Le préfet de Tougué : « depuis la période coloniale, il n’y a pas eu une seule infrastructure ici »

Elhadj Abdourahmane Koïn Baldé, préfet de TouguéDans la poursuite de ses reportages et enquêtes dans la préfecture de Tougué, l’envoyé spécial de Guineematin.com a été reçu par le Préfet de Tougué, Elhadj Abdourahmane Koin Baldé, dans la matinée de ce lundi 7 décembre 2015. Dans cette interview du premier responsable de Tougué, il a été question de l’état des lieux de la préfecture, la situation de la caisse, le budget de la préfecture, les taxes que versent les sociétés de la téléphonie mobilise, de l’environnement, de la subvention octroyée par l’Etat, des conflits domaniaux, etc. mais aussi de ses réalisations depuis son installation à la tête de la préfecture de Tougué.

Guinematin.com vous propose, ci-dessous, le décryptage de l’entretien que le préfet de Tougué a accordé à notre envoyé spécial :

Guineematin.com : Vous êtes préfet de Tougué depuis un certain temps, expliquez nous ce que vous avez pu faire depuis que vous avez été installé ?

Elhadj Abdourahmane Koïn Baldé : Je suis le Préfet de Tougué depuis le 06 septembre 2015. Par la grâce du Président Alpha Condé, il m’a nommé préfet de Tougué. Depuis lors, on était dans la ferveur des élections présidentielles, jusqu’à maintenant c’est une période de transition. Aucune activité n’a été pour le moment réalisée. C’est après l’installation du Président et que si Dieu fait qu’on y soit, on verra ce que nous pourrons faire avec non seulement l’Etat, mais aussi avec les ressortissants et les résidents. Si Dieu le veut bien.

Guineematin.com : Dites-nous dans quel état vous avez trouvé cette préfecture de Tougué ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Vous savez que la préfecture de Tougué, comme je l’ai dit au Président lors de son passage, la préfecture de Tougué n’a jamais évoluée. Il n’y a pas eu d’amélioration depuis la période coloniale. Si on regarde de plus près, depuis la période coloniale, il n’y a pas eu une seule infrastructure, au point de vue habitat ou maison d’administration qui a été construit. Les bâtiments que nous occupons ici aujourd’hui ont été construits sous la loi CADRE. Donc, tous les régimes qui se sont succédé, il n’y a pas eu une réalisation à ce que je sache.

Guineematin.com : En termes de budget, combien avez-vous trouvé dans la caisse de cette préfecture ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Vous savez, il y a eu une passation de service et je me réserve de vous dire combien j’ai trouvé dans la caisse parce que ça n’a pas tellement d’importance pour votre information.

Guineematin.com : Et, pourtant, nos lecteurs voudront savoir combien vous, vous avez trouvé dans cette caisse. Par rapport à la gestion antérieure, vous pouvez faire le diagnostic et dire oui, on a trouvé telle chose dans cette préfecture et on voudrait aller dans ce cadre, etc.

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Vous savez qu’il est légitime que certains aspirent à savoir ce qui était dans la caisse, mais moi aussi j’ai mes sentiments personnels à ne pas dire ce que j’ai trouvé dans la caisse. Tout simplement, ce que je puis vous dire, ce qu’il y a eu une passation de service normale. On n’a pas parlé de fraude ou de détournement par mon prédécesseur. C’est ce que l’Etat a envoyé, c’est ce qui a été géré pendant la période qu’occupait mon prédécesseur. Et moi, depuis que je suis là, il n’y a pas eu encore une subvention où une assistance quelconque. Pour le moment, c’est ce que je puis vous dire.

Guineematin.com : Et, combien l’Etat envoie comme subvention ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Bon ! Ça reste à la discrétion de l’Etat. Moi, je ne peux pas vous dire combien l’Etat envoie par an, par mois ou par trimestre.

Guineematin.com : Comment vous faites pour gérer ce que l’Etat envoie et comment vous, vous mobilisez les ressources internes de cette préfecture ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Pour gérer ce que l’Etat envoie, il y a des services techniques chargés de la gestion, moi je suis l’ordonnateur.  Et, vous savez, ce qui est mauvais, c’est la gestion individuelle et égoïste. Quand il y a un projet, j’ai un cabinet avec lequel je travaille en symbiose au profit de la population…

Guineematin.com : Mais, on n’ordonne qu’à partir de ce l’on connait déjà ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Bien sûr ! On n’ordonne que ce que l’on a et s’il y a une possibilité, on réalise. Et, s’il n’y a pas une possibilité, on ne peut pas réaliser. Je vous ai dit que jusqu’à présent on n’a pas fait une seule activité compte tenu de l’état d’âme de l’Etat même par rapport aux préfectures.

Guineematin.com : En dehors de ça, il y a aussi des sociétés qui évoluent dans cette préfecture telles que les sociétés de la téléphonie mobile qui versent des taxes au niveau de Tougué.

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Nous sommes enfin d’année monsieur Baldé. Ces taxes, ces sociétés sûrement s’étaient acquittées des taxes annuelles au courant de l’année. Nous sommes au dernier mois de l’année, c’est dire que ces taxes sont déjà consommées.

Guineematin.com : Avez-vous cherché à comprendre si ça avait été versé et combien ils ont versé ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Pourquoi me mêler d’une gestion pendant que je n’y étais pas ?

Guineematin.com : Mais, l’administration est une continuité ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : L’administration est une continuité, mais dites moi les raisons qui vont m’amener à fouiller ce que l’autre a géré pendant que je n’étais pas là.

Guineematin.com : Ça veut dire que vous aussi puisque c’est la fin de l’année vous allez engager d’autres négociations  à partir des moments à venir ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Bien sûr ! Si Dieu le veut bien, dès que les choses vont se stabiliser, ce n’est pas une parure que nous allons constituer pour la préfecture, mais un artisan, un ouvrier pour le développement. On ira vers les points de chute, c’est-à-dire non seulement vers l’Etat, mais certains bailleurs et des sociétés internationales, des ONG, on va monter des projets. Mieux que ça, nous allons mobiliser nos parents ressortissants et résidents. Ressortissants à l’intérieur du pays tout comme à l’extérieur du pays pour parler du développement. Je me propose une réunion avec tous les cadres, fils du terroir pour parler du développement. C’est en ce moment que nous allons voir la priorité  des priorités parce que tout est prioritaire à Tougué.

Guineematin.com : Certains disent souvent que les Préfets de Tougué gagnent leur profit au niveau des fonds que les sociétés de téléphonie mobile versent. Est-ce que c’est le cas ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : S’il vous plaît, s’il vous plaît… Moi, avant d’être ici, j’étais maire. Au niveau de ma commune, il y avait des sociétés de téléphonie. Les taxes que les sociétés de téléphonie versent c’est un impôt partagé. Alors, il y avait pour le trésor, le budget national et ensuite le budget de la commune, là où ces sociétés sont implantées. C’est dire qu’aucun préfet ne peut tirer profit de ces sociétés. Nous sommes habitués à ces supputations.

Guineematin.com : Un autre problème, c’est la coupe abusive du bois qui était fréquente à Tougué.  Est-ce que vous avez prévu des mesures pour limiter cet état fait parce qu’actuellement, l’environnement est menacé par la sécheresse ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Dès notre arrivée, j’ai rencontré le directeur de l’environnement préfectoral pour en parler. Et, dans toute la préfecture de Tougué, il y a qu’un seul qui a été agréé pour couper le bois. On a diminué le nombre et à ce que moi je sache, l’environnement est très protégé parce que nous avons interdit formellement la coupe frauduleuse du bois. Nous avons rendu les maires et les sous-préfets entièrement responsables de la protection de l’environnement.

Guineematin.com : A Tougué aussi, on assiste souvent à des conflits domaniaux. Comment vous parvenez à gérer cette situation ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : On n’a jamais porté à ma connaissance un conflit domanial à Tougué ici depuis mon arrivée.

Guineematin.com : Sauf qu’à Kollet, on avait accusait le maire d’avoir vendu une parcelle qui appartenait à la population ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Ça, c’est une façon d’accuser le maire. Le maire n’a jamais vendu une parcelle. Il y a eu un opérateur économique qui a voulu construire un super marché de 108 boutiques. Alors, il n’y avait pas de la place au marché là-bas, le maire a donné de l’espace de 50 mètres carrés. Maintenant, pour des raisons égoïstes, certains éléments du village ont dit que non, c’est pour eux le marché, le maire est entrain de le vendre. Moi-même, j’ai fait le déplacement pour expliquer, avec la maquette à l’appui, j’ai expliqué et on s’est compris. On a cédé les 50 mètres carrés à l’entrepreneur qui doit y construire bientôt un super marché de 108 boutiques.

Guineematin.com : A Tougué, on parle souvent de vol de bétail qui est devenu récurrent. Comment vous parvenez à gérer ces genres de situations, surtout quand on sait que Tougué est une zone enclavée où l’accès à certaines localités est très difficile ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Chaque fois qu’il y a manifestation de vol, on le traduit devant l’autorité judiciaire. Il y a la police et la gendarmerie partout, au niveau de toutes les sous-préfectures. S’il y a vol et si le vol est établit, on arrête et défère les auteurs. C’est comme ça qu’on résout le problème de vol, on ne badine pas. Personne ne peut tricher ou bien ne peut jouer avec un problème de vol qui a éclaté quelque part. Mais, pour le moment, cela n’a pas été souligné.

Guineematin.com : Après votre arrivée à la tête de cette préfecture, quelles sont les difficultés rencontrées ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Les difficultés que je connais ici sont nationales. Pour le moment, moi je suis arrivé à une période de transition, pendant les mouvements des élections. Donc, l’Etat n’est pas pour le moment stable. Je pense que dans une période de ce genre, chacun veut protéger sa tête. Donc, la gestion administrative semble être au ralenti. Pour le moment, on ne peut pas parler de difficultés et de facilités.

Maintenant, les difficultés que la population a, elles sont nombreuses : il y a les difficultés d’enclavement, c’est-à-dire les sous-préfectures sont enclavées, les routes sont détruites, leur pratique est impossible. Nous avons aussi les difficultés scolaires, le personnel est absent, la santé également. Vous savez qu’à Tougué, les ressortissants aiment construire les infrastructures, mais l’Etat, souvent, est au ralentie quand à l’envoie du personnel enseignant et médical. Donc, c’est sont ces principales difficultés dont souffre aujourd’hui la préfecture de Tougué.

Guineematin.com : Quels sont vos projets pour cette préfecture pendant votre mandature ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Vous savez qu’il y a des choses ponctuelles et il  y a des choses aussi pour lesquelles on prend le temps de réfléchir avant de prendre la solution. Toute mon ambition, c’est de modifier le visage et le niveau de vie de cette population. C’est cela mes ambitions et elles sont légitimes.

Guineematin.com : Un dernier mot ?

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Mon dernier mot ? Je suis fier d’avoir été nommé préfet de Tougué par le Président de la République. Le Président m’a trouvé dans mon village et il m’a grandi. Il m’a nommé pendant que j’étais là-bas. Alors, je suis fier, heureux d’avoir occupé la région qu’avait déjà piloté mon grand-père. Et, ça, c’est le Professeur Alpha Condé qui m’a illustré, qui m’a rendu héro, je ne peux que lui être reconnaissant et je le serais éternellement pour m’avoir grandi au rang de mon grand-père, mes ancêtres. Maintenant, si Dieu le veut bien, je m’appliquerais à ne pas le décevoir.

Guineematin.com : Monsieur le Préfet d’avoir répondu à nos questions.

Elhadj Abdourahmane Koin Baldé : Merci.

Interview réalisée à Tougué par Mamadou Alpha Baldé, envoyé spécial de Guineematin.com

Tél. : 622 68 00 41

 

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