Guinée : Plus de 80% des cliniques privées pas aux normes (président Ordre des médecins)

Pr. Ibrahima Baldé contre EbolaLu pour vous sur Ouestafnews : Le professeur Ibrahima Baldé, président de l’Ordre national des médecins de Guinée, préconise la fermeture systématique des cliniques privées, « plus de 80 % » de ces structures qui prolifèrent n’étant pas aux normes, une situation qui contribue à la défaillance du système sanitaire guinéen.
« Il faut fermer systématiquement les cliniques qui n’ont pas d’agrément et subventionner les cliniques normales qui ont prouvé leur utilité dans ce pays. «Normalement, ces cliniques efficaces auraient pu, au moins, être dispensées du paiement de factures d’eau et d’électricité », a-t-il dit dans un entretien à Ouestafnews.

« Actuellement, plus de 80 % des structures qui se disent cliniques ou cabinets médicaux privés sont dans l’illégalité, car ne disposant pas d’agréments officiels. Le fait que les gens exercent la médecine n’importe comment, témoigne des réelles difficultés auxquelles nous sommes confrontées», assure le professeur Baldé.

«En dénonçant cette situation, l’Etat peut selon lui faire comme il l’avait fait, il y a une dizaine d’années, en fermant systématiquement par la force, tous les cabinets sauvages qui n’ont pas d’agrément».
« Si on nettoie de la sorte (encore une fois), on sauve la vie des malades», a soutenu le président de l’Ordre des médecins de Guinée, selon qui quelque 167 médecins sont «régulièrement inscrits au sein du Conseil de l’ordre » de Guinée, un total «insignifiant» par rapport au nombre de médecins en activité, mais «c’est quand-même quelque chose».

«Si chacun fait ce qu’il veut, si n’importe qui ouvre un cabinet là où il veut, sans se mettre en rapport avec l’Ordre des médecins, sans avoir l’agrément du ministère de la Santé, cela vous donne une idée de l’état dans lequel se trouve le secteur de la santé en Guinée », a-t-il souligné.

« Quand ceux ne doivent pas ouvrir des cabinets privés en ouvrent à leur guise, ils font ce qu’ils veulent. Dès lors, la catastrophe est incontournable. Pour ce qui est du secteur public, c’est le laisser-aller total. Non seulement, le personnel de santé vit dans des conditions matérielles inacceptables, mais aussi les structures et les équipements sont tellement dérisoires que les malades se tournent davantage vers les structures privées », a indiqué M. Baldé.

Toujours est-il que la formation des médecins guinéens « est impeccable » et ne peut être en cause, puisque de « même niveau » que celle reçue par leurs collègues des pays limitrophes, a assuré le professeur Baldé.

De plus, les médecins guinéens « ne sont pas du des gens corrompus. Il s’agit tout simplement de gens qui n’ont pas de quoi vivre, de quoi aller à leurs lieux de travail», assure M. Baldé.

« Vous ne pouvez demander à ces gens-là de faire preuve de générosité extrême. Les médecins guinéens font ce qu’ils peuvent. Mais le fait que qu’on alloue seulement 2,5% du budget de l’Etat à la Santé est inadmissible », a-t-il fait valoir. S’y ajoute que la question du redéploiement du personnel de santé demeure «un problème de fond ». « Tous sont cantonnés à Conakry, ici, la capitale. Ce n’est pas normal que l’on en soit à cette situation. Je dis souvent aux jeunes médecins qu’ils seraient mieux à l’intérieur du pays que dans la capitale où ils carburent pour survivre », a déclaré le professeur Baldé.

« Or, s’ils allaient à l’intérieur, en ayant conscience qu’ils sont utiles à la population, celle-ci s’occuperait bien d’eux. Ils seraient logés, nourris et blanchis, comme on dit. Mais nos jeunes médecins ne veulent pas y aller, par pauvre complexe», a-t-il ajouté.
« Le plus grave dans ça, se désole-t-il, c’est qu’il y en a qui vont dans des pays limitrophes comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Mali ou ailleurs, en laissant ici des compétences professionnelles du même niveau que ces pays-là, mais qui manquent complètement d’équipements».

Ce problème des structures de santé illégales n’est pas l’apanage de la Guinée au sein de l’Afrique de l’Ouest. Au Bénin, un recensement et un contrôle menés par le ministère de la santé, fin mai 2015, a révélé l’existence de 2197 cabinets médicaux illégaux. Selon le ministre béninois de la Santé, Dorothée A. Kindé Gazard « des signes distinctifs seront désormais apposés sur les cabinets pour permettre de reconnaître ceux qui ont une existence illégale ».

Ebola, révélateur de la refonte nécessaire du système sanitaire guinéen
Ouestafnews – Les pouvoirs publics guinéens doivent être doivent amenés « à repenser la politique sanitaire» en vigueur dans ce pays dont la défaillance du système sanitaire a été mis à nu par la crise Ebola, préconisent des experts, parmi lesquels, le président de l’Ordre des médecins de Guinée, le professeur Ibrahima Baldé.

« J’invite tous ceux qui sont concernés à contraindre les responsables politiques et administratifs de notre pays à repenser la politique sanitaire de notre pays, afin qu’on puisse rééquiper les hôpitaux de Guinée, en utilisant par exemple une partie de l’argent servant aux évacuations de malades à l’étranger», a-t-il dit dans un entretien à Ouestafnews.

La santé «n’est pas du tout une priorité» pour le gouvernement guinéen, au regard notamment des ressources financières allouées à ce secteur, évaluées à «seulement 2,5% du budget de l’Etat».
Une situation « inadmissible », compte tenu par exemple des recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) demandant aux Etats d’allouer au moins 15% de leur budget à la santé. Si l’on en croit Ibrahima Baldé, « la Mauritanie est à 10%, la Côte d’Ivoire à 14% et le Sénégal à 15% ».

Aussi l’Etat guinéen doit penser « à équiper les structures publiques de santé », en les dotant de matériels de radiologie et d’imagerie médicale, de scanners, mais aussi de laboratoires, selon ce professeur agrégé en chirurgie pédiatrique.

«Une fois cela acquis, on devrait penser à rehausser les salaires des médecins» dont les rémunérations « sont tellement dérisoires que c’est sur les malades qu’ils se rabattent pour avoir de quoi leur permettre d’aller à leur lieu de travail», a noté Ibrahima Baldé.

Outre le fait que « le personnel de santé vit dans des conditions matérielles inacceptables», « les structures et les équipements sont tellement dérisoires que les malades se tournent davantage vers les structures privées», a déploré le professeur Baldé, fondateur à Conakry, la capitale guinéenne, d’une structure spécialisée dans le traitement des femmes enceintes et des enfants. « Le plus grave (…), a poursuivi M. Baldé, c’est qu’il y en a qui vont dans des pays limitrophes comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Mali ou ailleurs, en laissant ici des compétences professionnelles du même niveau que ces pays-là, mais qui manquent complètement d’équipements».

Or, la formation des médecins guinéens « est impeccable » et de même niveau que celui de leurs collègues des pays limitrophes, a fait valoir le professeur Ibrahima Baldé. « Il s’agit tout simplement de gens qui n’ont pas de quoi vivre, de quoi aller à leurs lieux de travail. Je vois certains médecins munis de parapluie, qui cherchent des taxis pour aller à leur service», a-t-il estimé.
«Vous ne pouvez demander à ces gens-là de faire preuve de générosité extrême. Les médecins guinéens font ce qu’ils peuvent. Mais le fait que qu’on alloue seulement 2,5% du budget de l’Etat à la Santé est inadmissible », a tranché M. Baldé.

Les salaires versés aux médecins guinéens « sont tellement dérisoires que c’est sur les malades qu’ils se rabattent pour avoir de quoi leur permettre d’aller à leur lieu de travail», a soutenu Ibrahima Baldé.
Au regard de ce tableau, l’épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola n’a fait que mettre « à nu les graves problèmes du système de santé en Guinée », a de son côté fait observer le docteur Yansané Mohamed, co-auteur d’une étude sur le partenariat public-privé dans le domaine sanitaire, dont la première mouture a été présentée le 10 juin dernier, à Conakry.

Dans le cadre d’une plateforme de discussions organisée par la Société financière internationale (SFI) et du ministère guinéen de la Santé, des médecins, pharmaciens, assureurs et autres représentants d’entreprises étaient appelés à enrichir ce document en cours de réalisation.

Selon les premiers résultats de cette étude, le secteur de la santé souffre en Guinée de la faiblesse de revenu des populations, l’inégalité de répartition et la faible qualité des soins. S’y ajoute le déséquilibre quantitatif et qualitatif de la distribution du personnel soignant (83% du personnel dans les zones urbaines), le poids des maladies transmissibles et non transmissibles, la quasi-inexistence du partenariat public-privé et un financement sanitaire reposant largement sur les ménages (62 %).

D’autre part, l’on apprend d’une source proche du ministère de la Santé Guinéen, la mise en place d’une nouvelle politique nationale en matière de santé qui y entend régler la question des insuffisances matérielles et humaines.

Par Bachir Sylla

 

 

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