Destruction de l’environnement à Boké : la SMB refuse l’accès des députés à ses installations

députés, EnvironnementPartis de la capitale guinéenne avant-hier, dimanche 17 juillet 2016, pour effectuer une mission de constat sur l’état de la dégradation de l’environnement sur le littoral, les députés de la commission ressources naturelles, environnement et développement rural, se sont heurtés hier, lundi 18 juillet 2016, au refus des responsables de la Société minière de Boké (SMB),  de tout contact, à l’entrée de leur base-vie, a constaté sur place Guineematin.com, à travers son envoyé spécial.

Dès l’arrivée de la délégation devant la base-vie, les députés, accompagnés du maire de Tanéné, Samba Oumar Camara, et du Directeur préfectoral de l’environnement, Ibrahima Taliby Diallo, se sont vus interdire l’accès ! A la question de savoir pourquoi les élus du peuple ne devraient pas entrer, l’agent a rétorqué : « personne ne doit rentrer ici… ».

Par la suite, les députés apprendront, très surpris, que  cette interdiction viendrait du ministre d’Etat chargé des investissements à la présidence de la République, Dr. Ibrahima Kassory Fofana ! Aux dires du responsable des relations avec les communautés, N’Famara Kourouma, c’est Kassory Fofana « qui  a instruit que personne n’ait accès à la SMB, s’il n’est pas muni d’un ordre de mission de l’exécutif ».

Une explication qui a fait monter la colère des députés qui ont insisté et finalement réussi à accéder à l’enceinte, non sans avoir brandi leur ordre de mission, des lettres d’informations aux différents départements ministériels et autorités locales…

La parenthèse fermée après 30 longues minutes d’échanges houleux, les députés se sont retrouvés dans la salle de formation avec certains responsables de la SMB, sous la coupe de N’Famara Kourouma, plus Chinois que Guinéen dans ses interventions.

Sa thèse selon laquelle, la SMB « dispose de tous les documents légaux, notamment la convention ratifiée au Parlement, le plan de gestion environnementale et sociale, les études de faisabilité et est en harmonie avec les collectivités et particulièrement les populations riveraines » n’a pas tenu longtemps. Quoi qu’il ait affirmé que la société a débloqué 25 milliards de nos francs pour dédommager les villages impactés ou encore que son boss de Singapour « par gentillesse » a offert des forages aux populations, construit un centre de santé, un centre d’apprentissage, aménagé 37 hectares de plaine pour les populations et recruté beaucoup de jeunes de la place.

SMB, port fluvial de KatougoumaAprès un tour sur le plateau trois sur les quatre que dispose actuellement la mine ; et une escale au port fluvial, les parlementaires ont retrouvé les populations de Katougouma, massivement mobilisées autour de leur président de district, Mohamed Lamine Camara.

En langue locale, le chef de la mission, l’honorable David Camara, après avoir exprimé la gratitude de sa délégation, a prêché pour l’entente et la bonne cohabitation entre les populations riveraines et la société. L’honorable Camara, rappelant les actions dangereuses de l’homme dans la destruction de l’environnement, a appelé chacun à s’impliquer pour sa restauration et sa sauvegarde, passage obligé pour assurer un développement durable et harmonieux de nos localités.

Au nom de l’assistance, le vice-président du district, Karamba Bayo, le responsable des jeunes, Mouctar Touré et la présidente des femmes de Katougouma, Yakary Diallo, tout comme Moussa Gandéka, tous amers et frustrés, ont pris la parole pour dénoncer la cohabitation avec la société minière de Boké et pointé un doigt accusateur sur le responsable des relations avec les communautés, N’Famara Kourouma.

Ils accusent la SMB, à travers lui, de licenciements arbitraires, de refus de recruter la main d’œuvre locale, de procéder à la remise des infrastructures réalisées en faveur des populations (centre de santé réalisé depuis près d’un an mais toujours fermé, 5 forages creusés sont non utilisés et les 37 hectares de plaine aménagés, toujours non exploités …).

Mais, plus grave, ces populations confirment ce que les députés ont entendu depuis leur arrivée à Boké et de plusieurs bouches. A savoir, le non respect des autorités locales par les patrons de la SMD. Il semble que depuis le passage de Kassory Fofana dans les lieux, accompagnés des ministres Général Bouréma Condé de l’Administration du territoire et de Abdoulaye Magassouba des mines, aucun responsable, ni le gouverneur, ni le préfet, ou encore les élus locaux, n’a le droit d’aller à la rencontre de la société, sans l’aval de Conakry.

Tous les intervenants ont pointé un doigt accusateur sur monsieur Kourouma, qui, selon eux, se livre à des licenciements arbitraires de leurs enfants et ne respecte jamais sa parole face aux communautés. Partant, ils ont menacé de bloquer les activités de la société dès ce mardi jusqu’à ce que leurs revendications soient prises en compte. Et ce, après avoir clairement indiqué « c’est N’Famara Kourouma qui fera fermer la SMB, par son comportement ».

Mis dans un dilemme, les députés ont fini par choisir l’option de la quiétude et appelé les populations à la retenue et de ne surtout pas mettre à exécution leur menace de révolte. Ils ont promis à travers le chef de la délégation et l’honorable Mamadouba Tawel Camara, natif de Boké, de s’impliquer dans la résolution des problèmes posés. Ils ont donné des garanties  pour un examen responsable de leurs revendications.

La SMB, lancée en juillet 2015, exploite et exporte par jour entre 50 mille et 60 mille tonnes de bauxite, soit 1, 5 millions à 2 millions de tonnes par mois, à travers des barges remorquées de Katougouma jusqu’aux gros porteurs en haute mer. A date, ils emploient quelques 3 000 personnes (à travers la SMB, l’UMS et WAP, trois des cinq sociétés du consortium qui exploitent et commercialisent ce minerai).

A rappeler qu’avant l’étape de Katougouma, la délégation a été reçue dans la matinée par le préfet, Mohamed Lamine Doumbouya, entouré de ses cadres, et partie visiter une pépinière de plusieurs milliers de Mélina, de Morinaga et d’anacardiers. Puis, les députés sont allés à la rencontre des autorités  de la sous-préfecture de Tanéné où ils se sont entretenus avec le sous-préfet et ses principaux collaborateurs dont le maire de la commune, Samba Oumar Camara.

La délégation, après la commune rurale de Tanéné où elle a eu de fructueux échanges avec les responsables locaux, est allée visiter la forêt de 35 ha de Diarabaka, avant de se rendre ensuite au bord du Tinguilinta, principal fleuve du bassin Company.

Ce fleuve, tout comme plusieurs autres à travers le pays, est menacé de disparition (vu le niveau d’eau actuel, très bas, et en pleine saison de pluie), à cause de la coupe abusive du bois qui pourrait être aggravée par l’implantation très prochaine d’au moins trois ports fluviaux et miniers.

A rappeler que ce mardi 19 juillet 2016, les députés sont en train de visiter le littoral du côté de Kamsar, ville-capitale de la CBG (compagnie des bauxites de Guinée).

De Boké, Abdallah Baldé, envoyé spécial de Guineematin.com

Tél : +224 628 089 845

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