L’Accord Politique du 12 Octobre face aux lois de la Guinée et les droits des citoyens (Libre Opinion)

aboubacar-sylla-au-dialogueDepuis que l’accord politique inter guinéen intervenu le 12 Octobre 2016, le paysage politique est marqué par une agitation puérile de certains partis politiques, de quelques acteurs de plates-formes de la société civile, ainsi que certains médias. Des entités jusque-là considérées comme neutres sont soudainement sorties de leurs « obligations de réserve » pour tancer un accord pourtant attendu avec beaucoup d’espoir.

Ces entités pour des intérêts divers et occultes ont investi les médias (dont certains sont eux même devenus des entités hostiles) et déversent sur l’opinion, des intoxications et insinuations contre l’opposition républicaine et en particulier l’UFDG.

Face à cette situation, il devient impérieux de recadrer les discours mensongers et confusionnistes sciemment orchestrés par des individus, des groupuscules de personnes et certains médias, qui ne servent que les intérêts obscurs de leurs porteurs.

Sous le prétexte fallacieux d’une prétendue défense de la loi ou des droits des citoyens, les agissements constatés çà et là ces derniers temps ne sont que la manifestation d’une jalousie et des craintes d’un naufrage des ambitions personnelles maléfiques et inavouées des leaders en mal de conscience et de popularité.

Ainsi, après avoir entendu beaucoup de commentaires et lu beaucoup d’écrits de juristes pour la plupart aussi incohérents que partisans, il est temps pour moi de lever des équivoques pour faire entendre un autre son de cloche. Ceci, pour aider cette majorité silencieuse qui a salué l’accord, mais qui, très malheureusement, est presque noyée et noyautée par une minorité agitée.

La quasi-totalité des anti- accord focalise les critiques ou attaques sur le point II, paragraphes 14 et 15 dudit accord portant sur les modalités de désignation des chefs de quartiers et de districts et ne fait jamais cas sur toutes les avancées majeures que comporte l’accord du 12 Octobre 2016.

Avec des raisonnements qui ne tiennent sur aucun fondement légal, les détracteurs de l’accord font des affirmations sans en avoir une base juridique conséquente, claire et démontrable.

C’est pourquoi, dans cette première partie, mon commentaire sera exclusivement axé sur le plan juridique. Dans une prochaine tribune, j’aborderai les aspects politiques et politiciens pour démontrer la fourberie politique des uns et des autres.

A l’entame, hunc et nunc (ici et maintenant), je dis que l’Accord Politique du 12 octobre 2016 n’a violé aucune disposition constitutionnelle, aucun texte de loi, encore moins un droit des citoyens. Au contraire, l’accord constitue une base juridique et une solution politique originale qui comble un vide juridique et qui vient pallier l’inadaptation de la loi électorale à son « cadre social ».

Les non violation de la loi par l’accord et son incontestabilité sur le plan juridique sont facilement démontrables par les moyens ou sous les angles ci-après :

1. les prétendus droits prévus à l’article 109 de la loi électorale sont virtuels et cette disposition est contraire à l’article 8 de la constitution.

Les droits sont virtuels en ce sens que depuis l’adoption de la loi électorale de 2010, aucun conseil de quartier ou de district n’a été élu sous le coup de cette loi. Donc, il n’y a pas eu d’acquis. Et le critère fondamental qui peut être invoqué pour revendiquer un droit acquis c’est naturellement l’acquisition ou la jouissance ou au moins la détention. Mais, à cette phase (depuis 2010 à date), il n’y a aucun élu, donc pas d’acquis à préserver.

D’ailleurs, aucune élection ne peut se faire à ce niveau sous le coup de la loi électorale actuelle. Ceci, pour les raisons d’ordre juridique et administratif invoqués au point 2 ci-dessous.

Par ailleurs, même dans l’hypothèse où ces droits auraient pu être effectifs, puisque c’est une loi qui a prévu ces droits, qui, malheureusement n’ont pu être effectifs (donc virtuels) par la faute de la même loi, rien n’empêchera au législateur d’en disposer autrement sur la même matière.

Il serait important de rappeler qu’aucune loi ou disposition de loi ne peut être immuable. A l’exception des domaines ou des matières dites « intangibles » prévues par certaines dispositions constitutionnelles, aucun domaine législatif ne peut être couvert d’une immunité contre les modifications (amendements) ou abrogations. C’est pourquoi on parle de « revirement législatif » ou de nouvelles dispositions législatives. En la matière il est de règle établie que le législateur du présent ne tient pas le législateur du futur.

2. L’article 109 de la loi électorale est en partie contraire à l’article 8 de la constitution et est en partie inapplicable :

En effet, il est stipulé à l’alinéa 2 de l’article 109 de la loi électorale que : « aucun candidat ou liste de candidats, ne doit faire campagne sous le couvert d’un parti politique ou de toute autre organisation gouvernementale ou non gouvernementale (ONG) ».

A priori, il est impérativement nécessaire de clarifier si l’expression « ne doit pas faire campagne sous le couvert d’un parti politique » veut dire aussi que « ne doit pas faire acte de candidature sous le couvert d’un parti politique ».

A postériori, si tel est le cas, en ce moment il dévient évident que la disposition pré-citée de la loi électorale est contraire aux dispositions de l’article 8 de la constitution qui stipule en son alinéa 2 que « nul ne doit être privilégié ou désavantagé en raison de son sexe, de sa naissance, de sa race, de son ethnie, de sa langue, de ses croyances et de ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses ».

Concrètement, en excluant des citoyens dans les élections des quartiers et disticts pour leurs opinions politiques, la loi électorale devient discriminatoire et contraire à la constitution.

Donc, sur la base de l’article 2 de la constitution qui stipule que « toute loi, tout texte réglementaire et acte administratif contraire à ses dispsotions sont nuls et de nul effet », on peut dire que l’article 109 de la loi électorale, en plus d’être confus est nul et de nul effet. Au finish, la prétendue élection reservée aux citoyens n’a pas de base légale.

3. les modes de scrutin prévus par le code électoral sont à la fois contraires à la constitution et sont inapplicables :
La loi électorale en son article 100 a prévu deux modes de scrutins à savoir le scrutin majoritaire uninominal à un tour pour les districts et le scrutin de liste à la représentation proportionnelle pour les quartiers.
Plus loin, l’article 102 qui détermine le mode de votation, dispose que « pour le scrutin uninominal à un tour, le vote se fait à main levée et par alignement… ». En instituant le vote à main levée ou par alignement, la loi électorale s’oppose et contredit l’alinéa 3 de l’article 2 de la constitution qui stipule que « le suffrage est universel, direct, égal et secret ».

S’agissant de l’élection dans les quartiers, même si le mode de vote est conforme, vu le nombre élevé des circonscriptions électorales (plus de 1500 quartiers), la CENI ne peut pas mettre en place autant de commissions administratives de centralisation des votes (CACV) parce que tout simplement chaque CACV doit être présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire et la Guinée ne dispose pas de magistrats pouvant couvrir toutes les circonscriptions électorales des quartiers.

Par conséquence, dès lors que l’article 102 est en partie contraire à une disposition constitutionnelle et en partie techniquement inapplicable, on ne peut parler de violation. On parlera tout simplement de « non-conformité légale et/ou de vide juridique». Ainsi, tout autre acte pris dans le sens de corriger l’anomalie légale ou de combler le vide juridique ne saurait violer quoi que ce soit.

Cet état de fait a été dûment constaté et mentionné dans l’accord en son point II, paragraphe 14 par la formulation suivante : « 14. Les parties au Dialogue ont pris acte de la complexité et des difficultés liées à l’organisation des élections dans les 3763 quartiers et districts du pays ».
Alors, à moins que certains ne s’activent à inventer une nouvelle théorie de la règle de droit, aucun élément juridique probant n’existe dans le corps de l’accord, qui puisse violer un texte légal ou un droit de citoyen.

4. l’Accord politique est une solution politique face à l’impossibilité juridique :

Face au constat de l’impossibilité d’organiser des élections dans les quartiers et les districts pour les raisons suffisamment exposées plus haut, l’accord politique offre une solution politique qui a le mérite de combler un vide et de rétablir au moins la légitimité et la représentativité.
En plus, sur le point concernant les quartiers et districts, les parties à l’accord n’ont fait que des recommandations formulées au point II, paragraphes 15 et 16 comme suit : « 15. Au regard de cette complexité, les parties au Dialogue recommandent que:

a. Le conseil de quartier/district soit composé au prorata des résultats obtenus dans les quartiers/districts par les listes de candidatures à l’élection communale;

b. Le Président du conseil de chaque quartier/district soit désigné par l’entité dont la liste est arrivée en tête dans » ledit quartier/district au scrutin communal.

16. A cet effet, les parties au Dialogue invitent l’Assemblée Nationale à procéder en conséquence à la révision du code électoral lors de la session budgétaire 2016 ».

Partant de tout ce qui a été précédemment exposé, il serait aisé de conclure que l’accord politique ne comporte pas de dispositions qui contredisent une disposition légale ou constitutionnelle. Et mieux, l’accord ne viole aucun texte applicable. C’est plutôt l’inapplicabilité de certains textes qui a conduit à la naissance de l’accord en question. On ne peut parler de violation d’un texte que lorsqu’un acte est pris ou a été commis et que le dit acte est en contradiction manifeste avec une disposition d’un texte. Et l’accord à cette phase ne contient ni dispositions contraires à d’autres textes applicables et n’a généré aucun acte qui viole manifestement une disposition légale.

Quel juriste peut me dire que les termes comme « recommande ou invite » sont contraignant ou que les formulations actuelles des dispositions 15 et 16 de l’accord violent n’importe quel texte en Guinée.

Vouloir faire un tel raisonnement ne peut relever que d’une mauvaise compréhension de la langue française d’abord ou d’une mauvaise foi, sinon c’est carrément être d’un faible niveau intellectuel ou de formation.

Dans l’un ou l’autre des cas, cela est toujours dommageable pour les intéressés et pour la République.

A suivre…

Mohamed Mousliou HAÏDARA

Juriste Consultant

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