Réélection d’IBK, politique guinéenne… L’ambassadeur de la Guinée au Mali à Guineematin

Le peuple malien vient de reconduire à sa tête le président Ibrahima Boubacar Kéita (IBK) pour un second mandat de cinq ans. Toutefois, son challenger à l’occasion du second tour, Soumaïla Cissé, conteste les résultats et promet de mobiliser ses partisans.

Pendant ce temps, de nombreux observateurs accordent du crédit au scrutin de dimanche dernier. Dans la foulée de cette réélection d’IBK, l’envoyé spécial de Guineematin.com a eu un entretien, hier vendredi 17 août 2018, avec monsieur Kabiné Condé, ambassadeur de la Guinée au Mali, Burkina Faso et au Niger.

Avec le diplomate Guinéen, il a été question, entre-autres, de la réélection d’Ibrahim Boubacar Keïta, des relations entre le Mali et la Guinée, de son regard sur la gestion actuelle de la Guinée….

Guineematin.com : le second tour de la présidentielle malienne vient de donner son verdict avec le président sortant qui se fait réélire avec 67,17%.  Comment avez-vous accueilli cette réélection ?

Kabiné Condé : je vous remercie pour la question, très intéressante. Avant, je vous signale qu’en tant qu’ambassadeur, j’ai une obligation de réserve par rapport à tout ce qui se passe dans les pays d’accréditation. Néanmoins, je vais m’efforcer à donner mes propres sentiments, comme j’ai suivi ces élections depuis la préparation jusqu’au jour de la proclamation. Donc, j’ai eu la chance de voir un peu comment les choses se sont passées sur le terrain. D’abord, je tiens à rendre un hommage, un hommage très particulier au peuple du Mali, à son gouvernement et très singulièrement à son chef de l’Etat sortant et entrant, je veux parler d’Elhadj Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Je salue l’homme pour son leadership, je salue l’homme pour sa sagesse, je salue l’homme pour sa clairvoyance, je salue l’homme pour sa patience, et je salue l’homme pour son amour pour ce grand Mali. Je suis à Bamako depuis 2013. Donc, j’ai suivi pas mal de choses. Ceci étant, je le remercie pour toute l’attention qu’il porte à ma propre personne depuis que je suis là. Egalement, je le félicite pour ce score écrasant, je dis bien écrasant parce que beaucoup de paroles ont été dites, beaucoup d’eau a coulé sous le pont, la réalité était tout autre chose. En tant que démocrate, le peuple a choisi. Nous, nous ne pouvons que nous mettre derrière le peuple. Le peuple malien a choisi, le peuple malien a dit oui, nous reconduisons le président IBK pour encore cinq années. Donc, je ne peux que me réjouir que la démocratie ait gagnée, que les maliens, un peuple mur, un peuple courageux, un peuple digne ait eu à faire en toute liberté son choix. J’approuve et je félicite le gagnant qu’est le président Ibrahim Boubacar Keïta.

Guineematin.om : vous l’avez dit, vous êtes au Mali depuis 2013, à ce jour comment se portent les relations entre la Guinée et le Mali ?

Kabiné Condé : les relations diplomatiques, excellentes ! Je me rappelle, un jour j’étais avec le président IBK et une forte délégation guinéenne, on voulait me présenter, c’était un ministre qui était de passage. Il a dit je vous présente notre ambassadeur de Guinée au Mali, monsieur le président IBK a dit, « ce n’est pas la peine de me le présenter, lui. Il est membre de mon gouvernement ». C’est pour vous dire à tel point il a de l’admiration pour la Guinée, à tel point il a de la considération pour le Chef de l’Etat guinéen, à tel point il a du respect pour le peuple guinéen. Les relations entre la Guinée et le Mali, sont au beau fixe. Il ne pouvait pas en être autrement. L’histoire nous dit que la Guinée et le Mali forment un seul et unique Etat. Vous savez bien, le grand Mandingue commence à partir du Sud du Mali jusqu’à l’Océan. Donc, sous le plan historique, sous le plan sociologique, sous le plan religieux, sous le plan culturel, les deux pays sont indissociables. Quelqu’un disait qu’en chaque guinéen, il y a un malien et en chaque malien, il y a un guinéen. Et mieux, on va te poser la question, il y a combien de guinéens au Mali ? Personne ne sera en mesure de vous dire aujourd’hui combien de guinéens se trouvent au Mali, d’aucuns parlent de deux millions, d’aucuns parlent de trois millions, tellement qu’il y a un brassage entre ces deux nations, un brassage entre ces deux peuples. Donc, les relations sont très bonnes. Cela m’amène à penser à un de nos devanciers, l’illustre président Ahmed Sékou Touré, qui disait en son temps, que « la Guinée et le Mali forment deux poumons dans un même corps ». Donc, me poser la question comment se portent bonnes les relations entre la Guinée et le Mali, c’est comme si vous me poser la question à savoir quelle est la couleur blanche du cheval de Napoléon ? Je vous dis, ce sont de très bonnes relations. Je crois que ce sont des relations qui vont aller de l’avant, qui vont aller dans l’enrichissement des deux peuples et pour le bonheur des deux nations.

Guineematin.com : vous êtes au Mali depuis plus de cinq ans maintenant. Qu’avez-vous fait justement pour améliorer davantage les conditions de séjour de nos compatriotes au Mali, au Niger et au Burkina Faso ?

Kabiné Condé : vous savez, nous sommes l’envoyé spécial et représentant du Chef de l’Etat, le professeur Alpha Condé auprès du gouvernement Malien, Burkinabé et Nigérien. Tout ce que nous pouvons apporter pour nos compatriotes vivants dans ces trois pays, c’est l’attention particulière et soutenu quand un problème leur arrive. Qu’est-ce qu’on peut faire ou qu’est-ce qu’on a eu à faire ? On a tissé de bonnes relations, on se reconnait en cette communauté guinéenne vivant dans ces trois pays. A chaque fois que le besoin se fait sentir, soit moi-même, personnellement ou un membre de mon ambassade, se retrouve aux cotés de nos parents, de nos compatriotes. Notre présence n’a jamais fait défaut. La vie c’est comme ça, quand on vit dans un environnement, il y a toujours des problèmes qui se posent : soit on est en conflit avec la loi, soit on a des bisbilles avec son voisin guinéen, on est toujours présent pour résoudre les problèmes guinéens, on n’a jamais accepté qu’un problème s’envenime. D’ailleurs, depuis que je suis là, il y a plus de cinq (5) ans, je dis jamais un guinéen n’a jamais eu un gros problème à tel enseigne qu’on ait eu à l’indexer comme un parias, comme un vaurien. Non. La communauté guinéenne est une communauté respectée au Mali. La communauté guinéenne au Mali est une communauté respectueuse des règles des différents pays où elle se trouve ; qu’elle soit au Burkina Faso, au Niger ou au Mali. Je n’ai pas de problème spécial avec les guinéens, nous sommes à leur disposition.

Guineematin.com : vous n’êtes pas en Guinée, mais vous regardez de loin ce qui se passe dans notre pays. Aujourd’hui, quel regard vous portez sur la situation sociopolitique de la Guinée ?

Kabiné Condé : c’est vrai, on voit de loin ce qui se passe dans notre pays. De fois, on est malheureux, parfois, on est triste. Surtout quand il y a une incompréhension « inutile » se pose entre nous guinéens. Quelque chose qu’on peut et qu’on doit résoudre, mais les gens qui font du tort à leurs prochains en Guinée, ces gens ont un regret, ils ont un goût amer. La démocratie ne signifie pas que vous devez vous entre déchirer, la démocratie ne dit pas que vous devez créer de l’animosité entre vous. La démocratie ne signifie pas que vous êtes des adversaires et qu’une animosité farouche doit s’installer entre vous. D’ailleurs, la démocratie signifie le vivre ensemble dans la paix, le vivre ensemble dans la fraternité, le vivre ensemble dans la convivialité. La politique, elle est venue créer certaines choses en Guinée, que le guinéen ne connaissait pas. Moi qui vous parle comme ça, je suis né dans une ville cosmopolite. Vous savez que Dabola, c’est une ville où il y a les peulhs, où il y a les malinkés, où il y a des Djallonkés, où il y a des Soussous, où il y a des Forestiers. Mais, on était tellement mélangé avant, on se confondait même. Mon meilleur ami, et qui continue d’être mon ami aujourd’hui parce que nous avons reçu cette éducation, c’est un Peulh. Tout ce qui se passe dans ma concession, dans ma maison, la première personne à être informée, c’est lui. Nous avons eu ça de nos parents. Mais, tous ceux qui sont venus après la bonne marrée, c’est la marée noire. Cette marée noire elle a fait que cette démocratie a gagné des problèmes entre guinéens. C’est très difficile, c’est très compliqué. Néanmoins, la raison finie toujours par l’emporter. La preuve ? Je me réjouis que tout dernièrement que les élections communales et communautaires aient eu une solution. Ça n’a pas été très facile, l’opposition a riposté, a revendiqué, la mouvance a voulu être intransigeante, elle a voulu être catégorique, mais la sagesse l’a emporté. Ce qu’ils ont perdu depuis février, ils l’ont résolu en une semaine, en une nuit d’ailleurs. Vous voyez ce que c’est, le dialogue et la concertation. On est appelé à vivre ensemble, rien ne peut changer ça, aucun décret ne peut changer ça. On est appelé à s’accepter. Comme on le dit, un bon arrangement vaut mieux qu’un mauvais procès. C’est ce qui s’est passé pour le cas de ces communales. Beaucoup de choses ont été dites également, beaucoup d’eau a coulé, mais Dieu merci, les gens se sont compris. Et, tout rentre dans la l’ordre et c’est la Guinée qui a gagné.

Guineematin.com : un dernier mot ?

Kabiné Condé : il y a toujours un dernier mot à dire. C’est un appel à l’unité, c’est un appel au bon sens, c’est un appel à la bonne entente entre nous guinéens, aussi bien ceux qui vivent à l’extérieur que les guinéens qui sont à l’intérieur. Nous qui sommes  à l’extérieur, nous sommes le reflet de la Guinée. Donc, nous devons avoir un comportement exemplaire. Il faudrait que, quand on nous voit à l’extérieur, qu’on ait un comportement digne. La Guinée est un pays qui a toujours été respectée, il faudrait que cela continue. Ceux qui sont à l’intérieur, il faut qu’ils se disent que l’hostilité par hostilité ça ne mène à rien. Discutons des problèmes sérieux, discutons des problèmes qui concernent la Guinée. Nous tous qui sommes là, nous allons passer, mais la Guinée va rester. Faisons en sorte qu’il fasse bon vivre en Guinée. N’acceptons pas de la transpercer. Après nous, ça sera nos enfants, après eux, ça sera leurs enfants.

Entretien réalisé à Bamako par Ibrahima Sory Diallo, envoyé spécial de Guineematin.com

Tél. : (00223) 92 57 77 96

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