Lutte contre la sorcellerie à Kondjeyah : le préfet de Tougué priorise la paix sociale

Elhadj Abdourahmane Koïn Baldé, préfet de TouguéAvez-vous assisté à un procès sur la sorcellerie ? Préoccupé par les menaces sur la paix et la cohésion sociales, après avoir enregistré des plaintes, le préfet de Tougué, Elhadj Abdourahamane a présidé et animé une rencontre avec les citoyens du district de Kondjeyah, dans la sous préfecture de Kansagui, située à 70 km du chef lieu de la préfecture, pour régler un problème de sorcellerie, a constaté le correspondant local de Guineematin.com qui était sur place hier, mercredi 13 janvier 2016.

Le problème oppose Mamadou Adama Diallo, ses frères et le maître coranique appelée Oustaz qui aurait accusé leur mère de sorcière ce qui a conduit certaines jeunes filles disciples de Oustaz d’aller s’attaquer à la vieille nommée Diariou.

A l’entame, monsieur le préfet dit avoir été interpeller par les plaintes des fils de la vielle, pour éviter la vengeance contre le maître coranique, il a jugé utile de le convoquer à Tougué « nous avons reçu des plaintes des gens, qui disent que leur maman a été accusée de sorcière et frappée…. Nous avons envoyé une équipe pour venir chercher le maître coranique et ceux qui ont frappé la vieille pour éviter la vengeance de ses fils et de certains mécontents », a introduit le préfet

Après l’intervention du préfet, ce sont les filles accusées qui sont appelées pour s’expliquer. Devant tout le monde, les trois filles ont nié en bloc les faits qui leur sont reprochés, reconnaissent tout de même avoir tiré le voile que la vieille portait. « Nous n’avons jamais frappé Nen Diariou ! On était en train de passer, on chantait. Elle nous a insultées, l’une d’entre nous a tiré son voile et le tabouret qu’elle portait est tombé…. », a expliqué Mariama Ciré Diallo, une des filles accusées.

« Nous n’avons jamais dit qu’elle est une sorcière, c’est elle même qui l’a avoué. C’est lorsque notre amie, Ramatoulaye est tombée, Oustaz a lit le coran sur elle. Après, le Djinn s’est présenté est a dit c’est moi Diariou qui suis la cause. Elle a tout avoué. Depuis lors, les gens en parlent… », a ajouté une autre accusée.

Le préfet qui jouait le rôle de juge d’instruction a alors accusé le maitre coranique d’être à la base et responsable de tout ce problème, parce que c’est lui qui fait la lecture et enregistre les voix pour les distribuer partout.

Comme défense, Oustaz Alhassane Diallo, a dit faire son travail sans aller chercher quelqu’un chez lui. Il a ajouté avoir déjà interdit tout enregistrement, mais les gens se cachent toujours pour le faire. « Moi, ce sont les malades qui viennent me trouver. Je fais ma consultation. D’autres, je les refoule vers les structures sanitaires », a précisé Oustaz, souvent interrompu par le préfet qui essayait de lui expliquer que sa méthode constitue une grave menace de la paix et de la cohésion sociales.

Après le témoignage de certaines personnes victimes de ces mêmes accusations et d’autres qui ont été soignées par Oustaz Alhassane Diallo, le préfet a pris des décisions pour maintenir la paix et calmer les ardeurs.

« A partir d’aujourd’hui, le lieu de traitement et de lecture que Oustaz avait est fermé ! Le traitement appelé Roqya est interdit ! S’il veut enseigner, qu’il parte à côté de la mosquée du village », a notamment décidé l’autorité préfectorale de Tougué.

C’est après ces décisions du préfet que les filles accusées ont présenté leurs excuses et demandé pardon aux citoyens, parents du village Kondjeyah. Un pardon très difficilement accepté par les deux 2 fils plaignants qui tenaient coûte que coûte à ce que Oustaz cesse complètement à enseigner.

Il est à noter que plusieurs sages de ce village ont manifesté leur reconnaissance à Oustaz de les avoir aidé à changer le comportement des leurs fils. Il avait même réussi à fermer le lieu de danse et le nombre de naissance hors mariage a fortement chuté, en même temps que le problème de sorcellerie qu’il a soulevé.

Beaucoup de malades disent n’avoir eu du mieux qu’après avoir été traité par Oustaz Alhassane. La Roqya est autorisée par la charia islamique pour soigner les malades victimes de sorcellerie et la Roqya se fait partout ailleurs, tout en respectant les règles et lois étatiques.

A rappeler que la Ruqiya (arabe : الرقية) est une forme d’exorcisme propre à l’Islam. Elle est « un ensemble de méthodes spirituelles qui consiste à remédier aux maladies occultes, comme la possession, par la récitation de versets coraniques ». D’après le Coran, « Nous révélons du Coran, ce qui est une guérison et une miséricorde pour les croyants. Mais cela ne fait qu’accroître la perdition des injustes. » [17.82].

Elle est pratiquée dans la capitale guinéenne et dans beaucoup de nos quartiers et districts du pays. Mais, comme on l’a vu à Kondjeyah, elle est aussi une menace réelle à la cohésion et à la paix…

De retour de Kondjeyah (Kansagui), Alpha Ibrahima Diogo Baldé pour Guineematin.com

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