guinéenne – à condition qu’elle ne soit pas encore politisée – à la réalisation des objectifs de développement a été suffisamment perceptible sur le terrain, mais son action dans le secteur des énergies renouvelables n’est pas visible, pourtant l’action de la Société Civile dans ce domaine aurait sans aucun doute un impact sur le développement des énergies renouvelables du fait de leur influence sur la cohésion sociale. Les bénéficiaires sont plus impliqués dans l’élaboration de solution adaptées, leur mise en œuvre et leur suivi.

L’incapacité de l’Etat à atteindre les objectifs qu’il s’était fixé montre que la participation de tous les acteurs du développement doit être encouragée et facilitée par des réformes appropriées.

l’Etat, et la Société Civile doivent travailler ensemble, en laissant la politique de côté, et en s’occupant d’avantage de résoudre les problèmes de nos concitoyens, afin d’établir une stratégie de résolution durable de la crise énergétique en Guinée, en visant notamment un accès universel à l’électricité d’ici 2030, ce travail devra être basé sur une culture du résultat et non sur un partenariat représentatif des intérêts de chacun.

En impliquant d’avantage la société civile dans l’élaboration et la mise en œuvre, le suivi des stratégies et des programmes de développement, l’Etat améliorera l’efficacité de ses propres programmes de développement.

La société civile devrait d’avantage s’impliquer dans les décisions concernant le développement des énergies renouvelables. Celles- ci auront des implications à long terme sur le bien-être des populations, sur le développement de la nation et sur les émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, concernant les énergies durables et compte tenu, des nouvelles avancées technologiques, et de la réduction des coûts, le développement des énergies renouvelables offre à tous les pays africains et en particulier à la Guinée une voie économique rapide vers une croissance rapide, durable et équitable à conditions que certains freins soient levés.

L’alternative aux énergies renouvelables pour palier au déficit d’électricité pourrait être un puissant catalyseur de croissance en Guinée : création d’activités économiques, prolongation de la journée de travail, amélioration des conditions d’éducation, de l’accès à l’eau potable et des rendements agricoles.

Les bénéfices économiques sont nombreux mais ont aussi des effets indirects sur des facteurs sociaux difficiles à quantifier, tels que l’égalité des genres.

Pour terminer j’invite toutes les organisations de la société civile à adopter la technologie solaire. Elle permettrait à la Guinée d’utiliser cette manne pour se développer rapidement, car elle se révèle de plus en plus pertinente en terme de coût, pour preuve elle est développée en Europe (l’Allemagne, les pays de nord de l’Europe, la France et l’Espagne principalement), Le Maroc (première centrale solaire du continent), l’Algérie, Dubaï, les Etats-Unis, l’Inde et la Chine qui est en passe de venir le premier producteur d’énergie solaire au monde.

Et nous en Guinée, qu’attendons-nous pour penser à de véritables programmes d’électrification solaire ? A quand la construction d’une centrale solaire en Guinée ?

Sources : CIA/IEA/ BAD – Quel avenir pour le solaire en 2020 / ashdenawards organisation/université Heinrich Heine, Dusseldorf- Auteurs Nina Cveteks/ Friedrich-ebert-Stiftung / L’Afrique a des idées.Kenneth Houngbedji/
Gabrielle Desarnaud : Institut Français des Relations Internationales (IFRI), Paris / IEA

Marie Madeleine DIOUBATE

Présidente du Parti des Ecologistes de Guinée

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