Tokyo : la Guinée à l’école de la démocratie japonaise

Remise du Certificat au Représentant de l’Assemblée nationale
Remise du Certificat au Représentant de l’Assemblée nationale
Remise du Certificat au Représentant de l’Assemblée nationale

Libre-opinion : A l’initiative de l’Agence de Coopération Internationale du Japon (JICA), la République de Guinée a pris part  à une formation en anglais intitulée « Legislative and Electoral Administration » du 08 au 25 mai 2016 à Tokyo. L’Assemblée nationale y était représentée par le Directeur de cabinet, Monsieur Jean Edouard SAGNO, bilingue de son état. Notre pays a été le mieux représenté par rapport aux huit (8) autres que sont : le Cambodge (2) et un membre du staff du bureau de la JICA au Cambodge, la Côte-d’Ivoire (2), l’Egypte (1), les Iles Fidji (2), le Ghana (2), le Kirghizstan (1), le Népal (2) et la Thaïlande (1).

Les autres valeureux représentants guinéens étaient respectivement la Commissaire de la CENI, l’ancienne Ministre  de l’Industrie: Madame Ramatoulaye BAH et le Directeur Adjoint de la décentralisation : Monsieur Mohamed Lamine (sikhe) CAMARA.

L’objectif visé par cette formation était de montrer le modèle de démocratie japonais à la vingtaine de participants venant tous de pays sous développés avec des cultures et appréhensions du concept de démocratie toutes différentes les unes des autres.

Pour parler du modèle japonais, qui de mieux placé que le Président de l’Institut des études politiques du Japon, le Professeur Rei SHIRATORI ? Pour lui, au lendemain de la capitulation de son pays en 1945, le modèle existant jusqu’à cette date était celui du :

FU= Richesse ou opulence,

Kyu=Force ou pouvoir

Hei= Force ou puissance militaire

Koku= Nation

Ce modèle de développement de la Nation pouvait donc littéralement se traduire par : Avoir une Nation riche et forte en s ‘appesantissant sur la puissance de son armée et des armes.

Cette armée qui a été défaite par le largage des deux (2) bombes atomiques sur Hiroshima en août et sur Nagasaki en septembre 1945 a conduit l’ancien Ambassadeur du Japon au Royaume Uni devenu Premier Ministre à opter  pour un nouveau modèle basé cette fois sur le : FU, Koku, Hei et dorénavant Jyaku= Faible ou littéralement moins d’investissement dans l’armement.

A partir de ce nouveau modèle par lequel le Premier Ministre invitait tous les japonais à se focaliser sur la reconstruction du pays, et avec l’appui des Etats-Unis qui ont d’ailleurs une très importante base militaire à Fussa (ville située à 60 km de Tokyo), le Japon est devenu ainsi, en moins d’un demi-siècle, la deuxième puissance mondiale après les Etats-Unis (à ne pas confondre avec puissance économique, puisque la Chine, malgré son deuxième rang de puissance économique, le Japon en est troisième, est encore un pays sous développé, c’est à dire que selon les économistes, un pays dont une frange plus importante de la population a moins de 2 dollars par jour, soit plus d’un milliard de personnes).

L’impact de ce nouveau modèle est perceptible sur la mentalité et le comportement du japonais vis-à-vis de son pays. Pour lui, le pays passe avant sa propre famille. Si c’est en Guinée, nous aurions parlé d’ethnie, mais au Japon, il n’y a pas d’ethnie. Ne comptent donc que la Nation et comment préserver ses intérêts supérieurs jusqu’au prix de sa vie (le mot Kamikaze y tire son origine. Les Kamikazes étaient ces soldats de l’armée de l’air qui se faisaient entourer d’explosifs et prenaient un petit avion pour venir se faire exploser sur les gros bâtiments de guerre américains avec tout leur contenu dans le pacifique).

La démocratie au Japon est donc basée sur le modèle de Westminster, celui qui donne une place honorifique à un monarque (Empereur au Japon et Reine en Grande Bretagne, etc.), et l’Exécutif   à un Premier Ministre plutôt qu’à un Président.

Les élections communales organisées dans la ville de Fussa (55 000 âmes), le dimanche 15 mai 2016 ont permis de voir la maturité et la très grande discipline du peuple japonais en matière d’organisation et de suivi du processus électoral. Au terme d’un mandat, une municipalité  organise son élection sans attendre un scrutin national.

Les électeurs qui doivent être âgés d’au moins vingt (20) ans, même si chez nous c’est dix-huit (18) ans, savent tous lire et écrire. Ils disposent de moins de deux (2) minutes pour voter. C’est à dire venir avec la carte d’électeur, prendre un bulletin, très petit et très léger, sans enveloppe sur lequel il/elle part écrire le nom du candidat de son choix pour le glisser ensuite dans l’urne. Pas de liste d’électeur, puisqu’en amont tous les électeurs potentiels sont répertoriés et connus. A noter que si vous n’êtes pas répertoriés au Japon, vous ne pouvez ni travailler ni vous soigner, pire vous ne pouvez avoir de carte SIM.

Après les élections qui démarrent à 07 heures 00 et finissent à 20 heures 00, les urnes scellées devant les représentants des candidats sont transportées par des taxis. Cela paraît impossible chez nous au regard de la malhonnêteté de certains de nos concitoyens. Mais, au Japon, aucune urne ne se perd. Le dépouillement se fait par une machine dans laquelle les bulletins sont chargés. A 21 h 00 du même jour et pas une minute de plus, le dépouillement est fini et les résultats sont proclamés en public. C’est d’une telle transparence que le processus ne souffre d’aucune contestation.

Venons-en à l’Assemblée nationale. Il faut préciser qu’il existe deux (2) chambres, puisqu’il s’agit d’un Parlement bicaméral avec une chambre basse (équivalent de l’Assemblée nationale en Guinée) constituée de 475 membres dont le mandat est de 4 ans et une chambre haute (équivalent du Senat dans certains pays) constituée de 275 membres dont le mandat est de 6 ans et dont la moitié des membres est élue  tous les 3 ans. Pour être candidat à ces élections, il faut avoir au moins 25 ans pour la Chambre des Représentants (chambre basse ou encore Assemblée nationale) et 30 ans pour la Chambre des Conseillers (chambre haute ou Sénat). Si la chambre basse peut être dissoute, la chambre haute ne peut, en revanche, pas l’être.

A l’issue des élections législatives transparentes, le parti ayant obtenu la majorité des sièges désigne son candidat pour le poste de Premier Ministre et un autre pour le poste de Président de l’Assemblée nationale. Actuellement, c’est le cas avec le Liberal Democratic Party dont est issu Monsieur Shinzo ABE, Premier Ministre, député du LDP.

Notons enfin que le développement du Japon est effarant et repose sur le principe simple de la primauté de la Nation. N’est-il pas écrit dans le préambule de la Charte de l’UNESCO : « que les guerres prenant naissance dans l’esprit des gens, c’est dans l’esprit des gens qu’il convient d’édifier des défenses de la paix » ?

Ceci revient à dire que le meilleur développement d’une Nation, c’est avant tout un éveil et surtout une prise de conscience de ses ressortissants (fils et filles) de quelque bord géo-ethnique que ce soit ou sous quelques cieux qu’ils se trouvent. La Constitution du Japon, focalisée sur le renoncement à faire la guerre et à se tourner résolument vers le développement du pays a été rédigée en deux (2) semaines après la guerre par des jeunes intellectuels japonais venus principalement de l’Angleterre et des Etats-Unis.

La démocratie japonaise est certes perfectible, mais elle peut être une référence  pour nous…  Aussi, nous qui savons lire et écrire pourrons-nous dire à l’écrasante majorité des guinéens, en paraphrasant l’ancien Président américain J.F Kennedy : « vous qui, comme nous, êtes Guinéens, ne vous demandez pas ce que la Guinée peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour la Guinée ».

J’ai foi dans ce pays mien et dans son sursaut, car comme le dit le dicton populaire : « A man who moved mountains started by removing stones », traduisez : « L’homme qui a pu déplacer des montagnes a commencé par déplacer des pierres. »  Wongai toun !

Depuis Tokyo,

Sagno-san

 

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