Guinée : pourquoi l’opposition a-t-elle accepté de perdre le « pouvoir » avant l’élection ?

accord politiqueC’est un secret de polichinelle : le document signé avant-hier (jeudi 20 août 2015), insidieusement appelé « accord global définitif » du dialogue politique inter guinéen est l’ultime verrou qu’il fallait lever pour la réélection du président sortant, Alpha Condé, qui voit désormais le boulevard grandement ouvert à son maintien aux affaires par « une victoire sans bavure » et aussi sans surprise, le 11 octobre 2015, parce que l’opposition a finalement renoncé au « combat », évidemment sans l’annoncer… 

Les grands leaders des plus grands partis politiques guinéens acceptent ce qu’ils ont dénoncé et combattu depuis plusieurs mois ; ce qui a coûté assez de sacrifices aux pauvres militants et sympathisants, qui ont perdu du temps, des biens… certains même ce qu’ils ont le plus cher, la vie, pour avoir cru aveuglement et défendu vaillamment ce qu’ont dicté leurs leaders.

L’opposition perd la CENI : au lieu de 10 commissaires, elle se contente de 02

Alors qu’ils exigeaient la reforme de la CENI ou au moins le remplacement de leurs dix représentants (conformément aux testes légaux), les opposants guinéens acceptent seulement de remplacer deux commissaires décédés dont un officiellement envoyé par le parti au pouvoir (le RPG arc-en-ciel) et, l’autre, désigné par un parti qui se réclame depuis de la mouvance présidentielle, la NGR.

Evidemment, si le pouvoir « offre » aussi facilement « ses deux commissaires » à l’opposition, c’est parce qu’il est rassuré du soutien (même conditionnel) des autres, au-delà de la parité légalement recommandée…

A rappeler qu’au-delà de son statut de patronne des élections, la CENI détient le « pouvoir » d’annuler des bureaux de vote. Ce que la Cour suprême a rarement invalidé. Dévolu désormais à la cour constitutionnelle, le contrôle de la régularité des résultats provisoires proclamés par la Commission électorale nationale indépendante se fait en mettant en priorité la paix civile et à la stabilité du pays. Ce qui « impose » à nos juristes de la cour constitutionnelle de fermer les yeux (et valider) même une entorse à la loi, si sa révélation peut entraîner des troubles… C’est le B.A.Ba du droit !

L’opposition perd les communes : de 342, elle se console avec 128 !

Alors qu’ils ont toujours expliqué et convaincu qu’il est « IMPOSSIBLE d’organiser des élections transparentes avec des administrateurs territoriaux à la dévotion du pouvoir », les « grands leaders » de l’opposition se plient à la volonté du pouvoir qui ne lui offre que quelques places dans les 38 communes urbaines et seulement 90 communes rurales. Même ça, c’est d’abord sur le papier ! Cette recomposition (au prorata des résultats du scrutin proportionnel des législatives 2013) dépendra du bon vouloir du gouvernement qui bat actuellement campagne (le chef de l’Etat en premier) et tient d’abord compte de ses intérêts électoraux…

Le fichier électoral du professeur est confirmé

Quid de la reprise du fichier électoral qu’on disait taillé sur mesure de qui on sait ! L’accord global définitif a écrit qu’il sera audité par un comité qui sera mis en place… Bref, un autre projet de bonne intention dont évidemment une application sans cris et pleurs sera une surprise !

La Guinée prépare finalement une élection dont la principale inconnue reste le score par lequel le chef de l’Etat et excellent Professeur politique de ses opposants, sera réélu à l’issue du scrutin du 11 octobre 2015. Même si, subsidiairement, cette élection (ou plus exactement cette réélection du président sortant) entraînera une nouvelle configuration politique avec des opposants déjà plus proches de la Primature que des lieux de contestation du pouvoir…

Le poids de la communauté internationale trop lourd sur les frêles épaules de l’opposition ?

En signant cet accord « global et définitif », même grand-mère qui somnolait sous le manguier au village sait que l’opposition s’est faite grugée ! Et pourtant, elle a toujours juré tenir le bon bout cette fois-ci… Que sait-il alors passé pour applaudir ce qu’on a toujours dénoncé ?

Crise mine de certains opposants

Selon beaucoup de commentateurs, plusieurs dirigeants de l’opposition guinéenne ont désapprouvé et contesté cet accord avant même sa signature. Le très éloquent et fin politique Aboubacar Sylla, incontesté porte parole de l’opposition depuis des années et chef de délégation de l’opposition au cours du dialogue politique aurait par exemple combattu de toutes ses forces cet ultime verrou à la consécration du professeur Alpha Condé. Incompris et mécontent, le président de l’UFC aurait « manifesté » à sa façon contre l’accord. Alors qu’il était attendu pour y apposer sa signature et le commenter devant les médias, Aboubacar Sylla a refusé de faire le déplacement du palais du Peuple. Guineematin.com a cherché pour le moment sans succès d’échanger avec l’honorable Sylla sur ces rumeurs. Le téléphone du très alerte porte parole de l’opposition qui a l’habitude de rappeler ceux qui l’appellent « en absence » sonne sans répondant…

Depuis hier, Guineematin.com apprend plusieurs rumeurs sur la manière dont on a manipulé les opposants, mais qu’on a du mal à confirmer, ni infirmer ! De ce que certains acceptent de confier, d’autres opposants n’ont également pas aimé cette « manipulation politique de certains diplomates » en faveur du RPG arc-en-ciel. Mais, les deux premiers leaders de l’opposition, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, auraient soutenu que nul ne s’en sortirait en bravant la pression de la « communauté internationale » pour accepter ce qu’ils considèrent tous (en aparté) comme l’ultime piège pour la victoire du professeur Alpha Condé…

Nouhou Baldé

 

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