Exploitation minière : le double standard menace la sécurité environnementale en Guinée

StandUne table-ronde nationale sur les Mines et la Biodiversité a  été ouverte à Conakry hier, mardi 7 juin 2016. Elle est organisée par les autorités guinéennes en collaboration avec International Finance Corporation (IFC), membre du Groupe de la Banque mondiale. La table-ronde  vise à comprendre l’évolution du cadre stratégique relatif à la biodiversité et aux mines, a appris Guineematin.

Présidé par le Ministre des Mines et de la Géologie, la rencontre a enregistré la présence des opérateurs miniers, organisations multilatérales, société civile et communautés locales. Durant trois jours, ces acteurs vont d’abord communiquer sur les impacts cumulés potentiels des projets miniers et identifier les méthodes de gestion des risques liés à la biodiversité.

Ensuite, échanger sur les rôles, responsabilités et capacités des différentes parties prenantes et enfin explorer les possibilités de partenariat et d’action concertée pour protéger les écosystèmes et leurs ressources.

Pour le  Ministre des Mines et de la Géologie, Abdoulaye Magassouba, « Seul un environnement préservé permet l’atteinte d’un développement durable. Cependant, note-t-il, la préservation de cette biodiversité unique dont la Guinée bénéficie, nécessite un encadrement de l’activité humaine avec une réglementation efficace », a fait remarquer le ministre des Mines, qui dit être conscient que l’activité minière doit coexister avec la conservation de la biodiversité.

Selon le Fond Mondial pour la nature, l’humanité a perdu dans ces quarante dernières années près de la moitié des mammifères, des oiseaux, des reptiles, des amphibiens et des poissons. Ces constats interpellent tous les acteurs, explique la Cheffe du Département Environnement et Social d’IFC (société financière internationale).

Pendant les discussions, des participants se sont étonnés du deux poids deux mesures, c’est à dire du double-standard qui prévaut dans le secteur Minier. Un participant à la table-ronde a posé la question de savoir : « pourquoi d’autres sociétés comme Rusal, GAC et CBG respectent les exigences de la SFI et la Chinoise SMB ne  respecte aucune règle écologique, aucun standard proposé par SFI. Avec ce double standard, comment allons-nous parvenir autour de cette table-ronde à unifier ces standards pour toutes les sociétés ».

Répondant à cette pertinente question, le représentant de BGEEE dira « que les sociétés qui ne sont pas affiliées à la Banque Mondiale et à SFI ne respectent pas parfois le standard de SFI. Cependant, le code minier guinéen prévoit la réalisation d’une étude d’impact environnemental et social  qui sera  déposé au ministère pour validation. La SMB a effectivement réalisé une étude d’impact environnemental et social assorti d’un plan. Mais, la réalisation d’une Étude d’impact environnemental est une chose et l’application en est une autre », a martelé le représentant de BGEEE.

Pour parvenir à une bonne gestion de l’environnement et à la protection de la biodiversité, il est nécessaire, voire indispensable de parvenir à uniformiser les standards pour toutes les sociétés. Et, cette démarche revient aux autorités en charge du secteur des mines.

D’ailleurs, une autre question qui se pose est de savoir comment la SMB a réussi à faire valider par le BGEEE et autres autorités compétentes son rapport EIES qui dit clairement que les exigences de la SFI ne sont pas applicables au projet SMB en citant certaines d’entre eux à titre, dit-il, indicatif ? Ce rapport soutient, entre autres, que celles-ci auraient été applicables au cas où l’implication financière de la SFI serait nécessaire.

Pourtant,  est-il besoin de rappeler que ces standards font partie des meilleurs standards et pratiques internationaux en matière environnementale auxquels doit être conforme toute activité minière en Guinée, en vertu des dispositions de l’art.142 de notre Code Minier en vigueur ?

Cet aval du rapport EIEIS de la SMB par le BGEEE est d’autant plus étonnant que ce rapport fait référence aux politiques opérationnelles de la SFI qui ne sont plus applicables depuis le 1er janvier 2012 car ont été remplacées par les Normes de performance en matière de durabilité environnementale et sociale ?

Il est connu, à travers des exemples très concrets, que les investisseurs chinois dans les mines accordent peu d’intérêt à la protection de l’environnement. L’on se rappelle  quand la Chine a décidé de se tourner vers l’Indonésie, qui est devenue son principal fournisseur de bauxite au début des années 2010. Mais, en 2012, le gouvernement indonésien a brutalement décidé d’interdire l’exportation de minerais bruts, y compris la bauxite.

Contraints de rechercher des sources d’approvisionnement alternatives, les aluminures chinois se sont alors tournés vers la Malaisie, qui n’a pas tardé à remplacer l’Indonésie. La production de bauxite y est passée de 200 000 tonnes en 2013 à 20 millions en 2015, une augmentation du jamais vue en si peu de temps, mais qui en dit long sur la destruction de l’environnement de ce pays.

Après des fiascos au  Vietnam, l’Indonésie et la Malaisie, la Guinée et ses réserves naturelles de bauxite sont dans la ligne de mire des investisseurs chinois. Des opportunités d’affaires importantes à première vue pour le pays africain, mais aussi des risques pour l’environnement et la santé des Guinéens.

Déjà, en Guinée depuis le 20 juillet 2015, date du chargement des premières tonnes de bauxite au port fluvial de Katougouma, jusqu’au 6 mars 2016, la société minière de Boké (SMB), en huit mois, a connu 24 grèves !Les jeunes de Correira accusent régulièrement la Société minière de (SMB) d’avoir pollué leur environnement (pollution de l’air), provoquée par les gros engins de cette société, qui circulent quotidiennement sur la route traversant leur quartier et ses environs sans le moindre arrosage des pistes.

Bref, pendant les travaux d’ouverture de la Table-Ronde, les intervenants ont mis l’accent sur la nécessité de concilier exploitation minière, protection de la biodiversité et croissance économique. Mais, comment parvenir à concilier ces trois objectifs si l’autorité fait usage du double langage ? D’un côté de la route il existe des sociétés qui respectent la loi et de l’autre, celles qui  font ce qu’elles veulent sur le terrain.

Quelle équité !

Ibrahima Baldé

 

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