Quel bilan pour la délégation spéciale de Matoto ? Sékou Conté à Guineematin

Le mandat des délégations spéciales qui dirigeaient une bonne partie des communes de la Guinée depuis quelques années, est arrivé à terme avec la tenue des élections locales du 04 février 2018. Dans quelques jours, elles vont céder la place aux conseils communaux élus à l’issue de ce scrutin.

Et c’est le moment pour les équipes sortantes de dresser leurs bilans. En ce qui concerne la délégation spéciale de Matoto, la plus grande commune de Conakry, c’est Sékou Conté, le secrétaire général de la mairie, qui a livré à Guineematin.com le bilan de l’équipe sortante. C’était au cours d’une interview qu’il a accordée récemment à un de nos reporters.

Décryptage !

Guineematin.com : le mandat des délégations spéciales est arrivé à terme depuis la tenue des dernières élections locales. Ces équipes nommées à la tête de nos communes vont bientôt être remplacées par les conseils communaux élus. Qu’est-ce qu’on peut retenir comme bilan à l’actif de la délégation spéciale de Matoto ?

Sékou Conté : La délégation spéciale de Matoto, installée en juillet 2012, malgré que ça soit une mission de gestion des affaires courantes, nous avons avec cette équipe que nous avons accompagnée en tant que technicien, réalisé beaucoup de choses. Des choses que je ne pourrai pas toutes citer parce que je ne suis pas à l’évaluation exhaustive. Mais, vous avez constaté le bâtiment qui nous abrite-là, a été réalisé à cette époque grâce au programme de développement urbain (PDU3), supporté par la Banque Mondiale. Vous allez voir l’Etat civil qui se trouve là-bas, flambant neuf. Je crois que c’est le meilleur site qu’on puisse avoir actuellement à Conakry et même en Guinée, je veux parler de l’Etat civil.

Plus loin à Tombolia aussi, l’Etat civil a été entièrement rénové. Il y a eu la construction même des marchés : Lansanayah, Tombolia, Kissosso. Des écoles rénovées, telles que les écoles de Dabompa et de Gbessia. Il y a eu l’aménagement de certains centres de santé ; l’appui aux organisations sociales, de jeunesse, des femmes. Et aussi, les facteurs quotidiens concrets qui sont le maintien de la paix et de la quiétude. Matoto a été reconnue comme étant une zone paisible. Ce sont là un peu de façon ramassée, les activités auxquelles l’équipe s’est attelée.

Guineematin.com : qu’en est-t-il de la gestion des ordures ?

Sékou Conté : là vous allez m’obliger à revenir en arrière. Dans les conditions normales, les communes sont chargées de l’assainissement, l’organisation, l’embellissement et de la modernisation de la cité. Les services sociaux de base, même l’électrification publique doit normalement être gérée par la commune. Mais la taille, le poids, le volume de cette situation a fait que l’Etat a été obligé de prendre certaines dispositions. Au demeurant, c’était les communes qui assuraient cet assainissement, l’Etat apportait une subvention. L’Etat a mis à disposition, un certain nombre de véhicules. Mais, Matoto couvre une population de 900 mille habitants. Si on prend un demi-kilo d’ordures par jour, 500 grammes par jour. Si vous multiplier ça même par la moitié de la population, 500 fois 500 ça fait combien de tonnes ?

Et combien de véhicules vous pouvez imaginer à même de pouvoir drainer ces ordures vers le dépotoir public, c’est énorme. Et, combien ça va coûter en termes de carburant ? Quel est le budget qui pourra supporter ce volume de travail ? C’est pourquoi, l’assainissement n’a pas été entièrement cédé à la commune. Nous avons mené des activités au niveau des différents quartiers à des périodes données par rapport à la politique mise en place. Mobiliser les associations de jeunesse, des femmes, des balayeuses qui sont organisées aussi en groupements afin que de temps en temps on intervienne notamment dans le ramassage des ordures, à la collecte de ces ordures, et pour les mettre à la disposition du SPTD (Service Public de Transfert des Déchets) d’alors.

A un moment donné, il y a eu un programme qui a été lancé par le gouvernement, où les communes géraient les ordures à travers la subvention. Mais après, ça a été confié aux militaires afin de permettre à ce que Conakry retrouve son blason d’antan. Cela aussi n’a pas donné un résultat probant, c’est pourquoi le gouvernement a pris la mesure de confier la gestion des ordures à une agence nationale.

Guineematin.com : l’autre problématique ici à Matoto, c’est l’occupation des emprises des voies publiques par des marchands. Qu’est-ce que la délégation spéciale a fait pour mettre un terme à cette situation, qui non seulement rend difficile la circulation mais aussi expose les occupants des lieux à des accidents de la circulation ?

Sékou Conté : la délégation spéciale n’était pas seule. La délégation spéciale a été appuyée par le gouvernement dans ce combat. C’est ainsi que des programmes avaient été organisés par le ministère de l’intérieur, le ministère de l’administration du territoire, le ministère des transports, plus la commune, pour pouvoir procéder à l’évacuation des gens, pour un déguerpissement total. Mais, quel est le problème ? C’est la réticente permanente des citoyens, ce qu’il faut condamner. Lorsque l’on vient, on débarrasse, deux jours, ils disent que c’est un feu de paille, deux jours après, ils reviennent. L’argument que certaines femmes posent, c’est que leurs maris ne travaillent pas, les enfants sont à l’école et que c’est là où elles gagnent la dépense familiale.

Alors que quand vous allez à l’intérieur du marché, les places sont vides. Donc, tout le monde a pris l’habitude, d’occuper les artères, car pour elles c’est là où elles peuvent facilement faire des profits. Voilà les difficultés majeures auxquelles nous sommes confrontés. Sinon, des dispositions avaient été prises. Il n’y a même pas deux semaines, la sécurité était encore sur le terrain, à l’occasion du lancement de ces bus que le gouvernement vient de mettre à notre disposition comme mesures d’accompagnement pour soulager la population. Voilà ce que nous avons pu faire en matière de déguerpissement.

Guineematin.com : bientôt une nouvelle équipe va prendre les rênes de cette commune. Aujourd’hui, quels sont les défis majeurs auxquels la Matoto est confrontée ?

Sékou Conté : le premier défi, c’est la conscientisation de la population par rapport à l’assainissement de la cité. L’Etat a beaucoup fait, mais la meilleure façon d’assainir une localité, c’est de ne pas la salir. Il faut que les citoyens se rendent compte que ce n’est pas le travail à 100% de l’Etat. Nous avons des PME auxquelles on a donné des contrats, il y a au moins à Matoto 62 PME sur le terrain. Mais malheureusement, les gens ne s’abonnent pas. Le premier défi donc de l’équipe, c’est de faire en sorte que les gens soient sensibilisés, qu’ils adhèrent à ce programme, que les gens s’abonnent à ces PME qui vont faire la pré-collecte et la collecte. Et, des dépotoirs vont être installés, cela va réduire le niveau d’insalubrité dans la cité.

Deuxième défi, c’est l’organisation. Vous savez, beaucoup de conseillers pensent qu’une fois élus, ils deviennent automatiquement des fonctionnaires d’Etat, alors qu’un conseiller communal est cet homme-là qui a décidé de venir participer au développement de sa collectivité, y apporter sa réflexion en initiative, en compétence et à tout ce qui incarne la vie sociale. Le troisième conseil que je donne à la nouvelle équipe, c’est que l’exécutif doit savoir que la représentativité d’une équipe doit être partagée en expérience, en capacité.

Donc, il faut gérer la commune comme son nom l’indique. La commune est une localité commune à nous tous, c’est un bien commun. Ce n’est pas l’apanage du maire ni de son adjoint, c’est pour tout le monde. Quatrièmement, la transparence dans la gestion. Quand la gestion est transparente, les citoyens vont adhérer à tous les projets que le conseil va mettre en place. Mais, si les citoyens ne savent pas à quoi servirait leur participation en termes matériel et financier, ils vont s’abstenir de prendre part au développement local. Et, s’abstenir même de payer les taxes sur lesquelles repose la collectivité.

Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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