La parole à la diaspora :  » les autorités doivent faciliter le retour et l’insertion professionnelle des jeunes », dit Barry Thierno

Barry Thierno, est actuellement doctorant en Sciences à l’Université Libre de Bruxelles (ULB)Barry Thierno, est actuellement doctorant en Sciences à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), après y avoir obtenu un Master en Sciences et Gestion du Tourisme. Membre fondateur et actuel président du Cercle des Etudiants Guinéens de Belgique. Nous l’avons interviewé pour connaitre d’une part l’objectif de leur association et, d’autre part, des difficultés auxquelles sont confrontés nos compatriotes qui séjournent actuellement au royaume de Belgique  pour des raisons d’études. 

Bonjour Monsieur Barry, quel est  l’objectif de votre association et depuis quand elle a été créée ?

Notre association est un Cercle d’étudiants  qui tente de regrouper tous les étudiants guinéens en séjour en Belgique afin de mutualiser leurs forces. De ce fait, nous sommes une association autogérée, transversale,  sans distinction d’ethnie, d’orientation politique ou d’appartenance religieuse ou régionale. Elle a été créée en Septembre 2011, à l’initiative de 3 jeunes étudiants guinéens dont je fais partie. En fait, nous nous sommes partis  du constat qu’il n’existait aucune structure  destinée à accompagner matériellement ou moralement les étudiants Guinéens en Belgique et que ce vide posait énormément de soucis aux primo arrivants qui se retrouvaient un peu perdus face à un climat académique, économique social et environnemental totalement différent de celui de leur  pays d’études (la Guinée ou ailleurs)

Vous voulez dire qu’il y aurait un décalage entre le niveau académique de notre pays et celui de la Belgique ?

Non ! Absolument pas. Même si décalage il y a, il n’est pas énorme. Le décalage se trouve plutôt au niveau économique et environnemental. En fait, pour le niveau académique de nos compatriotes, je pense que  les étudiants qui avaient vraiment poursuivi avec sérieux leurs études en Guinée, s’en sortent mieux par là, à condition  qu’ils s’y accrochent mieux. C’est ce qui n’est pas évident chez tout le monde ;  car, en fait, il y a les problèmes des laboratoires modernes de chez nous, des bibliothèques équipées et abonnées à des revues scientifiques. Donc, une fois par là en Belgique, vous voyez donc que l’étudiant guinéen  doit s’adapter à un dispositif qui lui est totalement nouveau.

interview Thierno Barry, étudiant guinéen Alors quelles sont les difficultés auxquelles vos membres sont confrontés ?

Nos difficultés sont de trois (3) ordres : économique, académique et social.

Au niveau économique, nos membres sont confrontés à un niveau de vie très élevé par rapport à celui de notre pays. Vous savez, une bonne partie de nos membres sont pris en charge financièrement par leurs parents qui se trouvent en Guinée et cela leur pose un manque à gagner par rapport au taux de convertibilité de notre monnaie nationale par rapport à l’euro. C’est d’autant plus vrai qu’une année académique coûte en moyenne  dix mille (10 000) euros, frais de subsistance y compris. Et, vous comprendrez que cette somme n’est pas  à la portée de tout le monde.  Mais, d’autres compatriotes arrivent quand même à s’en sortir, en cumulant des petits jobs étudiants avec les études. Or, cumuler études et job n’est pas toujours évident.

Quand au niveau académique, c’est le problème dont je viens de vous signaler ci-haut, c’est-à-dire le décalage qu’il y a entre le niveau d’équipements des universités belges et celles de notre pays qui pourrait faire résulter à son tour un vide entre les niveaux académiques des 2 pays. Un autre problème est linguistique à cause de l’anglicisation à outrance des matières techniques et managériales enseignées dans les différentes universités belges car le niveau d’anglais enseigné chez nous reste très bas par rapport à celui de la Belgique.

Enfin,  le dernier problème est à la fois social et culturel, nous avons des soucis d’adaptation de nos compatriotes à la vie de tous les jours de leur pays d’accueil (Belgique). Notre principal rôle sur ce point est de faciliter l’intégration de nos compatriotes au sein des universités et des sociétés qu’ils côtoient sans qu’ils ne soient déracinés de leur culture d’origine.

Justement sur ce point, avez-vous le soutien des autorités guinéennes, particulièrement notre Ambassade à Bruxelles ?

Depuis un certain temps, nous entretenons de très bons rapports avec la mission diplomatique guinéenne à Bruxelles. L’Ambassadeur, Dr. Ousmane Sylla, qui a aussi été comme vous le savez recteur de l’Université de Gamal Abdel Nasser de Conakry est d’une disponibilité extraordinaire face à nos problèmes et activités. À titre d’illustration, durant l’année académique écoulée (2013-2014), nous avons fait le constat que de tous nos soutiens,  l’Ambassade a été notre principal bailleur de fonds pour l’organisation de nos activités.

Vous êtes président de votre Cercle, il y a de cela plus d’un an, quel bilan tirez vous de votre mandat ?

En prenant la présidence du Cercle au mois d’août 2013, nous étions presqu’en déficit sur tous les plans. Nous n’avions pas suffisamment de membres qui constituent pourtant le premier capital d’une association, Nous étions aussi endettés sur le plan budgétaire. C’est pour cela, durant les 3 premiers mois qui ont suivi mon élection, j’ai consacré mon temps à la mise en place des véritables reformes qui ont permis de rétablir les deux situations. Aujourd’hui, grâce au soutien de tous les membres de l’association, je peux m’enorgueillir de la dynamique aujourd’hui de cette association connue et reconnue non seulement au niveau de la communauté guinéenne mais aussi des autres entités belges (Universités, ONG).

C’est pour cela, conscient que j’ai jeté les bases d’une association durable, je vais bientôt passer la main aux plus jeunes afin d’apporter plus de « sang neuf » aux objectifs du Cercle.

Votre Cercle a-t-il des visées politiques à long terme ?

C’est-à-dire ?

Soutenir des partis politiques ou les gouvernements ?

Non ! Absolument pas.  Notre Cercle est absolument apolitique et laïque. Il est régit par l’esprit du Libre Examen qui est l’élément fondateur de notre Université, c’est-à-dire l’ULB qui est d’ailleurs notre première autorité. Ce qui fait que pour nous, soutenir un mouvement politique ce serait aller à contre sens de nos textes fondateurs, donc synonyme de dissolution.

Cependant, nous n’interdisons pas  à nos membres d’avoir des convictions politiques ou religieuses ou de soutenir un parti, un gouvernement ou un leader politique, mais nous les empêchons d’afficher leurs couleurs politiques au sein de nos assemblées générales ou dans l’exercice de leurs fonctions au sein de notre association.

Notre pays est confronté actuellement au virus Ebola, qu’a fait votre association pour soutenir les actions sur le terrain?

Merci pour cette question.  Nous avons fait comme chez vous à Télimélé (rire).

Concrètement, depuis l’apparition de ce virus au début de l’année 2014, nous avons organisé deux activités majeures pour soutenir les efforts sur le terrain. La première, c’était au mois d’Avril, notre Cercle a collaboré avec notre compatriote Béa Diallo pour organiser une journée contre Ebola qui nous a permis de récolter du matériel médical à destination de notre pays. La 2ème vient à peine de passer, c’était du 13 au 17 Octobre dernier  dénommée semaine contre Ebola ou  « Student Against Ebola, Challenge Week ». Pendant cette semaine, nous avons récolté plus de  1 400 Euros au profit  des MSF pour soutenir leurs actions contre Ebola dans les 3 pays touchés (Guinée, Libéria et Sierra Leone).

Et vous, concernant votre activité de doctorant-chercheur, quelle est la thématique de votre recherche ?

Personnellement, je m’intéresse  au secteur touristique et aux stratégies de réduction de la pauvreté. Le labo auquel je suis rattaché est interdisciplinaire, c’est-à-dire que vous trouverez des spécialistes de diverses matières, allant des sciences humaines aux sciences appliquées, en passant par les sciences économiques et politiques. Ma zone de spécialisation est l’Afrique de l’Ouest avec un accent particulier sur la Guinée. Dans ma thèse de doctorat, je cherche à comprendre la dynamique qui est donnée au secteur des services, notamment touristiques, dans les stratégies et programmes de développement économique et de réduction de la pauvreté dans les régions administratives de Mamou et de Boké.

Avez-vous un dernier mot ?

Je voudrais lancer une doléance à l’endroit du gouvernement et de toutes les personnes de bonne volonté afin qu’ils soutiennent davantage la formation des jeunes guinéens partout où ils se trouveront. Sans une éducation de qualité, aucun développement économique d’une nation n’est possible. Je voudrais également demander que les autorités de nos pays essayent de faciliter le retour et l’insertion professionnelle des jeunes qui ont investi des millions de francs pour se former à l’étranger, car je suis convaincu qu’ils peuvent apporter une contribution précieuse dans la construction d’une Guinée prospère.

Entretien réalisé par Nouhou Baldé pour Guineematin.com

Facebook Comments Box