La mort annoncée d’un journaliste à Conakry : Pourquoi soutenir Robbie ?

Robbie Sarah, journalisteIl s’appelle Robbie Sarah et est très connu des auditeurs des Grandes Gueules de la radio privée Espace fm, l’émission actuellement la plus écoutée en Guinée. Son absence du pays- donc de l’émission- avait été durement ressentie par ceux qui se réclament aujourd’hui Robbistes par des SMS qui sont lus au studio par le PDG du groupe Hadafo Médias, l’employeur et animateur de l’émission, Lamine Guirassy.

Comme à ses habitudes, Robbie Sarah aime user et jouir suffisamment de sa liberté d’expression. Il dit et décrit sur un ton qui lui est propre la gabegie et les différents détournements des deniers publics par les gouvernants actuels de la Guinée. Et, on veut lui faire payer son audace. Des menaces de mort fusent et se précisent.

« encore tu viens de prouver que tu es chien de la rue, si un policier dit  à une  vendeuse de banane   quitter quitter  dans un endroit violent que tout le monde connait ,est que cè un crime sa?,tous les jours tu montres ta position et ta faiblesse intellectuelle vis à vis des guinénns; en plus ce ki cè passé à paris à charli hebdo, tu merites d ‘être comme sa je jur, mè dja nous avons un groupe en place ki va finir avec toi je jur, un petit d rien p se foutre des guinénns contninu comme sa pour toi la liberté d’expression signifi de pagailler devant la masse, ouffffffff », a-t-on écrit au téléphone de notre confrère. NB : SMS repris ci-dessus sans aucune altération (correction)

Le manque de solidarité de la presse guinéenne

Peut-on lister toutes les atteintes, tentatives d’intimidation et menaces de mort dont les journalistes guinéens ont été l’objet ces derniers temps sans que cela n’émeuve grand monde ?

En juillet 2011, c’est le siège de l’hebdomadaire Le Defi qui avait été attaqué, la nuit du 20 au 21. Quelques mois plus tard, les enfants du fondateur et directeur de publication du Journal, Elhadj Thierno Mamadou Bah, ont failli être enlevés. Puis, sa maison a été visitée par des inconnus qui ont injurié les vigils qui assuraient sa sécurité et promis la mort à leur employeur qu’on a dit absent du domicile ce jour.

Personnellement, le rédacteur de ces lignes a été menacé par des numéros déposés à la police judiciaire après une plainte au TPI de Dixinn. Même en « accompagnant » la plainte elle est, depuis 2013, toujours sans suite ! Alors que un des numéros répondait aux appels et avait persisté à nous écrire après la plainte, en disant qu’on n’échappera pas, même si on faisait sécuriser par la CIA…

Mandian Sidibé a enregistré deux fois des balles « perdues » qui visaient son bureau personnel et le studio, avant de paniquer un dimanche après-midi et d’appeler au secours lorsqu’on lui annonça au téléphone que l’homme qu’il venait de voir avait posté des tireurs en moto… On connaît la suite !

Moussa Tatkourou Diawara a été pourchassé de Kankan et goûté à l’exil pour avoir révélé l’impopularité du chef de l’Etat qui avait été hué à Nabaya en 2013.

Amadou Diouldé Diallo (RTG) a été destitué de son poste, puis rayé de la fonction publique pour avoir osé dire que le défunt président Lansana Conté avait initié les travaux de réfection du palais des Nations, récemment rebaptisé palais Mohamed V, par Alpha Condé qui prétendait faire ce travail initié par Conté.

On refuse de renouveler l’accréditation de RFI à Mouctar Bah, parce que soupçonné de ne pas parler la couleur jaune du président Alpha Condé.

On menace de tuer Ibrahima Sory Traoré de Guinee7.com pour avoir repris un article de l’hebdomadaire L’Indépendant qui s’interrogeait sur l’authenticité du prix « remporté » par KPC de Guicopress.

Le journaliste sportif, Séga Diallo était en prison quand des journalistes guinéens publiaient un communiqué de manifestation de soutien à Charlie Hebdo…

Une autre victime de sa liberté d’expression en Guinée ? Abdourahmane Bakoyoko continue de subir la prison, après avoir épuisé les deux mois de condamnation du tribunal de Labé. On ne parle surtout pas de son véhicule 4×4 réduit en carcasse ! Après cette « attaque contre la liberté » ce 6 novembre 2014 au sortir de la radio GPP FM Fouta à Labé, les moins durs des commentaires disaient : « Il a eu de la chance de repartir vivant »…

Enfin, ce qui est surprenant, c’est que beaucoup de ces journalistes qui ont manifesté hier leur soutien à la liberté en France ne le font pas en Guinée. En tout cas, jusqu’à ce jour, ces journalistes qui ne peuvent être menacés, puisque prêchant toujours la bonne parole des maîtres actuels, en attendant les nouveaux, ont toujours refusé de soutenir nos conférences de presse, déclarations et autres démarches de soutien aux journalistes guinéens quand ils sont victimes de menaces ou quand ils sont forcés de vivre en exil comme Mandian Sidibé, perdre le boulot comme Amadou Diouldé Diallo ou menacé de le perdre comme Mouctar Bah.

La nécessité absolue de soutenir Robbie dans cette nouvelle épreuve

Aujourd’hui que beaucoup de nos compatriotes se proclament soldats de la liberté, notamment d’expression, c’est le moment d’enchainer et ne plus accepter que nos libertés soient bafouées en Guinée.

En soutenant et défendant Robbie contre ceux qui lui veulent la mort, on fait plus que la marche républicaine de Paris et régions. Car, en même temps, on préserve une vie (parce que la vie de Robbie est sérieusement menacée aujourd’hui) et également nous faisons la promotion de l’exercice de la liberté d’expression non seulement pour notre confrère, mais pour nous-mêmes et nos enfants…

Bref, on n’est pas obligé d’être Charlie Hebdo ou terroriste ! On doit savoir défendre les principes qui doivent nous obliger de prendre position chaque fois que ces principes auront été violés… Que cela viennent de Cellou Dalein Diallo, de ses proches ou de ses militants ; de Alpha Condé, de ses proches ou de ses militants ; de Makanéra Kaké ou de ses Mbôréé ; de KPC et de ses collaborateurs ou n’importe quel autre prédateur de la liberté de la presse…

Nouhou Baldé

 

 

 

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