Ministres entrants et sortants, dites-nous ce que vous avez et soyez plus libres !

Alpha Condé et son Premier ministre Mohamed YoulaLa Guinée est à un tournant décisif de son histoire. Après cinq ans à la tête du pays, le président Alpha Condé entame un nouveau et ultime mandat à la tête de notre pays avec beaucoup plus d’espoirs pour ses compatriotes.

Nouveau pour être souligné, c’est la première fois dans l’histoire politique de notre pays que le chef de l’Etat a le soutien de ses adversaires les plus redoutables ! Ceux qui étaient les plus durs contre sa gouvernance du premier, qu’il a nommément cités d’avoir voulu l’assassiner en 2011 sont (pour la plus part) devenus ses proches ! Les plus virulents du premier mandat sont donc devenus les alliés (officiels ou de l’ombre) du second mandat : Sidya Touré (et son chef de cabinet, Mohamed Tall, par ailleurs porte parole de l’UFR, devenu ministre de l’Élevage), l’homme d’affaires et politique Elhadj Amadou Oury Diallo (Diallo Sadakadji, qui a battu campagne pour le « coup KO »), l’ancien journaliste et ancien ministre Tibou Kamara (très proche du chef de l’opposition, Cellou Dalein Diallo), Bah Oury, fondateur et numéro deux du principal parti de l’opposition guinéenne… A rappeler que les deux derniers, alors contraints de vivre en exil, avaient clairement appelé à une mobilisation des guinéens dans la rue pour chasser Alpha Condé qui ne pouvait quitter, à leurs yeux, que par un soulèvement populaire et non par des élections…

Dans l’histoire politique de notre pays, on avait vu les premiers partis politiques guinéens des indépendances se fondre pour céder l’espace public au PDG RDA, mais ils n’avaient plus de choix ; on a vu des opposants participer au gouvernement Tidjane Souaré (à la fin de la vie du général Lansana Conté), mais le plus radical des opposants (Alpha Condé du RPG) avait gardé sa position, dénoncé cet autre gouvernement qu’il avait boycotté…

C’est donc  une première d’enregistrer de pareils revirements politiques dans notre pays ! C’est un tournant décisif qui est maintenant ouvert pour l’ancien opposant historique, devenu chef d’Etat, ayant pour désormais adversaire « redoutable » que le très « conciliant » Cellou Dalein Diallo, ses proches et des petits partis dont le plus populaire n’a eu aux dernières élections qu’un virgule trente huit pour cent (1.38 %) ! Mais, avec un si faible score, le BL de Faya Milimono « s’impose » tout de même comme deuxième force politique de l’opposition, après le départ de l’UFR.

Un gouvernement d’ouverture et d’espoir

Même si on peut se poser légitimement des questions sur la nomination et la reconduction de certains ministres, on ne peut quand même pas ne pas applaudir l’arrivée de plusieurs jeunes et des femmes dans des postes ministériels aussi stratégiques que les Mines, les Affaires étrangères, l’Economie et les Finances, le budget, la Santé, le Plan et la coopération, etc. On sent que le président Alpha Condé se tourne un peu plus vers l’avenir et pourrait bien se pencher davantage à l’héritage qu’il souhaite laisser à la jeune génération ! Exit les mesquines et fausses querelles ethnico-régionalistes et politiciennes…

Seulement, pour mieux maintenir cet espoir de changement et de renouveau, le professeur Alpha Condé doit matérialiser son discours du samedi dernier (02 janvier 2016) au siège du RPG en ce qui concerne la déclaration des biens des ministres entrants et sortants.

A propos, Guineematin.com vous propose, ci-dessous, l’article 36 de la Constitution guinéenne :

Après la cérémonie d’investiture et à la fin de son mandat, dans un délai de quarante huit (48) heures, le président  de la République remet solennellement au président de la Cour constitutionnelle la déclaration écrite sur l’honneur de ses biens.  Les ministres avant leur entrée en fonction et à la fin de celle-ci déposent à la Cour constitutionnelle la déclaration sur l’honneur de leurs biens.

La déclaration initiale et celle de la fin de mandat ou des fonctions sont publiées au Journal officiel.

La copie de la déclaration du président de la République et des membres du Gouvernement est communiquée à la Cour des comptes et aux services fiscaux.

Les écarts entre la déclaration initiale et celle de la fin de mandat ou des fonctions doivent être dûment justifiés.

Les dispositions du présent article s’appliquent au président de l’Assemblée nationale, aux premiers responsables des Institutions constitutionnelles, au gouverneur de la Banque centrale et aux responsables des régies financières de l’État.

Pourquoi des difficultés à faire appliquer cette loi ?

La véritable préoccupation est le fait que c’est le même article qui impose les mêmes obligations au président de la République, aux membres du gouvernement, aux présidents des institutions républicaines, au gouverneur de la banque centrale et aux responsables des régies financières de l’Etat. Ainsi, avec un refus de président de se faire appliquer la loi, les autres trouveront des excuses et se déroberont, surtout qu’il y a tout sauf des pressions citoyennes réelles et désintéressés dans ce pays.

Etant donné que la société civile guinéenne est phagocytée par les forces politiques, elle manque d’arguments et d’efficacité. Comme on le sait, dans la Guinée actuelle (comme cela a toujours été le cas), il est plus facile de faire passer une loi sur les plus faibles. Mais, quand ça touche les hauts responsables, y compris le président de la République, qui va exiger quoi et comment ?

C’est peut-être le premier challenge du Premier ministre, Mamady Youla ! S’il se soumet à cette loi (article 36 de la constitution), il peut bien soumettre « son » équipe à cette obligation qui prendrait ainsi forme grâce et à partir de ce gouvernement…

Et, pour ce qui est du président de la République et de tous les autres présidents d’institutions républicaines, il faudrait peut-être attendre un autre régime avec une société civile plus forte, plus indépendante, plus républicaine et moins politisée…

A moins que le ministre du tout nouveau Département  de la Citoyenneté, Khalifa Gassama Diaby, nous surprenne en fourchant la même détermination quand il se battait à la tête du ministère des Droits de l’Homme et Libertés publiques, à s’obliger et contraindre ses pairs du Gouvernement à se soumettre à la déclaration de leurs biens…

A suivre !

Nouhou Baldé pour Guineematin.com

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