Labé : des filles « nobles » et de grandes familles se prostituent

Labé, carteAutrefois très respectées, certaines filles ternissent de plus en plus la gente féminine de Labé en se livrant à la prostitution. Venu spécialement pour des reportages, enquêtes et interviews dans la cité sainte de Karamoko Alpha Mo Labé, l’envoyé spécial de Guineematin.com y a été impressionné par la floraison des maquis et multiples bars où végètent toutes la nuit des dizaines de jeunes filles. Situé au quartier Ndiolou, le Bar ‘’Mari Fala Plus’’ est le plus fréquenté par les travailleuses de sexe à Labé, dit-on sur place. On y trouve des filles de tous les âges, habillées en minis-jupes et autres collants avec des bouteilles de bière en main pour certaines, des petits sacs pour d’autres. Dans la cour et à la sortie, vous avez des centaines de motos.

Parmi les jeunes (clients) rencontrés par Guineematin.com cette nuit du samedi au dimanche, 13 décembre 2015, il y a même des militaires habillés en tenue civile. A l’intérieur du bâtiment, se trouve deux pièces : la première salle, un peu étroite, sert de maquis où filles et garçons consomment l’alcool ; et, la seconde salle, très large, est aménagée pour servir de piste de danse. Les deux salles sont reliées par un petit couloir où on trouve plusieurs jeunes (filles et garçons) arrêtés avec comme seul éclairage une ampoule plutôt sombre.

Une passe à 60 000 GNF

Interrogé par Guineematin.com, mademoiselle X Diallo s’est proposée à soixante mille la passe. « Je n’irai pas dans les quartiers, mais on peut aller chez moi. La passe, c’est 60 000 GNF, je n’ose pas aller pour toute la nuit. Mon copain est parti pour veiller, il viendra me chercher. Je ne reste au dehors que jusqu’à 1 H ou 2 heures. A 3 heures, mon copain passe me prendre et on rentre. Si c’est de 23 heures à 2 heures du matin, le dernier ce sera à 100 000 GNF. Pour un aller et retour, c’est 60 000 GNF. Pourquoi 100 000 GNF ? C’est parce qu’on doit laisser quelque chose ici, au bar », a-t-elle expliqué.

Les mariages précoces suivis de diverses comme principale cause de la prostitution

Selon cette prostituée, elle est issues d’une noble et grande famille de Labé. Mais, elle se vend après l’échec de son mariage. Elle pose ses condition pour un éventuel mariage

« Je suis logée à Safatou ‘’Polygone’’ dans une famille. Je ne suis pas mariée, actuellement. Je m’étais mariée par un cousin à l’âge de 10 ans. J’ai eu mon enfant à 11 ans, par suite d’opération parce que je ne pouvais pas supporter l’accouchement », a-t-elle dit.

Sur les raisons pour lesquelles elle a préféré se vendre dans les maquis, X Diallo a expliqué : « J’ai suivi mes copines pour rentrer dans ce métier. Je n’avais aucun métier et j’étais chez mon mari. Si je gagne un mari aujourd’hui, je veux accepter à condition qu’il ne soit pas un voleur et qu’il soit capable de me dépenser et de m’habiller. Il n’y a aucun avantage dans ce métier, c’est parce qu’on n’a rien à faire qu’on se livre à cette pratique », dit-elle.

« Si je te dis de qu’elle famille je suis issue, tu ne peux pas croire (elle a alors cité un village très religieux, proche de Labé, du côté paternel et du côté maternel, une famille très réputée à Labé pour sa piété). Tu peux demander à n’importe qui sur mes origines, je suis issue d’une grande famille religieuse. Aujourd’hui, je suis dans ce métier malgré moi. Avant, je ne pouvais jamais imaginer sortir de chez moi pour passer la nuit ailleurs. Je suis née à Dakar. Quand j’ai quitté Dakar, je ne connaissais pas cette vie de débauche. C’est à mon retour, à l’âge de 10 ans, qu’on m’a donné en mariage à mon cousin. J’ai eu mon enfant à 11 ans par césarienne. Finalement, le bébé est mort et mon mari s’est déjà remarié. Je n’étais pas d’accord avec ma coépouse, elle m’a poussée à la sortie et j’ai quitté la famille ».

Cent mille francs guinéens pour passer toute la nuit, à l’hôtel, avec Y Barry

« Moi, je ne vais pas dans une maison. C’est seulement à l’hôtel et ça aussi c’est pour faire moins d’une heure. Si c’est pour passer la nuit à l’hôtel, c’est 100 000 GNF qu’on fait payer à nos clients. J’ai commencé à pratiquer ce métier depuis plusieurs mois et je veux bien l’abandonner ; mais, je n’aurais pas mes besoins parce que je ne suis pas mariée », déplore-t-elle.

Interrogé par Guineematin.com, un jeune « éducateur » et conducteur de moto taxi qui a souhaité aussi garder l’anonymat a expliqué : « Je constate dans ces lieux que c’est réellement le manque de métier et les divorces qui poussent ces filles à ce métier. Ces filles, quand je viens m’arrêter, elles discutent avec certaines personnes. Des étrangers ou même des jeunes qui sont là, des commerçants qui en ont besoin pour se satisfaire. On me déplace pour les déposer dans un hôtel comme ‘’Riviera’’. Nous remarquons que beaucoup d’entre elles sont des filles divorcées, la majeure partie. Certaines sont issues des familles nobles. Mais, par manque de soutien, elles se retrouvent là. Pour d’autres, les raisons sont autres. Elles se sont mises dans le concubinage et ont terminé par faire ces genres d’activités…».

Concernant lui-même ses activités de sensibilisation des travailleurs de sexe à Labé, notre ami n’est pas toujours écouté : « j’attends qu’elles me déplacent puisque je suis taxi-maître la nuit. Je profite pour échanger avec elles en leur prodiguant des conseils. Certaines acceptent. Mais, d’autres ne veulent même pas écouter. Ce n’est pas facile. Surtout quand elles te racontent leurs conditions de vie. Certaines nous disent même qu’elles n’ont ni père, ni mère encore moins un mari… ».

De Labé, Mamadou Alpha Baldé, envoyé spécial de Guineematin.com

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