Lansana Conté inspire-t-il Alpha Condé ? Les habitants de Kaporo Rails encore menacés d’expropriation !

Lansana Conté et Alpha CondéComme on le sait, en 1998 (exactement, les 2 et 3 février), le gouvernement de l’époque avait démoli plusieurs dizaines d’habitations à Kaporo Rails.

Dénoncée par l’opposition de l’époque (y compris le RPG, le parti actuellement au pouvoir), le refus de cette démolition (pilotée par le ministre de l’Habitat de l’époque, Alpha Ousmane Diallo) avait entraîné l’interpellation et l’emprisonnement du charismatique leader de l’opposition de l’époque, feu Bâ Mamadou, du député-maire de Ratoma, Mamadou Bhoye Barry et du chef du quartier de Kaporo Rails, Thierno Ousmane Diallo, actuellement ministre de l’Élevage, à l’époque surnommé « le rebelle de Kaporo Rails »…

Plus de seize (16) ans après ces douloureux évènements, au lieu de réfléchir à comment dédommagement les victimes de Kaporo Rails, avec le changement de régime, ce sont les concessions qui ont survécu à la furie de l’époque qui sont attaquées. Trente trois (33) concessions sont ciblées et marquées au rouge, les citoyens sommés de quitter immédiatement les lieux « pour cause d’utilité publique » ; alors que la plus part des terrains rasés par la dictature du régime Lansana Conté sont toujours inexploités. Surpris et peinés, les habitants concernés ont formé un collectif et ont adressé un courrier au ministre de la Ville et de l’Aménagement du territoire.

Guineematin.com vous propose, ci-dessous, l’intégralité de cette lettre :

Du Collectif de trente trois Citoyens dont les

Concessions ont été marquées d’une croix rouge

à Kaporo Rails dans la Commune de Ratoma.

Au

Ministre de la Ville et de l’Aménagement du Territoire

Copies : au Premier Ministre, à l’Assemblée Nationale, aux ministres des droits de l’Homme, de la Justice, de la défense, de l’administration duTerritoire, les ambassadeurs de France, des Etats-Unis, de l’Allemagne, du Royaume Uni, de la Suisse, le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme, au Gouverneur de la ville de Conakry, aux Coordinations régionales.

Monsieur le Ministre,

Nous vous écrivons suite aux passages répétés des civils et des journalistes dans la Commune de Ratoma, plus précisément au quartier Kaporo Rails.

Ce qui nous surprend, c’est qu’après le passage des civils et des journalistes qui disaient chercher où construire un centre de traitement pour Ebola pour une première fois, un siège pour l’Assemblée Nationale pour la deuxième fois, nous avons vu venir un groupe de gendarmes armés jusqu’aux dents accompagnant un Monsieur muni d’une boite de peinture à huile de couleur rouge et un pinceau, qui s’est toute suite mis à la tâche en mettant une croix rouge sur trente trois concessions appartenant à trente trois propriétaires différents, (Voir la liste ici ).

 

  • Cet acte a provoqué une onde de chocs dans tout le quartier et comme une traînée de poudre la nouvelle s’est propagée dans toute la commune de Ratoma.

Nos enfants et nos épouses ont voulu toute suite réagir, parce qu’ils se souviennent des malheureux événements qui ont conduit à la démolition de ce quartier le 02 et le 03 Février 1998.

Le gouvernement de l’époque avait soutenu que la zone déguerpie était destinée pour abriter le quartier administratif et les ambassades.

  • La destruction de ce quartier ordonné par le Ministre de l’Urbanisme de l’époque, avait occasionné la démolition des milliers de bâtiments dont des villas et des immeubles de haut standing, des mosquées, des écoles, des clôtures, des soubassements, des véhicules, des engins lourds…

Il y a lieu de préciser que plusieurs bâtiments avaient été rasés avec leurs contenus, des biens meubles et autres objets de valeurs des paisibles citoyens innocents écrasés par les bulldozers.

  • Au total plus de cent vingt mille (120.000) personnes avaient été mis dehors dont des enfants extraient des leurs chambres brutalisés par les forces de sécurité surexcitées qui jetaient des grenades lacrymogènes dans les maisons et qui récupéraient des objets devant leurs propriétaires qui fondaient en larmes.

Cette destruction avait provoqué de morts, des blessés et l’arrestation du charismatique leader de l’opposition de l’époque le feu Doyen BAH Mamadou, du député maire de Ratoma Mamadou Bhoye BARRY, du chef de quartier de Kaporo Rails Thierno Ousmane DIALLO qui est l’actuel Ministre de l’élevage et de l’Imam du quartier.

Tout ce qui devait être détruit a été détruit, les bulldozers et les militaires n’ont quitté les lieux qu’après avoir terminé le travail.

  • De toutes ces victimes de ce déguerpissement, personne n’a été ni recasée ni indemnisée jusqu’à nos jours.

Ce qui n’a pas été détruit à l’époque ne fait donc pas partie de ce qui a été appelé zone réservée.

  • Aussi, depuis 1998 hormis le commissariat de police, la Radio Télévision Nationale, l’ARPT, l’ambassade des Etats-Unis, la résidence Kakimbo en chantier et un centre commercial qui, il faut le préciser est construit sur l’espace qui était prévu pour le siège de l’Assemblée Nationale, et plus rien point de bloc administratif, point de quartier des ambassades.
  • La zone est entrain d’être morcelée et vendue à des privilégiés proches du pouvoir en place. On déshabit Paul et on habit Pierre.
  • Cette zone déguerpie depuis 16 ans, sert de nids aux délinquants de tout acabit, de garages mécaniques, d’ateliers de soudure, des maquis des débits de boisson et des lieux de Prostitution.
  • Comme si tous ces espaces vides, des hectares et des hectares ne suffisent pas pour abriter un centre de traitement pour Ebola et un siège pour l’Assemblée Nationale, ceux qui veulent réveiller les morts poussent les pions jusqu’à la zone habitée en indexant nos concessions pour les démolir et nous dire enfin qu’ils vont nous dédommager, que c’est pour un besoin d’utilité publique alors que c’est tout sauf ça.
  • Ces agissements sont de nature à créer des troubles aux conséquences incalculables. Il nous a fallu nous pères de famille usé de toute une diplomatie pour calmer la Population de Ratoma qui voulait répondre de manière cinglante à cette ultime Provocation.
  • Nous savons que nous sommes traités de tous les noms d’oiseaux : habitants de ghettos, axe du mal, tout cela parce qu’on refuse l’injustice et l’exclusion qu’on nous impose.
  • Nos enfants sont tués, nos filles et nos femmes violées, nos biens pillés, incendiés et comme si tout cela ne suffisait pas, on veut nous chasser de nos concessions acquises à la sueur de notre front, parce que c’est Nous.
  • C’est comme ça qu’on nous a chassé à Siguiri et Kouroussa, nos biens pillés, incendiés et c’est dans cette calomnie d’empoisonnement imaginaire qu’El hadj Ibrahima a été tué à Siguiri et une des nos sœurs nourrisse de deux mois violée par un groupe de donzos, un des nos frères qui a vu une partie de ses doigts de la main partir suite à un coup de feu d’un fusil de calibre12.
  • C’est comme ça que nos quatre mille 4000 têtes de bétails ont été tuées et calcinées à Lola et Beyla en 2011, plus de deux mille 2000 têtes fusillées et les pâturages incendiés à Kassadou dans Gueckédou et Bolodou dans Macenta en 2014.
  • C’est comme ça que Mamadou Rachid Diallo a été fusillé à Kassadou alors qu’il tentait de sauver le reste de son troupeau en fuyant avec vers la Sierra- Léone. Il vit aujourd’hui avec six plombs dans son corps.
  • C’est comme ça que nos boutiques, magasins, parcs automobiles, pharmacies, domiciles ont été pillés et incendiés par des loubards en complicité parfois avec des hommes en uniformes à Madina et le long de l’axe Hamdallaye-Wanindara-Sonfonia dans la commune de Ratoma.
  • C’est comme ça que soixante citoyens dont des enfants de 13,14,15,17,19 et 25 ans ont été arrachés à notre affection à la fleur de l’âge froidement abattus par des hommes en uniformes lors des marches pacifiques à Hamdallaye, Bambéto, Koloma, Cosa, Enco5, Wanindara.
  • C’est comme ça et c’est toujours comme ça, mais cette fois-ci, nous estimons que trop c’est trop!!
  • Ceux qui nous répriment sont sur le point de franchir le seuil de l’acceptable, la ligne rouge qu’on ne permettra à Personne de franchir quelque soit sa force ou sa puissance.
  • On nous tue mais on ne nous déshonore pas.
  • Il n’y aura pas de Kaporo Rails2. Ce qui s’est passé le 02 et le 03 Février 1998 est passé mais ça ne se répétera plus.
  • Monsieur le Ministre, nous attirons votre attention sur cet état de fait, afin qu’on sache les tenants et les aboutissants des agissements de ces individus mandatés par on ne sait qui ?
  • Nous exigeons aussi au Haut Commandement de la Gendarmerie d’ordonner aux responsables de l’escadron de Kaporo Rails de libérer immédiatement les bâtiments des paisibles citoyens qu’ils occupent et qu’ils font louer à des particuliers depuis 16 ans.
  • En tout état de cause, nous voulons la paix et la quiétude sociale pour l’ensemble du pays et pour la commune de Ratoma dans la quelle nous vivons avec nos familles.

Au moment où le monde entier est préoccupé par l’épidémie à virus Ebola qui fait des ravages dans notre pays, nous, on pensait que toutes nos forces et toutes nos énergies devraient être consacrées et concentrées à la lutte contre ce fléau, c’est ce moment précis que choisissent  certains pour engager des actions qui vont créer le désordre dans le pays.

Nous prenons à témoin l’opinion nationale et internationale, les ambassadeurs de France, des Etats-Unis d’Amérique, les organisations de défense des droits de l’Homme, la CEDEAO, l’Union Africaine, l’Union Européenne, les Nations-Unies sur les différentes exactions que nous avons subi et que nous continuons de subir de la part de l’actuel régime et s’il s’obstine à aller au bout de sa logique d’exclusion et d’expulsion des habitants de ce quartier, qu’il sache alors qu’il prendra toutes les conséquences fâcheuses qui en découleront.

Vous en souhaitant bonne réception, Monsieur le Ministre, vous voudrez bien nous aider à clarifier cette situation en mettant fin aux agissements de ces individus qui veulent créer le chaos dans la Commune de Ratoma surtout dans ce quartier martyrs de Kaporo Rails.

Conakry le 14 Novembre 2014

Le Collectif

Elhadj Lamaine Diallo

620 95 58 44

Vous pouvez cliquer sur le lien suivant pour voir in extenso la lettre des habitants de Kaporo Rails au ministre de la Ville et de l’Aménagement du territoire : Kaporo Rails écrit au ministre de la Ville et de l’Aménagement du territoire

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