La chute d’un baobab…. Thierno Madjou Sow, compagnon de l’indépendance, activiste des droits de l’homme tire sa révérence

Thierno maadiou Sow, OGDHL’homme était connu, apprécié et respecté pour sa culture, sa pondération et son engagement à défendre les droits humains et les libertés fondamentales. Le doyen Thierno Madjou Sow nous quitte à l’âge de 84 ans… Une vie pleine et entière dévouée à la défense des valeurs et des convictions qui lui étaient chères. Les droits de l’homme.

Nationaliste à sa tendre jeunesse, l’homme a été de tous les combats pour l’indépendance de la Guinée. Membre fondateur du PAI, le parti africain pour l’indépendance, le jeune Madjou, sortant alors de la célèbre école de William Pointy, a été de la cohorte des jeunes leaders ou activistes pour l’indépendance de la Guinée à s’associer au PDG à l’appel du Président Sékou Touré pour gérer les premiers pas fragiles du jeune état guinéen.

Mutée à l’ambassade de Guinée en URSS, il y subira les premiers écueils soupçonné alors par la machine de la révolution d’appartenir au groupe d’instigateurs du fameux complot des Enseignants au début des années 60 en Guinée. Traqué et menacé, il s’extrait de l’Union soviétique pour s’exiler en Allemagne de l’Est où il approfondira ses études en obtenant le doctorat en sciences politiques, parallèlement au diplôme d’ingénieur en Ponts et chaussées.

Avec le dégel des relations entre la Guinée et l’occident, suite à la rencontre Sékou Touré et Valérie Giscard d’Estaing de France, Dr. Thierno Madjou rentre au pays dans les années 1979-1980 pour s’occuper comme enseignant dans les collèges et lycées. Cet homme de couture et de grande conviction se retrouvera à l’avènement de la 2ème République et du libéralisme économique à l’université Gamal en qualité d’enseignant chercheur où il a transmis le savoir et le savoir faire à beaucoup de cadres guinéens qui ont occupé de hautes fonctions au sommet de l’État.

L’homme apportera un élan nouveau et un souffle à la Direction nationale de la Recherche scientifique. Toujours animé par l’idéal de défense des droits de l’Homme, Thierno Madjou Sow mûrira, en compagnie de quelques proches amis visionnaires (Bah Oury, Ahmed Tidiane Cissé, Samba Touré, journaliste et Elhadj Oumar Barry de Kondisso Dalaba, fonctionnaire à la retraite) l’idée de création de l’OGDH, l’organisation guinéenne des droits de l’Homme. Le projet de l’OGDH dont il était le président verra le jour en 1990. Activiste engagé, défenseur des droits de l’Homme, Dr. Sow sera de tous les combats pour l’état de droit et le multipartisme en Guinée. Aux cotées des Louis Mbemba Soumah et autre Souaré, ils créeront le SLEEG, le syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée. Un mouvement qui a permis de défendre les inertes des enseignants et au-delà des travailleurs pour l’amélioration des salaires et conditions de vie des agents de la fonction publique.

Membre actif du mouvement social guinéen, il a été de toutes les grandes manifestations qui ont ébranlées le régime du Général Lansana Conté avec les convulsions socio économiques des années 2000. Lors de la transition, suite à l’avènement de la junte du CNDD au pouvoir, il a présidé le Forum Démocratique National, regroupant dirigeants syndicaux, leaders politiques, activistes des droits de l’Homme mobilisées pour le départ des militaires du pouvoir et le retour à l’ordre constitutionnel en 2010.

Débordant d’énergie et ne ménageant jamais sa santé, le doyen Thierno Madjou Sow était sur la ligne de front dans la défense des victimes des massacres du 28 septembre 2009. Il a écouté, appuyé, conseillé et soutenu toutes les victimes en suivant avec l’OGDH le dossier brûlant auprès de la FIDH et de la CPI.

L’homme a consumé sa vie dans la défense et la préservation de celles des autres… Malade, il avait été évacué pour des soins intensifs en Allemagne, en juin 2014. Rentré au pays, il sera ménagé par son staff pour récupérer en allégeant son calendrier surchargé. Hélas, le poids de l’âge aidant, le doyen a rechuté avant d’être emporté par une AVC, mort les armes à la main et toujours soucieux de l’avenir et du devenir d’une Guinée pour laquelle il a tout donnée.

Il rejoint le royaume du silence en laissant derrière lui une veuve éplorée, une fille en larme, des amis inconsolables, des victimes orphelins, des guinéens tristes et émus. Le repos éternel d’un combattant de liberté. Dors en paix mon cher ami et Doyen Sow, le meilleur des Sow, mon Sanakou. La relève portera le flambeau que tu tenais pour illuminer le chemin parsemé d’obstacle menant à la création d’un État de droit et de liberté. Que la terre de Guinée que tu as tant servi te soit légère, amen !

Ibrahim Ahmed Barry, journaliste Consultant

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