Retombées de la COP23 pour la Guinée : « nous avons signé une convention pour reboiser 59 mille hectares » (autorités)

Quelques jours après la fin de la Conférence des Parties (COP 23) en Allemagne, les participants font le bilan et les perspectives de cette rencontre mondiale sur le climat. C’est dans cette dynamique que nous avons eu un entretien avec le  Colonel Layaly Camara, directeur national des eaux et forêts de Guinée. Il a été question notamment des retombées de cette COP 23 pour notre pays et des projets à réaliser par la Direction Nationale des Eaux et Forêts.  

Guineemati.com : que peut-on retenir de votre  participation à  la COP23 (Conférence des Parties) à Bonn, en Allemagne ?

Colonnel Layaly Camara : effectivement, je faisais partie de cette délégation guinéenne qui s’est rendue à Bonn pour participer à la COP23, un événement très intéressant. Là bas, nous avons pu signer une convention avec une société de reboisement, Big-Green-Group, qui  va reboiser 59 mille hectares. Donc, le site est déjà défini. Cette société entend d’ailleurs aller jusqu’à 100 mille hectares de reboisement. Donc, dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, l’occasion était  opportune de prendre des contacts, de mener des actions de reboisement, de restauration de ressources forestières. Aussi, nous ne voudrions pas que la Guinée qui a pris des engagements, comme les autres pays, ne puisse pas les respecter. C’est pourquoi, nous nous sommes engagés à reboiser des grandes superficies, des millions d’hectares d’ici 2030.Cette COP23 était aussi l’occasion de présenter la Guinée, de dire ce que nous représentons dans la sous-région, quelles sont nos ressources forestières en biodiversité et quels sont les atouts que nous avons dans le cadre du reboisement. Donc, nous avons eu beaucoup de contacts  pour cette occasion et nous avons découvert des mécanismes qui nous ont permis de savoir comment élaborer les projets pour soumettre à nos partenaires. Donc, pour ce qui est des résultats, au-delà de la convention signée, nous avons eu des prises de contacts avec des partenaires qui nous ont écouté, auxquels nous avons expliqué  nos réalités environnementales et beaucoup étaient émerveillés parce qu’ils ont compris que si en Guinée ça ne va pas c’est toute la région qui sera affectée.

Guineematin.com : à la sortie de cette COP23 quelles recommandations ont été formulées ?

Colonnel Layaly Camara : certains disent que les résultats n’ont pas été à la hauteur parce que les pays développés ont pris des engagements qu’ils n’ont pas respecté. On nous avait promis beaucoup de milliards lors de la COP 21 de Paris et aujourd’hui la mise en œuvre de cet accord de Paris souffre d’application compte-tenu des problèmes financiers des pays sous-développés. C’est les pays industriels qui produisent et c’est nous qui subissons les conséquences. Donc, je crois que les pays développés doivent revoir leur politique et être plus engagés à réparer les dégâts causés par la production de leurs industries.

Guineematin.com : il y a quelques mois vous bénéficiiez de la confiance du chef de l’Etat qui vous a nommé directeur national des Eaux et Forêts, présentez-nous votre service

Colonnel Layaly Camara : je tiens avant tout à remercier le chef de l’Etat, et madame la ministre de l’Environnement, qui a bien voulu me proposer parmi tant de cadres. En tant que Directeur National des Eaux et Forets (DNEF), j’ai une mission de coordination. La mission des Eaux et Forets, c’est d’abord la conception, l’élaboration et la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de  gestion des ressources forestières, en matière de conservation de la biodiversité, en matière de l’amélioration du cadre de vie à travers la restauration et la préservation des ressources forestières. Vous conviendrez avec moi que la forêt joue non seulement un rôle de production mais aussi un rôle de protection. Elle a aussi une fonction d’hygiène et  une fonction médicale. Notre mission se situe aussi dans l’élaboration des programmes, des projets de développement du secteur forestier. Aussi, nous avons l’obligation d’informer, de sensibiliser la population sur le rôle que joue le massif forestier. Parce que, il faut reconnaitre que notre pays occupe une position stratégique dans la sous-région en matière environnementale. Nous avons beaucoup des grands fleuves qui prennent leur source ici, notamment le Niger qui arrose 9 pays de la sous-région, le fleuve Sénégal et le fleuve Gambie. Donc, notre pays, sur le plan écologique, sur le plan environnemental, joue rôle prépondérant dans le maintien de l’équilibre écologique au niveau sous-régional, pourquoi pas mondial.

Guineematin.com : compte tenu du rôle prépondérant que vous jouez dans la protection de l’environnement, parlez-nous de votre représentativité dans le pays 

Colonnel Layaly Camara : la DNEF est représentée jusque dans les districts, nous avons des cantonnements, des dépôts au niveau préfectoral. Donc, nous sommes représentés jusqu’à la base et nous essayons de les encadrer à la mesure de nos moyens. Parce que tout se joue sur le terrain, donc à la base. Nous sommes là pour coordonner toutes les activités liées à la conservation et la préservation de l’environnement de la ressource forestière dans notre pays.

Guineematin.com : quelles sont les difficultés qui assaillent la DNEF et quels sont les défis à relever ?

Colonnel Layaly Camara : les défis à relever sont énormes, c’est un service qui mérite d’être accompagné parce qu’il faut promouvoir ce que nous appelons dans le jargon la gestion durable de l’environnement. Mais, cela passe d’abord par la connaissance de la ressource. Nous devons faire l’inventaire de ce que nous avons,  car la forêt a des fonctions multiples. C’est pourquoi, tous les aspects doivent être pris en compte. Il y a beaucoup de secteurs qui contribuent à la dégradation de l’environnement, notamment l’agriculture, les mines, l’habitation avec l’occupation anarchique des forêts classées. Donc,  c’est une situation que l’on doit résoudre le plus vite en faisant l’inventaire, surtout on mettant  en place un plan de protection intégrale des ressources qui se trouvent dans les forêts  classées.

Guineematin.com : que pouvez-vous nous dire de la politique nationale de protection de l’environnement ?

Colonnel Layaly Camara : il  y a une politique nationale de protection de l’environnement, mais il y’a aussi une politique nationale forestière qui a été élaborée, qui est passée au parlement et qui est en vigueur. A mon arrivée, nous avons élaboré une dizaine de projets et nous sommes entrain de les vendre aujourd’hui à des partenaires potentiels qui pourraient nous aider à les mettre en œuvre. Car personne n’ignore que la forêt a un rôle primordial dans la vie d’une société, nous pouvons parler de la production du bois et dérivés, la construction des meubles etc. De l’autre coté, la forêt constitue un grand laboratoire où l’on trouve toutes sortes de médicaments. Elle aide au maintien de l’équilibre écologique, à l’épuration de l’air, au maintien des bassins hydrologiques. Au niveau des bassins versants, la forêt évite l’érosion et contribue à l’écoulement normal des eaux. C’est pourquoi dans certains pays, on parle même de paiement des services environnementaux.

Guineematin.com : que faites-vous aujourd’hui  pour la pérennisation de la protection des espèces protégées et des forets classées ?

Colonnel Layaly Camara : Dés mon arrivée, le premier acte que j’ai posé, c’est de faire une correspondance pour demander la situation des forêts classées, car je tiens à la protection intégrale des forets classées. Mais malheureusement, on a constaté que ces domaines là sont souvent envahis en toute illégalité. Donc, une de mes priorités sera la délimitation et voire même la possibilité de prendre un acte au niveau de l’Assemblée Nationale pour la préservation des forets classées. Aujourd’hui, pour le cas des espèces qui sont menacées d’extinction, nous sommes entrain de prendre des mesures draconiennes. Tous ceux qui vont essayer d’abattre ces espèces vont répondre devant la loi.

Guineematin.com : tout cela nécessite des moyens. Quels sont vos partenaires et qu’est-ce qu’ils vous apportent ?

Colonnel Layaly Camara : nous avons effectivement besoin des moyens parce que, pour mettre en œuvre toutes ces actions, il faut des moyens nécessaires de la base jusqu’au sommet. Les chefs de section, les chefs de cantonnement doivent être assistés, il faut qu’ils aient les moyens de déplacement, des motos mais aussi des outils de travail et de communication, pour nous permettre d’avoir les informations tous les jours en temps réel. Aujourd’hui, nous travaillons avec le PNUD, la FAO, la Banque Mondiale. Nous sommes en offensive pour que les partenaires nous accompagnent surtout que notre président est champion dans le cadre de la promotion des énergies renouvelables. Aujourd’hui, la Guinée est entrain de produire beaucoup de barrages et ces barrages doivent être protégés.

Guineematin.com : quel appel avez-vous à lancer à l’endroit de l’ensemble des acteurs pour une réussite de votre mission ?

Colonnel Layaly Camara : je voudrais que les populations, les acteurs de la filière bois, les opérateurs économiques, s’investissent dans le cadre du reboisement. Notre pays est beaucoup dégradé, pas seulement par la coupe du bois, il y’a d’autres facteurs tels que les feux de brousse, la culture sur brûlis, l’extraction minière, etc. Nous devons inverser cette tendance par des actions responsables en entreprenant des grandes activités de reboisement. Il y’a des petits pays comme la Namibie qui font 2 000 à 3 000 hectares de reboisement par an. Nous, nous devons faire plus parce que nous constituons un pays stratégique. Si le reboisement est bien fait, tous les pays qui sont en aval vont sentir et il y’aura l’équilibre écologique.

Interview réalisée par Ibrahima Kalil Diallo

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