Pour la paix à Labé : « Nous avons utilisé le Coran et le dialogue », dit Sadou Keita

Sadou Keita, gouverneur de la région administrative de Labé 0A l’occasion de sa tournée de reportage en Moyenne Guinée, l’envoyé spécial de Guinematin.com a été reçu par le gouverneur de la région administrative de Labé, le 12 décembre dernier. Lors de l’interview, Sadou Kéita a accepté de se prononcer sur toutes nos questions, entre autres, l’insécurité, la prolifération des lieux de consommation d’alcool et de drogue, ses attentes du prochain gouvernement… 

Les attentes de la région de Labé du second mandat du président Alpha Condé : la réalisation du barrage de Koukou Tamba, l’exploitation de la bauxite de Tougué-Dabola, la réalisation de la route Labé-Tougué-Dinguiraye-Siguiri, l’aménagement de la plaine de Koloun qui fait 12 000 hectares dans la sous-préfecture de Koïn (Tougué) par les indiens, a notamment cité monsieur Sadou Keita, le gouverneur de la région administrative de Labé.

Guineematin.com : L’autre actualité porte sur l’insécurité à Labé. Quelles sont les mesures qui ont été prises au niveau de ce gouvernorat pour pallier à cette situation ?

Sadou Kéita : Je ne sais quelle nature d’insécurité…

Guineematin.com : On parle souvent de cas de viol dans certaines localités ?

Sadou Kéita : Vous savez que ça c’est lié d’abord à une éducation. Si la famille ne s’occupe pas de ses enfants, l’enfant sévit. Aujourd’hui, nous, nous avons constaté, avec le comité régional de la sécurité, nous avons suivi et observé pendant une longue période et nous avons compris qu’il y a le viol qui est galopant. Mais, il y a les meurtres aussi qui commencent à se répandre. Un beau matin, vous apprenez que quelqu’un s’est pendu quelque part. Nous avons vécu même un scénario douloureux, un jeune garçon qui égorge sa maman. Ecoutez, ça ce ne sont pas les problèmes de l’Etat directement. Ce n’est pas l’Etat qui va dire à quelqu’un d’aller égorger sa maman, d’aller dans un puits pour se pendre. Ce sont des problèmes de société. Alors, nous avons appelé à une réunion au cours de la quelle nous avons exposé tous ces faits réels, qui sont vécu ici. Finalement, nous avons communiqué les dispositions que nous avons envisagées puisque nous nous sommes rendu compte que la consommation abusive d’alcool et de drogue constitue un facteur qui motive ce comportement. Mais, ensuite, il y a que les enfants sont à l’abandon, il n’y a pas d’éducation. Chacun rentre quand il veut, il fait ce qu’il veut et les parents n’éduquent plus, ils ont démissionné tout simplement. Alors, nous avons communiqué une série de mesures, nous sommes entrain d’identifier tous les lieux de consommation de drogue et nous avons déjà identifié une sorte d’alcool dans des sachets, un alcool très fort puisque quand vous consommez, vous ne voyez que le sang et le feu. Nous avons identifié cette sorte d’alcool et maintenant, nous nous engageons à opérer. Pour l’instant, nous sommes entrain de prendre toutes les mesures quand les forces vont sortir, je crois que nous allons arrêter tout et que nous allons continuer par des patrouilles instantanées pour que finalement les gens s’adaptent. Mais, en même temps, nous avons demandé aux chefs religieux de nous aider au cours des sermons. S’il s’agit d’éduquer, il faut faire des sermons d’éducation pour que les gens reviennent à leur valeur réelle. Voilà ce qui se passe actuellement. On reconnait que le viol prend de l’ampleur, il y a les meurtres, nous sommes inscrits dans ça et je suis certain que nous allons gagner la guerre.

Guineematin.com : Aujourd’hui à Labé, on constate la prolifération des Bars, des lieux de consommation d’alcool. Est-ce qu’il y a eu des mesures prises pour au moins détruire ces bars ou limiter leur nombre à Labé ?

Sadou Kéita : On ne peut pas détruire pour détruire, le préfet de Labé avait engagé la guerre à cela, mais vous savez que généralement ce sont des gens agrées. Aujourd’hui, donc, nous nous avons pensé qu’il vaut mieux chercher à savoir quels sont les maquis qui sont agrées, qui ont une autorisation de s’établir et quels sont les maquis qui n’ont pas l’autorisation de s’établir. C’est par ça que nous allons réduire les maquis. Mais, en même temps, nous avons sollicité auprès des chefs religieux de continuer pendant les sermons parce que vous n’ouvrez de maquis que lorsque vous avez des consommateurs. Mais, si par l’éducation de tout le monde, on amène les gens à comprendre que l’alcool n’est pas utile, un bon musulman n’a pas besoin de se droguer, de prendre de l’alcool pour sortir de son complexe, alors il y aura moins de consommateurs. Nous avons pensé que par l’éducation, on peut réduire le nombre de consommateurs et le nombre de maquis. En même temps, nous avons demandé aux autorités préfectorales de réglementer l’ouverture des bars, des maquis et des restaurants. Nous sommes accrochés à ça et nous gagnerons le pari.

Guineematin.com : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l’exercice de vos fonctions à Labé ?

Sadou Kéita : Je n’ai pas de difficultés pratiquement parce que vous savez, quand vous avez un acte du chef de l’Etat qui vous commande d’exercer  une fonction donnée, il faut en même temps s’appuyer sur vos attributions et sur la lettre de mission que votre ministre vous a donnée. Si vous respectez les instructions du chef de l’Etat et vous respectez la lettre de mission de votre ministre, je pense que vous n’avez aucun problème. Vous êtes amené à servir des populations, pas en mission de se servir sur des populations. Vous faites en sorte que les populations exécutent les politiques du gouvernement, mais en même temps que ces politiques du gouvernement servent les populations.

Guineematin.com : Vous servez dans une zone réputée être un fief de l’opposition, comment vous faites pour maintenir cette cohésion sociale au niveau de Labé ?

Sadou Kéita : Par le dialogue. Vous savez que moi j’ai une mission particulière. C’est vrai que c’est une zone réputée fief d’un certain parti, mais vous devez le savoir donc agir en le sachant. Il n’y a que le dialogue qui peut régler les problèmes. Sinon que si vous venez par la force, vous risquez de succomber. Donc, dès que nous avons pris fonction, nous avons fait le tour de toute la région, toutes les collectivités et nous avons constaté aussi l’état de la pauvreté de la région. Mais, ensuite, les gens étaient sous tension pour avoir perdu les élections de 2010. Bon ! Alors, c’est aussi simplement que ça ! Il faut initier rapidement des actions de développement. Mais, ensuite, parler aux gens de façon à les amener à comprendre ce que c’est que la démocratie. Quand il y a mille candidats, ce n’est pas interdit, toute candidature est légitime quand elle est reconnue par la loi. Mais, il y a une seule personne qui gagne. Les autres attendront d’autres élections. Donc, il faut que les gens comprennent que la démocratie est ainsi faite. Ce que quand dix personnes sortent, c’est la personne qui a le plus de voix qui préside aux destinés du pays. Les autres se soumettent à la décision de la majorité. Nous nous sommes mis sur ça, mais pas avec la violence, c’est en négociant, en respectant la parole des autres et on se fait respecter sa parole en même temps. Finalement, nous nous sommes fondés sur tout ce qui est valeur dans cette région. Vous savez que cette région n’a pas de longue philosophie, il suffit de traduire le coran, rappeler les préceptes du coran qui sont liés à votre mission. Les gens comprennent, ils ont beaucoup plus approfondis le coran que vous. Même si vous faites une injection, tout de suite ils comprennent de quoi il s’agit : ‘’Dieu a dis…’’, ils verront tout de suite la sourate du Coran que vous visez, ils vont l’approfondir et ils comprendront. Nous avons donc utilisé le coran, le dialogue et le respect de l’autre en travaillant avec tous les partis politiques : parti au pouvoir, partis de l’opposition. Chaque fois qu’il y a un problème qui se pose, nous les convions tous à une réunion appuyée par les organisations de la société civile. Nous discutons à bâtons rompu avec tout le monde et nous trouvons un consensus. Voilà comment on a mené la barque et avons réussi à avoir et la paix et la cohésion sociale.

Guineematin.com : Peut-être une dernière question, qu’attendez-vous du futur gouvernement ?

Sadou Kéita : Vous savez qu’on aspire toujours au bonheur moral et matériel. Je suis certain que le Président de la République a réussi un premier mandat qui nous a apporté beaucoup de bonheur. C’est vrai que beaucoup disent qu’il n’y a rien. Mais, écoutez, quand vous avez hérité d’une situation critique, vous avez mille hectares en jachère, jamais labourés, vous réussissez à faire trois hectares, c’est beaucoup dans les réalisations, mais c’est très peu par rapport aux objectifs. C’est pour cela que nous, nous estimons que le président de la République a réussi l’essentiel avec les gouvernements successifs qu’il a mis en place jusqu’à maintenant. Et, nous nous projetons dans l’amélioration des conditions de vie de la population. Dans notre région par exemple, avant la fin de son premier mandat, il y a trois mégaprojets qui sont en vu : c’est la réalisation du barrage de Koukou Tamba, l’exploitation de la bauxite de Tougué-Dabola, ensuite la réalisation de la route Labé-Tougué-Dinguiraye-Siguiri. Nous estimons que ça, c’est extrêmement important. Il n’y a pas très longtemps, il y a une très importante action qui a été déballée par le chef de l’Etat. C’est l’aménagement de la plaine de Koloun qui fait 12 000 hectares dans Koïn par les indiens. Les contrats sont ficelés, je crois que les financements se mettent en place avec tous les corollaires parce que toutes les pistes qui débouchent sur cette plaine vont être reprises et de magasins vont être construits. Donc, nous nous sommes déjà positionnés avant la fin du 2ème mandat dans des conditions d’aller vite à la prospérité. Je suis certain que le gouvernement qui va être mis en place après l’investiture du chef de l’Etat va s’atteler à mettre toutes ses actions en œuvre pour que d’ici fin 2019, nous soyons à peu près dans les objectifs du chef de l’Etat : rendre ce pays bien à vivre.

Guineematin.com : Votre mot de la fin ?

Sadou Kéita : C’est d’inviter mes compatriotes de la région à dire qu’ils ont traversé des moments difficiles qui ont permis aujourd’hui d’aller à des moments faciles. Les moments difficiles, ce sont les 5 premières années du chef de l’Etat. Il y a eu tellement de manifestations qui ont tenté de bloquer le mandat, mais il y a eu aussi Ebola qui est venu terrasser notre économie. Aujourd’hui, on fini avec les manifestations, avec Ebola et on se projette maintenant dans la réalisation des objectifs de développement du chef de l’Etat. Donc, je les invite à plus de solidarité, de cohésion, de fraternité et à ce que tout le monde s’adonne au développement de notre région. Une région réputée très pauvre où selon le document régional de stratégie de réduction de la pauvreté, tous les indicateurs sont au rouge. Nous sommes 62% vivant au dessous du seuil de pauvreté absolue ! Il faudra qu’on se tienne maintenant au moment où le développement va démarrer réellement dans notre région pour qu’on sorte de la pauvreté. Les élections sont terminées ! Donc, la recréation est terminée ! Il faudrait qu’on aille vite et qu’on s’accommode au reste du pays pour le décollage économique.

Interview réalisée par Mamadou Alpha Baldé, envoyé spécial de Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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