Le ministre Damantang paraphrase l’opposant Aboubacar Sylla : « on ne peut pas être en train de discuter et aller dans la rue » (Entretien)

Après la publication du calendrier des manifestations de l’opposition, Guineematin.com a été reçu par le Ministre porte-parole du gouvernement, par ailleurs ministre de l’enseignement technique, professionnel, de l’emploi et du travail, Damantang Albert Camara, pour sa réaction. Dans cet entretien exclusif, le porte-parole du gouvernement revient ici sur le niveau d’exécution des accords du 12 octobre mais également aborde d’autres sujets d’actualité nationale.

Lisez plutôt…

Guineematin.com : L’opposition menace de descendre dans la rue, accusant le gouvernement de n’avoir pas respecté les accords du 12 octobre. Quelle est la réaction du gouvernement ?

Damantang Albert Camara : Le Ministre de l’Administration du Territoire vous en dira sans doute beaucoup plus que moi sur le niveau d’exécution des accords du 12 octobre. Néanmoins, nous sommes informés que des avancées significatives sont enregistrées : tous les prisonniers détenus au compte des manifestations ont été libérés. L’expertise mandatée à l’effet de préparer l’audit du fichier électoral a fait son travail et l’a transmis à la CENI qui est chargée de trouver l’opérateur technique.

L’Assemblée Nationale a été saisie par le Comité de suivi des accords sur la question de l’indemnisation des familles des victimes décédées au cours des manifestations. Elle a procédé à l’inscription budgétaire de cette indemnisation. Mais avant, le gouvernement a soumis au Parlement un projet d’amendements du Code électoral suivi du projet de Code des Collectivités locales et du Haut Conseil des Collectivités, en février. Toutes ces lois majeures pour les élections ont été également adoptées par les députés.

Les partis sont à présent appelés à établir les listes des victimes concernées. Voilà pour les informations en ma possession. Mais d’autres actes ont été posés, comme par exemple, les ateliers destinés à sensibiliser les autorités locales sur la neutralité de l’administration. Je me pose la question de savoir donc où est le non-respect des accords…

Les Guinéens doivent également savoir que depuis la signature de ces accords, pas moins de douze sessions du Comité de suivi se sont tenues. La dernière c’était le vendredi 30 juin dernier à la suite de laquelle des recommandations ont été formulées. Je comprends la réaction de l’honorable Aboubacar Sylla quand il dit qu’on ne peut pas être en train de discuter et aller dans la rue. Comme vous le savez, Ce comité de suivi regroupe les membres de la mouvance, de l’opposition et la société civile.

Guineematin.com : S’agissant du respect de ces accords, qu’est ce qui explique le retard enregistré de la tenue des élections locales ? 

Damantang Albert Camara : Mais nous n’allons pas refaire l’historique des retards et des obstacles variés et multiples qui empêchaient ces élections. Il y a eu un décalage de tous les calendriers électoraux consécutifs aux difficultés à la CENI, difficultés qui ont elles-mêmes entrainé une restructuration de cette même CENI à la demande de l’opposition. Nous avons ensuite organisé la présidentielle qui, elle, ne pouvait pas attendre. Ensuite, il a fallu se mettre d’accord sur un mode de scrutin réaliste et prenant en compte la contradiction des textes et les réalités du terrain. Puis il a fallu, en conséquence, corriger le Code électoral avec tout le débat que cela a suscité. Voilà ! C’est juste un aperçu de tous les obstacles qui se sont mis sur la route de nos élections locales.

Au passage, vous avez peut-être noté cet article de Jeune Afrique qui parlait du retard accusé par les élections locales au Togo. Dans ce pays, très avancé démocratiquement, ce type d’élections ne s’est pas tenu depuis 1987 semble-t-il. Ça donne à méditer.

Guineematin.com : Actualité oblige, l’Assemblée nationale a adopté en début de semaine (le mardi 4 juillet), la loi contre la corruption. Avez-vous de commentaires ?

Damantang Albert Camara : C’est la partie ingrate de notre travail. Poser les bases d’une gouvernance dans laquelle certaines dérives ne seront plus possibles. Ce type de réforme ne fait pas de bruit, ça ne « parle » pas forcément aux populations. C’est une Loi que les citoyens ne voient pas sous forme d’espèces sonnantes et trébuchantes dans leur portefeuille ou dans la marmite. Mais c’est une loi fondamentale pour éviter la dilapidation des deniers publics. Et c’est cette préservation des deniers publics qui permet de les utiliser ensuite au bénéfice des populations. Le citoyen ordinaire n’en percevra que le résultat final dans quelques mois, voir quelques années, sans forcément se douter de tout le travail qui a été fait pour l’adopter, au moment où il reprochait au Gouvernement de ne pas en faire assez pour son quotidien. A partir d’aujourd’hui, tout agent de l’Etat qui voudra céder à la corruption, pensera à cette loi. Consciemment ou non, elle va empêcher ou limiter un grand nombre d’acte illicites. Même chose pour les corrupteurs.

Si une telle Loi avait été prise avant nous, il est évident que ceux qui nous ont précédés n’auraient pas pu détourner les fonds publics de la manière dont ils l’ont fait. La situation de bon nombre de nos concitoyens aurait été différente en ce moment.

Guineematin.com : Récemment, l’occupation anarchique des domaines et la coupe de la forêt de Demoudoula ont entraîné le déplacement du Chef de l’Etat sur les lieux. Pourquoi maintenant et à quoi peut-on s’attendre après cette situation ?

Damantang Albert Camara : Le Chef de l’Etat a été alerté par la ministre de l’Environnement. Malheureusement, comme vous le dites, le mal est déjà très avancé et pas seulement à cet endroit. Le ministère de l’environnement va commencer une campagne de reboisement qui sera lancée à Démoudoula justement. Madame la ministre vous en dira plus.

Guineematin.com : Des citoyens déplorent également l’occupation systématique des domaines maritimes de l’Etat, notamment les corniches de la capitale. Qu’entend faire le gouvernement pour sauver les insulaires de ces pratiques qui ont déjà provoqué des inondations et d’importants dégâts à Kakossa, Kaback et ailleurs ?

Damantang Albert Camara : Les occupations anarchiques des corniches sont combattues par le gouvernement et seront de toutes manières démantelées. Les occupations faites ou autorisées par l’Etat tiennent compte des normes et études environnementales préalables. Il y a un plan global d’aménagement de Conakry à l’horizon 2040 (si je ne me trompe pas sur la date) qui tient compte de tous ces paramètres.

Guineematin.com : Vous venez d’organiser les examens dans les établissements d’enseignement professionnel et technique et d’une rencontre régionale à Mamou sur l’organisation du secteur. Quelle leçon avez-vous tiré dans les deux cas ? 

Damantang Albert Camara : Vous n’avez pas entendu de bruit autour de nos examens ce qui prouve qu’ils se sont bien passés. Vous allez par contre sans doute entendre des mécontentements plus tard car nous avons décidé de poursuivre les candidats qui se présentent au BTS avec des faux baccalauréats.

Pour ce qui est de la convention de Mamou, nous avons rappelé aux chefs d’établissements qu’ils devaient scrupuleusement respecter le manuel de procédure et les directives qu’ils recevaient du cabinet. Nous avons partagé des informations sur les différents projets en cours qui doivent permettre une amélioration d’ensemble de notre système d’enseignement. Une innovation a consisté à leur distribuer des téléphones portables avec une flotte de puces téléphoniques pour avoir un réseau d’information permanent et dynamique.

Entretien réalisé par Abdallah Baldé pour Guineematin.com 

Tél : 628 08 98 45

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