Accrochage entre Me Béa et le procureur : « je ne suis pas zélé, je n’ai fait que mon travail », dit Sidy Souleymane

Maître Salifou Béavogui« Monsieur le président, si vous l’envoyez en prison, vous aurez envoyé un politicien en prison. C’est le zèle, c’est un dossier zélé… », a dit maître Salifou Béavogui, le talentueux avocat de l’honorable Ousmane Gaoual, avant d’être interrompu par le procureur.

Guineematin.com vous propose, ci-dessous, le décryptage d’une tranche de la plaidoirie de maître Salifou Béavoqui, au TPI de Dixinn, ce vendredi 12 août 2016.

Monsieur le président, je vous remercie pour la qualité des débats, vous êtes d’ailleurs un habitué. Je voudrai que vous soyez comme ce juge Tunisien, Yayahou, qui a eu l’audace de débouter le Président. Je voudrais que vous soyez comme ce juge béninois, a qui on a adressé le dossier sur l’empoisonnement, où il était reproché à Patrice Talon d’avoir voulu empoisonner Boni Yayi, et qui a rendu la bonne décision.

Monsieur le président, c’est une infraction politique que vous avez par devant votre tribunal. Une infraction est politique lorsque le sujet est politique. Vous avez un politicien devant vous. Si vous le condamnez, vous aurez condamné un politicien. Si vous l’envoyez en prison, vous aurez envoyé un politicien en prison. C’est le zèle, c’est un dossier zélé…

« Qui vous disiez être zélé ? Je ne suis pas zélé, je n’ai fait que mon travail », a coupé le procureur Sidy Souleymane N’Diaye, avant de présenté ses excuses à Me Bea pour l’avoir interrompu.

Une excuse qui aussitôt acceptée par maître Salifou Béavogui qui a poursuivi sa plaidoirie…

Monsieur le Président, je vais remercier mes confrères de la défense, je vais remercier le bâtonnier qui, en dépit de ses fonctions, est resté présent tout au long de ce procès. Je remercie également les avocats de la partie civile et particulièrement Me Dinah Sampil pour m’avoir reçu à son cabinet pour la première fois en 1996.

Monsieur le Président, le destin a fait que je me retrouve dans les dossiers sensibles, mais j’ai opté pour ça. Je suis interpellé à longueur de journée sur le fait que je sois avocat de l’opposition. Mais, je vais défendre la bonne cause.

Monsieur le Président, l’infraction par diffamation, je m’en méfie, parce que c’est une infraction de règlement de compte. J’ai un dossier de diffamation de 2003, un dossier dont aucune décision n’a été rendue jusqu’à ce jour, parce qu’il opposait Sékou Kobelet du régime de Sékou Touré à celui de Conté. Jusque-là, le dossier n’a pas été vidé, il est en délibéré, a-t-il dit, avant de présenter le document au public.

Monsieur le Président, ce procès pour moi, c’est un procès qui ne devrait pas avoir lieu. Dans un autre pays, ça  n’aurait pas été une nécessité, tellement que le Président a beaucoup à faire, l’économie, la santé, la vie de la population…

Monsieur le présent, en Europe, le délit de politique n’existe plus. Aujourd’hui, qui ne veut pas aller en France, tous nos ouvrages sont des copies-collés de la France. Partout au monde, le délit d’offense n’est plus d’actualité, c’est un procès qui n’en vaut pas la peine.

Donc, le procureur de la République ne devrait pas se saisir de ce dossier. Vous avez vu le salon de l’emploi en France où une jeune a insulté le Président de la République ? Aujourd’hui même, le Président de la République est assis dans son bureau entrain de penser à la situation économique de sa population, comment sortir ce pays de l’ornière… (a-t-il enchaîné, avant de citer une déclaration de l’Union Africaine interdisant le délit d’offense au chef de l’Etat).

Ce procès m’énerve, c’est une manière de massacrer les leaders politiques, faire taire les opposants…

Monsieur le Président, l’honorable Ousmane Gaoual Diallo n’est pas n’importe qui ! Il est le conseiller politique du chef de file de l’opposition, qui prend place aux côtés des institutions républicaines. Il y a quoi de plus grave que des accusations de coup d’Etat, une atteinte à la sûreté de l’Etat ; mais, rien n’en a été, alors qu’il n’avait aucune preuve ses accusations. Il y a du de poids deux mesures, c’est quelle justice ça ? J’aurais été un peu réconforté si celui qui porte l’accusation avait été convoqué par le procureur de la République pour donner la preuve de ses accusations… On dit en Guinée qu’il n’y a jamais eu d’interpellation, le procureur attends notre plainte, il va longtemps attendre. Ce qui est grave, ce sont les propos de Ousmane Gaoual ! Oui, un  crime, monsieur le Président, qui donne lieu à un procès expéditif.

Monsieur le Président, Ousmane Gaoual est un ingénieur, il a un master en administration des affaires de l’université de Monréal, il a fait des preuves, aussi bien au Canada, en Europe… Il ne peut pas disposer de tous ses moyens pour être trimballé ici ! C’est un sportif, il a participé aux jeux olympiques, il a fait du judo, il a participé au championnat de France… Même les avocats de la partie civile ont reconnu hier ses mérites…

Monsieur le Président, tout est parti de quoi ? Pour protester contre les multiples violations de la République, le manque de dialogue, la cherté de la vie… Bref, le coût de vie.

Monsieur le président, j’ai ici l’article 26 constituant la charte du statut de l’opposition républicaine en République de Guinée.

Monsieur le Président, chaque fois que l’opposition porte plainte, la justice fait une odeur de refus, la plainte des femmes de l’opposition en fait foi, où la justice a dit être incompétente…

Mais quand c’est de l’autre côté, la justice est prompte à recevoir. Excusez-moi, ce sont les responsables du RPG qui se lèvent pour dire que le chef de file l’opposition est traité de loubards, d’animer un parti de loubard, qui veut faire un coup d’Etat, ils ne sont pas craints !

Monsieur le Président, l’histoire tourne, les militants du RPG sont restés fidèles, ils ont souffert, mais ils sont restés constants. C’est ce que je conseil à mes clients. Mais, ceux qui sont venus en dernière position au RPG, ceux qui changent à tous les vents, au gré des sauces, monsieur Hady Barry en est un de ceux-là, les Malick Sankhon qui militaient pour le régime de Lansana Conté. Les leaders politiques sont traités de loubards. Monsieur Bantama Sow, à l’occasion d’une assemblée générale a dit que l’opposition a 1 000 jeunes et que eux ils ont 10 000 jeunes. Et, là, ce sont des propos très graves et plus graves d’ailleurs, a notamment plaidé maître Salifou Béavogui, avant la suspension de l’audience par le président du tribunal.

Propos recueillis au TPI de Dixinn par Ibrahima Sory Diallo et Kadiatou Baldé pour Guineematin.com 

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