Victime du massacre du 28 septembre 2009, Fatou Barry s’en prend aux politiciens : « J’en ai marre ! »

Fatoumata Barry, victime du 28 septembre 2009

Il y a deux ans, nous avons rencontré une des victimes du massacre du 28 septembre 2009 à Dakar. Contactée au téléphone, Fatoumata Barry confirme que ses conditions de vie qu’elle nous décrivait dans une interview publiée sur Guineenews sont toujours les mêmes. « Je ne peux pas rentrer chez moi, tant qu’il n’y a pas de justice pour les victimes. Même si je souffre ici, je préfère encore attendre »…

Fatoumata BarryGuineematin.com vous propose cette rediffusion de cette interview de Guineenews du 17 septembre 2013 :

Fatoumata sourit, mais ses yeux sont tristes. « J’en ai marre ! Je ne peux plus me cacher », dit-elle, lors d’un entretien avec des journalistes à Dakar. « Plus de trois ans après ces événements, je suis toujours hantée par ces scènes de viols et meurtres », ajoute la demoiselle.

La trentaine révolue, Fatoumata Barry est l’une des 109 filles et femmes violées le 28 septembre 2009 dans un stade à Conakry. Ce jour là, les « forces vives de la nation »- les partis de l’opposition et de la société civile- avaient organisé une manifestation contre la candidature du chef de la junte militaire, le capitaine Moussa Dadis Camara. Outre les viols, la répression de cette manifestation par les forces de l’ordre avait fait plus de 150 morts et plusieurs centaines de blessés.

La matinée de ce lundi 28 septembre 2009 avait pourtant bien commencé avec une grande mobilisation des militants de l’opposition. « C’est quand j’ai vu un militaire gifler le leader Cellou que j’ai compris qu’on ne pourra pas leur échapper », raconte Fatoumata, à jamais traumatisée par les violences de ce qu’elle a vécu ce triste jour. « On m’a déshabillé… Je ne peux pas en parler… », dit-elle, terminant sa communication en langue nationale, Poular, cherchant visiblement la sympathie et le soutien des ses interlocuteurs peuls comme elle.

L’horreur  

« Ça suffit ! Laissez-la partir maintenant ! », aurait dit un militaire, rapporte notre interlocutrice, qui dit devoir sa « libération » à cette intervention. Complètement nue et ensanglantée, elle ne restera pas longtemps dans le véhicule de la croix rouge venue les secourir. « Il y avait plusieurs cadavres dedans et une dame dont on avait tiré sur le sexe criait très fort… », précise Fatoumata Barry qui dit s’être réfugiée dans un domicile privé d’à côté jusqu’à tard le soir.

La honte 

À son domicile, Fatoumata Barry ne parlera à personne de son malheur. Elle sera alors surprise de voir à la télévision sa photo illustrée dans les nouvelles du pays. « Ma sœur a été informée, la première, qu’on montre ma photo à la télé. Et, nous avons été surpris de voir les enfants s’échanger ma photo sur les téléphones portables ».

Le difficile exil à Dakar 

Évacuée à Dakar par une ONG, Fatoumata Barry ne bénéficie plus de l’aide, ni du soutien des lendemains de la tragique manifestation politique qui a scellé l’avenir de la junte militaire guinéenne, alors dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara. Abandonnée à elle-même, la jeune dame ne parvient plus à faire ses visites périodiques pour surveiller la maladie contractée suite au viol de plusieurs militaires. Pour sa survie et la justice pour toutes les victimes, Fatoumata Barry témoigne désormais à visage découvert et dénonce les ONG qui ont profité du malheur des victimes et les politiciens de tous bords…

Déception de la politique  

Déçue par son leader, demoiselle Barry est désillusionnée des politiciens qui « ne pensent qu’à leur pouvoir », contrairement à leurs discours. Il y a quelques mois, la victime a profité du passage à Dakar de son leader, Cellou Dalein Diallo, pour lui expliquer ses difficultés. « Il m’a dit qu’il n’est pas responsable des visas et a refermé la porte avec fracas », rapporte-t-elle, furieuse contre gouvernants et opposants dont le persistant désaccord politique inquiète chaque jour davantage les guinéens et amis de la Guinée.

Sans assistance sociale, Fatoumata Barry vit à Dakar et réclame justice 

« Je ne peux pas rentrer chez moi, tant qu’il n’y a pas de justice pour les victimes. Même si je souffre ici, je préfère encore attendre », dit-elle. L’exilée qui n’a ni un statut de réfugié, ni une prise en charge sociale demande aux bonnes volontés de lui venir en aide et prie pour que son pays vive maintenant en paix.

Propos recueillis par Nouhou Baldé, depuis Dakar pour Guinéeenews©

NB : cet entretien a été réalisé à l’occasion d’une formation de la DWE Académie sur le journalisme sensible aux conflits en septembre 2013

Pour toute aide, veuillez contacter directement la victime : Fatou Barry

Téléphone : 00221771187798

Email : [email protected]

Voici une tranche vidéo de cette interview :

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