Dans une interview accordée à Guineematin.com, un des acteurs de la crise qui a secoué en début de l’année dernière la sous préfecture de Touba, demande la libération des personnes arrêtées à l’occasion de ces troubles. Pour rappel, un litige né de la construction d’une mosquée dans la ville sainte, avait conduit à un drame où deux personnes avaient trouvé la mort.
Notre reporter en a discuté à bâtons rompus avec El hadj Aly Diaby, le porte-parole du calife général de Touba. Guineematin.com vous propose, ci-dessous, l’intégralité de cette interview
Guineematin.com: Bonjour Elhadj Diaby, il y a un peu plus d’un an la construction d’une mosquée à Touba, dans la préfecture de Gaoual a tourné au drame. Rappelez-nous l’origine de ces incidents malheureux.
Elhadj Aly Diaby : bonjour et merci. C’est une incompréhension qui est à l’origine de ce problème. La source du problème est simple. Chez nous à Touba, depuis 200 ans, depuis l’arrivée des Karamokhobas et de leurs frères, les Djakhas, l’unité de notre communauté est de mise, et elle est sacrée. Dans notre coutume, si tu veux réaliser quelque chose de privé chez toi on n’y voit pas un inconvénient. Mais quand u veux faire quelque chose de public c’est tout Diakha, y compris Karamokhobayah et tout ça, qui décide ensemble. Les gens dont-il s’agit ont voulu construire une mosquée trop proche d’une autre sans tenir compte des exigences de l’Islam. Car pour construire une grande mosquée il faut tenir compte de l’existence des autres mosquées. Il y a une distance réglementaire d’au moins 1 kilomètre qu’on doit respecter. Mais entre chez eux (les Touraya) et chez nous(les Karambayah) il n’y a même pas 200 mètres.
Guineematin.com : pourtant ces gens étaient détenteurs de papiers leur autorisant de construire la mosquée non ?
Elhadj Diaby : il est vrai qu’on a vu des papiers avec eux mais après nos enquêtes on s’est rendu compte que c’était du faux. Les documents d’autorisation étaient des faux et quand le ministre de l’administration du territoire est allé à Touba, il s’est rendu compte que la mosquée ne pouvait pas être construite à l’endroit souhaité par nos frères. Les travaux avaient commencé mais une décision est venue annuler l’autorisation.
Guineematin.com : comment se fait-il qu’on en soit venu à deux morts à Touba, un endroit réputé jusque là paisible ?
Elhadj Aly Diaby : nous on accuse l’Etat même si ce n’est pas totalement parce que le président de la république a fait preuve de fermeté dans la gestion du dossier.il y a eu un laisser aller. Nous accusons une autre association qu’on appelle Djakha Soungni, qui n’ont jamais résidé à Touba et qui ne connaissent rien donc des réalités de Touba. Ils devraient comprendre c que la loi dit avant d’entreprendre de construire ma mosquée en question. Tous ces gens ont manqué à leur devoir, il y a eu un laisser-faire pendant 2 à 3 ans et on est arrivé à ce qu’il y ait mort d’hommes. Mais si jamais l’Etat avait autorisé la construction de la mosquée légalement, nous ne nous serions pas opposés à cela. Nous n’avons eu aucun problème par le passé avec les autorités, tous les pouvoirs qui se sont succédés en Guinée ont toujours été en bons termes avec Touba. Mais malgré l’interdiction de construire la mosquée et il y a eu manque de fermeté et les activités ont continué. Et on en est venu à ces événements fâcheux où deux innocents ont été tués. Des jeunes venus tout juste pour assister au FIDAOU (sacrifices pour les disparus). Une cérémonie qui se tient chaque deux ans et qui concerne aussi bien les Karambas que les Diakhas. Et on a fait croire qu’ils sont venus uniquement pour détruire une mosquée ce qui est un mensonge.
Guineematin.com : Quels autres dégâts avaient été enregistrés à Touba lors de ces violences ?
Elhadj Aly Diaby : depuis près de 3 ans nous connaissons ces violences. Moi ma maison surplombe le marché de Touba et elle est toujours la première cible des hommes en uniforme qui viennent pour protéger une partie des Tourayah. Une maison vitrée qui a souvent été endommagée au moins 3 fois. J’ai perdu près de 75 millions de francs guinéens dans ces événements. Par contre ceux qui sont opposés à nous n’ont jamais subi le moindre dégât. Et le problème chez à Touba les gens à supporter leurs proches même s’ils savent qu’ils sont dans le faux, je l’ai toujours dit. Ce qui est très mauvais car on te voit sur le mauvais chemin et on te suit aveuglement en te soutenant, on ne cherche pas à te faire voir tes défauts. C’est très fréquent chez nous et même partout ailleurs.
Pour revenir sur ces dégâts j’ai vu des hommes en uniforme entrés dans la mosquée centrale pour la prière de 5 heures pour s’en prendre à des vieux, des personnes âgées, qui ont été atteints par du gaz lacrymogène dans la mosquée. Un vieux Diakhaby est devenu paralytique à cause de ce qu’il a subi et il est à Conakry pour des traitements. Donc si on s’attaque à des vieilles personnes, à une mosquée et à la maison du calife général de TOUBA, c’est très regrettable.
Guineeematin.com : on a appris qu’une importante somme d’argent de 300 millions de francs guinéens serait à l’origine du différend, notamment autour du FiDAOU car ce montant est prélevé pour appuyer l’organisation de la cérémonie. Qu’en dites-vous ?
Elhadj Aly Diaby : c’est une chose qui me fait rigoler. Les gens insinuent que nous vivons seulement sur la rentrée d’argent du FIDAOU qui a lieu chaque deux ans. On n’aurait pas d’autres sources de revenu vous pensez ? Non monsieur, nous avons les moyens de réaliser nos projets aussi bien à Conakry qu’à Boké, à Touba ou même à Paris. Ce sont des choses qui ne sont pas récoltées au bout de chaque deux ans. Nous sommes même des employeurs de beaucoup de personnes avec les PME que nous avons.
Guineematin.com : Quels conseils donnerez-vous à ceux qui veulent voir Touba diviser ?
Elhadj Aly Diaby : sincèrement il faut qu’on arrête. Nos opposants ont commencé par Barboza Soumah, préfet de Gaoual, un homme honnête pour qui nous avons beaucoup de respect. Ils lui ont proposé de réorganiser Touba en créant Touba 1 et Touba 2. Mais ce qui n’a pas marché pour eux. Aujourd’hui celui qui veut diviser Touba en deux, va penser à diviser Boké en 2. Et après demain par ignorance te arrogance il va penser à diviser la Guinée. Et nous sommes prêts à tout pour défendre l’unité de notre village, l’unité de tout Boké et de toute la Guinée.
Guineematin.com : quelles solutions préconisez-vous pour sortir Touba de l’impasse ?
Elhadj Aly Diaby : la solution est simple le calife général nous a délégués ici à Conakry pour rencontrer tous ceux qui sont concernés par ce problème, y compris les autorités au plus haut niveau notamment le président de la république, mais aussi la ligue islamique. On connait la solution, il s’agit de l’annulation pure et simple de la construction de cette mosquée par les Tourayah. Ils peuvent demander une deuxième mosquée mais en passant par la voie légale et conformément à loi islamique sur la distance qui doit exister entre deux grandes mosquées. Je vous apprends aussi qu’il y a des kidnappés y compris 4 vieilles personnes dont El hadj Sidya qui est âgé de 72 ans, détenus à Gaoual. Je me demande comment on peut justifier l’arrestation d’un tel vieux qui n’a jamais rien fait, qui n’a jamais été mêlé aux événements survenus à Touba. Et tenez-vous bien qu’il s’agit d’un monsieur qui est le père de famille d’une communauté d’au moins 4.000 personnes. Avec nos avocats on a entamé des démarches pour pouvoir le libérer même s’il va rester sous contrôle judiciaire. Mais jusqu’à présent c’est sans succès. Et parmi ceux qui ont assassiné nos frères il y a un qui a été libéré parce qu’il était malade. Mais pourquoi libérer un jeune de 35 ans et garder un vieux de 72 ans qui ne va jamais disparaître dans la nature. C’est comme s’il y a une main invisible qui empêche que les choses bougent.
Guineematon.com : quel est votre mot de la fin ?
Elhadj Aly Diaby : On demande la libération pure et simple des personnes incarcérées à Gaoual car nous suivons le dossier depuis plus d’un mois jus que là sans suite. Je demande au chef de l’Etat, à la ligue islamique et au ministère de l’administration du territoire de se mêler directement de ce dossier et de ne pas consulter les gens qui sont entrain de tourner autour d’eux ici à Conakry. La source du problème c’est à Touba ceux qui sont ici à Conakry ne connaissent même pas bien Touba. Ce sont des hypocrites qui cherchent à trouver des petites sommes d’argent à gauche et à droite. On ne cache rien et on a peur de rien car on fait ça pour protéger la Guinée et protéger Touba.
Propos recueillis par Alpha Mamadou Diallo pour Guineematin.com
