Jaques Gbonomy de la CENI : « si on finance les élections, nous pouvons les organiser avant la fin 2017 »

La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) est, depuis quelques temps, plongée dans une crise sans précédent. Devant la cacophonie ambiante, les commissaires ont organisé le 3 juillet dernier une élection pour remplacer Bakary Fofana par Me Salifou Kébé à la tête de l’institution.

Hier, lundi 24 juillet 2017, le commissaire Jacques Gbonomy, responsable formation et accréditation à la CENI a accordé une interview à un de nos reporters.

Décryptage !

Guineematin.com : le 03 juillet dernier, vous avez porté Me Salifou Kébé à la tête de la CENI, en remplacement de monsieur Bakary Fofana. Une élection que le président sortant avait contestée à l’époque. Où en est-on aujourd’hui ?

Jacques Gbonomy : il faudrait rappeler d’abord que depuis le dialogue de l’année dernière, septembre-octobre 2016, nous ne sommes pas en activité. C’est en partie à cause de ces débats entre les acteurs politiques. Et aujourd’hui, nous sommes face à une situation critique au sein de l’institution et des démembrements qui ne sont pas payés depuis maintenant cinq (5) mois, nous sommes maintenant au sixième mois. Suite à tous ces événements, on a été amené à provoquer une élection comme l’indique l’article 17 de la loi 016 qui dit que : « la CENI comprend 5 membres de bureau dont un président, deux vice-présidents, un rapporteur et un trésorier et que le bureau est là pour un mandat de 7 ans. Mais toutefois, les deux tiers peuvent convoquer une plénière et remanier partiellement où totalement le bureau ». C’est cet article que nous avons appliqué. À cette élection, il y avait 19 présents et 18 ont voté pour Me Kébé à la date du 3 juillet 2017. Donc, à la suite de cette élection, il était question de procéder à une passation de service entre le président sortant, monsieur Bakary Fofana, et le président entrant, Me Salifou Kébé. Au lendemain de l’élection, dans la semaine qui a suivi, nous avons fait le dossier que nous avons envoyé au Ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation. Dans ce dossier il y avait le procès verbal de la plénière élective, il y avait aussi le procès verbal de l’huissier qui avait supervisé cette élection et également la lettre de Pétition, la motion de confiance qui avait convoqué cette plénière élective. Donc, le dossier est au MATD, il revient à l’autorité de programmer la passation pour passer le service au président entrant. Donc, c’est ce que nous attendons depuis là. Le vendredi, il avait été programmé cette passation mais on est restés à attendre les autorités, mais elles ne sont pas arrivées. Nous attendons toujours que cette passation soit programmée car l’institution ne peut pas continuer à vivre comme ça.

Guineematin.com : cette élection du 3 juillet a été contestée par le président Bakary Fofana. Aujourd’hui, où en êtes-vous ? Quels sont vos rapports avec le président sortant ? S’est-il finalement résigné ?

Jaques Gbonomy : non ! Il vient au bureau, je pense que c’est normal. En tant que président sortant, il doit gérer les affaires jusqu’à la prise de fonction du président entrant. Il continue à venir, c’est que les rapports ne sont pas trop comme ça et; depuis cette date, il n’y a pas eu de plénière. Il vient, mais il n’a pas d’effet sur les autres commissaires, ça fait que la CENI ne fonctionne presque pas.

Guineematin.com : Est-ce vous pouvez nous dire le rôle que la société civile a joué pour le dénouement de cette crise ?

Jaques Gbonomy : la société civile avait tenté de jouer un rôle en voulant négocier entre les gens. Mais, comme vous l’avez dit, elle n’a pas joué un rôle en amont. Parce que c’est la société civile qui a envoyé Bakary Fofana à la CENI, notamment le CNOCS-G. Il était du rôle du CNOCS-G d’encadrer son envoyé depuis là. C’est vrai qu’on coupe le cordon avec la structure d’origine, mais c’était à eux de suivre puisque ça fait partie de leur attribution, de suivre pas à pas la commission et voir si les choses fonctionnent ou pas. Ce n’est pas quand les commissaires prennent la décision de faire partir Bakary, que le CNOCS-G peut revendiquer la paternité du président de la CENI et essayer d’intervenir pour maintenir le statut-quo. Les réformes de la CENI se font à l’interne, ça ne dépend pas d’une structure sociale ou politique. Donc, l’intervention du CNOCS-G était venue tardivement et malheureusement ils ont pris une position qui était plus ou moins extrême en demandant la dissolution de la CENI actuelle, tout simplement parce que monsieur Bakary n’est plus là. Il ne s’agit pas de toute la société civile, c’est le CNOCS-G. La déclaration a été faite à leur siège. Kébé est aussi de la société civile, il vient de l’ordre des avocats qui est même membre du CNOCS-G. Je ne comprends pas pourquoi cette réaction.

Guineematin.com : pour beaucoup d’observateurs, ce changement brusque à la tête de la CENI est une manière de préparer la retraite des commissaires que vous êtes, car dans deux ans votre mandat va arriver à terme. Qu’en dites-vous ?

Jaques Gbonomy : en fait cette situation a plutôt été provoquée par le CNT (Conseil National de la Transition). La première loi de 2006 qui créait la CENI disait que c’est une personnalité qui venait là comme président, une personne de bonne moralité, on ne précisait pas s’il était de la société civile. Donc, c’est en 2010, avec la loi du CNT qu’on a dit que la présidence revenait à la société civile. Ce qui est une exclusion parce qu’il n’y a pas que de bonnes personnes dans la société civile. Maintenant qu’il y a une nouvelle loi qui va être introduite à l’Assemblée nationale, on verra ce que nos honorables députés vont retenir. Pour nous, il n’y a pas que de bons guinéens à la société civile, les bons guinéens sont partout. Il est question de mettre à la tête de cette institution une personnalité de haute qualité, loin de tout reproche pour gérer l’institution. Aujourd’hui, la société civile a fait une réaction qui est contraire mais ces derniers temps eux mêmes ils sont entrain de revenir à la raison, en disant que cette structure peut rester pour les élections locales, mais il faut qu’il y ait la réforme. Nous, nous sommes prêts pour que la CENI soit reformée. Mais, en attendant que cette réforme n’ait lieu, que les textes sortent de l’Assemblée, les accords politiques disent que la CENI actuelle doit organiser les élections locales et que les législatives et la présidentielle de 2020 seront organisées par une CENI réformée. Donc, qu’on se batte pour aller plutôt vers les élections locales que de parler de réforme. Si on veut reformer la CENI, il faudra attendre au moins en 2018 pour les élections législatives. Je ne sais sur quelle base on peut reformer la CENI actuelle, est-ce qu’avec la loi 016 ou avec une nouvelle loi qui n’est encore votée ? Donc pour nous, la réforme de la CENI n’est pas un problème, on est prêt à partir si tel est le cas, mais il faudrait que ça se passe dans les règles de l’art.

Guineematin.com : est-ce qu’après le dénouement de cette crise, la CENI sera en mesure d’organiser les élections locales en 2017 ?

Jaques Gbonomy : la CENI est techniquement prête à organiser ces élections. Ce n’est pas parce qu’on a enlevé une personne à son poste que la marche va s’arrêter, non. Les mêmes techniciens qui étaient là, qui ont organisé les élections en 2013 et la présidentielle en 2015, sont encore là. La CENI, ce n’est pas le président seulement, la partie technique est assurée par les départements et ces départements sont gérés par les commissaires qui ont demandé le départ de monsieur Bakary Fofana. Moi, j ne trouve pas d’obstacle majeur. Si l’Etat et les partenaires financent les élections, nous pourrons organiser ces élections cette année parce qu’elles étaient déjà en préparation, nous ne ferons que des retouches pour aller à ces élections.

Guineematin.com : quel est le dernier que vous comptez placer ?

Jaques Gbonomy : le dernier mot, c’est d’inviter l’Etat à organiser cette passation. Une question que je vais préciser, il y a quelqu’un qui m’a demandé quand vous étiez entrain d’organiser l’élection, vous avez demandé au Ministère de l’administration de venir superviser. Non, l’élection est organisée à l’interne mais la passation est faite conformément aux principes des institutions, la CENI est une institution. Nous ne pouvons pas organiser une élection et faire la passation à l’interne. Il s’agit de faire appel à notre partenaire qui est notre porte-parole auprès du gouvernement. Je pense que le principe est acquis, c’est une question de jour. Elle aura lieu car la CENI ne peut pas rester comme ça.

Entretien réalisé par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tel. (00224) 621 09 08 18

Facebook Comments Box