Pratique de l’excision : voici le regard croisé d’un imam, deux femmes et un infirmier à Conakry

Mama Aissata Camara de Kipé

La pratique de l’excision continue de susciter des débats contradictoires en Guinée. Si certains citoyens trouvent la pratique normale et à encourager, d’autres s’y opposent. Un tour dans certains quartiers de Conakry a permis à un reporter de Guineematin.com de recueillir les sentiments de quelques compatriotes qui ont accepté de répondre à nos questions.

Selon Oustaze Bah Mohamed Ramadan, imam à Koloma et enseignant dans une école franco-arabe en Education Islamique, c’est la religion musulmane qui recommande l’excision. « Dans notre religion, comme vous le savez, rien n’est caché, tout est clair. Concernant l’excision ou la circoncision, tout est mentionné dans les hadiths du prophète (paix et salut sur Lui). Notre religion recommande ces deux pratiques. Le prophète a recommandé que les enfants soient circoncis ; les garçons et la même chose aussi pour les filles. Mais, seulement, il se peut que c’est la pratique qui n’a pas été comprise par bon nombre de musulmans ou bon nombre de non musulmans. Donc, il y a un hadith du prophète qui dit que lorsque le garçon qui a été circoncit et la fille qui a été excisée ont un contact, en ce moment, les grandes ablutions deviennent obligatoires. Donc, puisque la référence chez les musulmans, c’est le saint Coran et les hadiths du prophète (paix et salut sur lui), en se basant sur ce hadith, on a là une preuve pour les musulmans, pour ces deux pratiques.

Oustaze Bah Mohamed Ramadan, imam à Koloma et enseignant
Oustaze Bah Mohamed Ramadan, imam à Koloma et enseignant

Un autre hadîth nous dit que le prophète (paix et salut sur lui),  quand il était venu à Médine, il a trouvé une exciseuse. Mais, elle ne la pratiquait pas comme il le fallait. Donc, le prophète l’a enseignée comment il faut le faire ; ça aussi, c’est un hadith.

Donc, à partir de ce moment, elle a commencé à le faire de la manière dont le prophète le lui a indiqué. Maintenant, qu’est-ce qui reste à savoir, le faire est obligatoire ou n’est pas obligatoire ? C’est là où les oulémas divergent. Sinon, dire qu’il n’y a pas de preuve, ça ce n’est pas vrai, il y a des preuves authentiques qu’on ne peut pas rejeter. Donc, comme je viens de le dire tantôt, le garçon doit être circoncis, ça fait partie de la Souna du prophète, la fille la même chose, ça fait partie de la Sounna du prophète. Mais, il faut faire beaucoup attention en le faisant pour ne pas faire du mal ni au garçon, ni à la fille », a expliqué Oustaze Ramadan Bah.

A  la question de savoir si la pratique de l’excision a des avantages, Oustaze Ramadan répond « que ça fait partie de la Sounna du prophète. Puisque quand le prophète appelle à faire une pratique, cette pratique automatiquement fait partie d’une Sounna.

Egalement, ce que beaucoup ne veulent pas comprendre, ne veulent pas entendre, ce que la religion nous enseigne : ça protège la femme, ça protège la jeune femme de commettre l’adultère. Puisque les filles qui ont connu cette pratique, elles sont moins excitées que celles qui n’en ont pas connu, ça c’est indiscutable et ça fait partie des avantages. Quand la religion nous dit de faire quelque chose, il y a des avantages, quand la religion nous interdit quelque chose, certainement, il y a des raisons, il y a des conséquences. Par exemple, la religion interdit les boissons alcoolisées, la religion interdit tout ce qui peut détruire. Nous voyons les drogués, la débauche », a fait remarquer l’islamologue.

Madame Bangoura Dalanda Bah

Pour sa part, madame Bangoura Dalanda Bah, domicilié à Cobayah est contre l’excision. « J’ai été victime de l’excision, je n’aimerai pas que mes enfants en soient victimes. Pratiquement, je suis contre l’excision ; et, souvent, je sensibilise mes enfants sur les conséquences liées à la pratique. Je ne vais jamais exciser  ma fille, parce qu’on le dit souvent, ce n’est pas écrit dans le Coran, ni dans la Bible ; et, c’est une pratique qui a des inconvénients. Par exemple, en accouchant, une femme excisée peut avoir des complications. Je conseille toutes les femmes, qu’elles soient instruites ou pas d’éviter l’excision, parce que ça nous fatigue beaucoup. Moi, je me dis qu’on est venue naturellement avec ça, pourquoi l’enlever. Cette partie du corps qu’on nous enlève nous permet de sentir le plaisir, si on te l’enlève tu imagines comment tu deviens ? Il y a des femmes qui ne sont pas excisées et qui sont bien avec leur mari. Il y a des femmes excisées qui ont aujourd’hui du mal à vivre avec leurs maris », dévoile la mère de famille.

Mama Aissata Camara de Kipé
Mama Aissata Camara de Kipé

De son côté, Madame Mama Aissata Camara, domiciliée à Kipé veut la perpétuation de l’excision, puisque c’est une coutume héritée de nos parents. « L’excision est devenue une coutume pour nous. Je suis pour la pratique. Donc, nous aussi, nous suivons les pas de nos parents. Nous avons appris que la pratique de l’excision n’est pas bonne. Mais, nous, nous faisons en tout cas », dit-elle.

Sekhouna Sylla, infirmier

Enfin, monsieur Sekhouna Sylla, infirmier d’Etat en service au centre de santé Hadja Djenè Kaba Condé de Kaporo : « la pratique de l’excision en Guinée ou ailleurs, n’est pas bonne, parce qu’elle cause beaucoup de problèmes chez les femmes. Par exemple, quand une femme est excisée, ça retarde la fécondité et la sensibilité sexuelle. Tout ce que je peux dire aux femmes, c’est d’éviter l’excision ; car, c’est une mauvaise pratique. La pratique peut causer d’énormes problèmes à nos enfants pendant la fécondité », a dit monsieur Sylla.

Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

 

Facebook Comments Box