Les guinéennes au ministre de la Justice : « Soyez du côté du peuple et rentrez dans l’histoire »

Mme Sow Moussa Yéro Bah, journaliste et président de l'ONG, Femmes Développement Et Droits Humains en Guinée,Comme annoncé précédemment, l’ONG « Femmes, Développement et Droits Humains en Guinée » a organisé une marche, ce samedi 14 février 2015, pour protester contre l’insécurité avec le slogan : « Une mort de plus, une mort de trop, plus jamais ça ». Partis de la place des martyrs, les manifestants sont allés au ministère de la justice où ils ont remis une lettre demandant à Dame Thémis de rendre justice dans ce pays.

Mais, il est important que le ministre a préféré se faire représenter. Cela donne-t-il déjà une idée de sa « détermination » à faire face à l’injustice qui gangrène la société guinéenne ?

Guineematin.com, fortement représenté à cette marche, vous propose, ci-dessous, le discours intégral de la présidente de l’ONG organisatrice de cette manifestation, Mme Sow Moussa Yéro Bah :

Allocution de la présidente Femmes développement et droits Humains en Guinée (F2DHG)

                                                                                          Conakry, le 14  février 2015

Monsieur le Ministre de la Justice Garde des Sceaux,

Messieurs et Dames représentants la Société Civile,

Messieurs et Dames représentants les organismes de défenses de défense des droits de l’Homme,

Messieurs et Dames représentants les Centrales Syndicales,

Chers confrères et consœurs des médias,

Chers participants,

Je voudrais tout d’abord, au nom de notre ONG « Femme, Développement et Droits Humains en Guinée » F2DHG, vous dire toute la reconnaissance d’avoir donné un sens à cette marche qui n’est ni un défi, ni un affront aux autorités de ce pays. Cette mobilisation constitue un cri de cœur, un sursaut visant à éveiller les consciences sur les nombreux crimes perpétrés dans notre chère Guinée et l’impunité qui s’en suit.

Monsieur le Ministre, beaucoup de guinéens sont meurtris aujourd’hui dans leur âme et leur chair parce qu’ils n’ont jamais fait le deuil  de l’être perdu. Pour cause, la non élucidation de ces nombreux assassinats perpétrés contre ces paisibles citoyens. Faudrait-il vivre dans l’anonymat dans sa propre nation au risque de se faire cribler de balles telle que toutes ces personnes que je ne saurai citer ici, tellement  la liste est longue ?

Monsieur le Ministre, je pense à ces nombreux guinéens victimes d’exaction, de pression morale de la part d’autre guinéens plus riches, plus rusés ou ayant la chance d’être dans les bonnes grâces des autorités en place.

Je pense à toute ces femmes et jeunes filles victimes de harcèlements sexuels, de viols, de stigmatisation parce qu’elles sont femmes. Je pense à la petite fille de huit ans récemment violée à Dubréka et qui a rendu l’âme du côté de Fria. Lumière sera-t-elle jamais faite sur cet acte ignoble ?

Monsieur le Ministre, le peuple de Guinée a soif de justice. Le peuple se sent abandonné à son triste sort et n’a plus foi en sa justice parce que l’insécurité gangrène son quotidien.

Monsieur le Ministre, le peuple de Guinée vous interpelle et vous demande de redoubler d’ardeur car le chemin à parcourir est long et très long. Il est vrai qu’en parlant d’insécurité et d’impunité, nous le savons bien, vous n’êtes pas le seul maillon de la chaîne, mais vous en êtes un maillon important, sinon le plus important. Un crime non élucidé encourage les auteurs à en commettre d’autres encore et encore. La mise en place du conseil supérieure de la magistrature qui était inexistant depuis des années et la signature du statut particulier des magistrats, entre autres, prouvent à suffisance que vous pouvez entreprendre des réformes. Soyez du côté du peuple et rentrez dans l’histoire. Nous vous le recommandons vivement. Le peuple a besoin de vous. La grandeur d’une nation se mesure par la grandeur d’âme de ses hommes en robe. Vous êtes l’un des piliers de la démocratie,  le pouvoir judiciaire. Le peuple a besoin de vous, Monsieur le Ministre.

Je ne saurai terminer mon propos, sans avoir une pensée pour toutes ces personnes tuées quelque part dans l’anonymat sans qu’aucune enquête ne s’en suive.

Une pensée pour toutes ces personnes mortes en prison sans vraiment savoir pourquoi.

Une pensée pour toutes ces personnes tuées lors des manifestations politiques.

Une pensée à Madame Aïssatou Boiro qui voulait se battre contre la corruption au trésor public.

Une pensé à Paul Temple Colle, parti à la fleure de l’âge, à Mohamed Gussein qui n’a certainement jamais compris ce qui lui est arrivé, au commissaire Bangoura, à Isak de l’UNICEF, à Thierno Aliou Diaouné, ancien ministre, coordonnateur du fonds de consolidation de la paix du système des nations Unis en Guinée, arraché à l’affection des siens de façon brutale et atroce. Et, à tous les autres, toutes les autres victimes du côté de la forêt  et partout en Guinée.

Vivement les états généraux de la sécurité.

Vivement la protection des citoyens et leurs biens.

Vivement une justice proactive, équitable pour tous car nul n’est au dessus de la loi.

Une mort de plus, une mort de trop, plus jamais ça en Guinée.

Je vous remercie

Mme Moussa Yéro Bah, présidente de l’ONG « Femmes, Développement et Droits Humains en Guinée »

 

 

 

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