Womey : Une autre version des faits

enterrement des corps à N'zérékoréIl va de soi quand un événement survient dans des circonstances troubles que la relation des faits et les interprétations se multiplient et se contredisent. C’est le cas des événements de Womey, sous-préfecture de N’Zérékoré, où huit cadres de l’administration publique et privée viennent de connaitre une mort tragique à l’occasion d’une mission de sensibilisation contre la fièvre hémorragique à virus Ebola.
Les médias d’Etat comme ceux du privé ont déjà déversé sur le public plusieurs versions des faits. J’ai l’occasion de rencontrer un jeune parent fraîchement arrivé de N’Zérékoré pour ses courses habituelles de petit commerce, j’ai le temps de recueillir dans un entretien à bâtons rompus sa version des faits, version dont il aurait reçu une partie de la bouche de quelques ressortissants de Womey. Suivez cet entretien.

–       Qu’est ce que tu sais des événements de Womey, toi qui résides à N’Zérékoré ?

–       Tout a commencé par un appel des autorités de la ville à l’attention des dix sous- préfectures de N’Zérékoré pour une formation de sensibilisation contre Ebola à laquelle chaque sous-préfecture devait déléguer dix représentants. Le budget de la formation, aux dires des gens, est établi en partie sur le taux de 200.000 fg/j par délégué pour je ne sais combien de jours. Toujours est-il qu’au lancement de la formation les autorités décident de renvoyer sine die tout le monde en promettant d’exécuter elles-mêmes le programme en se rendant de village en village.

–       Tu veux dire que la formation n’a pas eu lieu ?

–       Non elle n’a pas eu lieu et les gens soupçonnent les autorités d’avoir fait main basse sur la somme d’argent reçue à cet effet. Elles se seraient probablement réparti l’argent puis ont décidé de commencer la campagne par Womey.

–       Alors une fois à Womey, comment les choses se sont –elles passées selon ce que tu a appris ?

–       A Womey la délégation conduite par le gouverneur aurait été reçue et installée par les sages du village. En réponse à l’allocution du gouverneur traduite par un autre membre de la délégation, le porte-parole des jeunes aurait dit que le village ne connait pas Ebola et ne voulait pas en entendre parler. Ces propos auraient choqué la délégation qui a cherché à convaincre, en vain. L’atmosphère s’échauffant, certains jeunes se seraient rendus à la sortie du village pour ériger un barrage, ce que voyant le chauffeur du gouverneur a fait signe à son patron et au maire d’embarquer puis il a démarré en trombe ; un des gardes-du-corps a tiré dans le tas des jeunes qui tentaient de barrer le chemin, un jeune est tombé mort.

–       Ce coup de feu et ce mort ont certainement jeté de l’huile sur le feu ?

–       Bien sûr que oui. Les jeunes se seraient enflammés en disant que ces gens n’étaient pas venus pour les sensibiliser mais pour les tuer. Ils auraient donc décidé de massacrer le reste de la délégation en représailles pour la mort d’un des leurs.

–       Le drame a donc eu lieu et il est condamné par tout le pays.

–       Oui tous ceux qui ont tué ont eu tort de le faire, rien ne justifie une telle barbarie. Mais la mission aurait dû ne pas insister et mieux c’est des fils et filles du village qui auraient dû se charger de la sensibilisation. Il est aujourd’hui difficile en Guinée forestière de renverser les rumeurs selon lesquelles Ebola n’existe pas ou que c’est la pulvérisation faite par le corps médical qui répand Ebola.

–       Il existe malheureusement de nombreux antécédents à ce genre de drames qui ont eu lieu dans cette région et dans le reste du pays et qui sont restés impunis. Tout le monde reconnait que l’impunité est un facteur aggravant de la criminalité.

–       Est-ce à dire que les crimes de Womey, comme ceux du passé, seront purement et simplement classés sans suite ?

–       Je crois pour ma part que cette fois-ci le gouvernement va faire quelque chose, il est même acculé à le faire suite à la menace proférée par les ressortissants de la Basse Guinée qui donnent deux semaines ( à compter du 21 septembre 2014 ) aux autorités pour démasquer et juger les criminels du meurtre du président de la section motards de L’UFDG et ceux de l’affaire de Womey où ont péri trois de leurs fils . Il faut signaler que la coordination Al Pular soutient activement son homologue de la Basse Côte. Le climat politique et social est plus que jamais délétère dans le pays.

                             In the Démocrate

 

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