Les tranchantes de Thiâ’nguel : « Soliloque d’un veilleur de coq ! »

thianguel«… pour ceux qui ont fait de moi leur ennemi juré, qu’ils sachent que je n’ai pour eux que compassion et des cœurs lavés de toute guerre larvée. Que les nuisances qui bruissent au fond d’eux comme une marmite ébouillantée scellée se mue en une fraîcheur qui repose dans la paix… », revoilà Thiâ’nguel et ses tranchantes.

Il y a des jours comme ça… Des jours où le sentiment d’injustice te serre la gorge au point de t’asphyxier. Tu regardes ta vie et tu sens tes yeux de colère s’imbiber. Tu lèves les plumes pour boxer, mais tes ailes n’ont pas d’autre choix que de retomber. Parce que t’es pas de ceux qui croient en la violence comme alternative à perpétuer, à perpétrer. T’es pas de ceux qui remuent le croupion quand une poulette est cloîtrée dans la douleur de l’obscurité. T’es pas de ceux qui s’éclairent des ténèbres qui glacent les autres et « qui ouvrent un large bec » parce la proie de ton prochain est tombée…

Il y a des jours comme ceux-là… Des jours où tu lèves la crête vers les cieux pour demander ce que t’as commis comme péché. T’essaies de te souvenir du lieu et du moment où t’as pris la décision qui t’a conduit à cet endroit tourmenté. Pourtant, du mal, t’en as pas fait. De la douleur, t’en as pas causé. Des larmes, t’en as pas fait verser.  Du chagrin et des soucis, t’en as jamais fait pousser dans ton parcours de poussin insouciant et de coquelet guilleret. T’as juste fait des choix et conduit ta petite barque au gré d’une conviction inébranlable et figée : l’amour de ton poulailler et la nécessité pour toi de te mettre au service de cette idée que la pauvreté et la haine ne sont pas une fatalité. Que tu peux apporter ta graine à picorer dans cette espérance qui doit tout le temps être à-portée. Servir aussi honnêtement ta fratrie mille fois écorchée. Lui apporter un peu de pansement à ses blessures du cœur et du corps pour lui garantir un sommeil plus léger…

Il y a des jours comme ceux-ci… Des jours où sous tes pattes la terre semble se dérober. Où tout le monde semble suspect. Où le cœur palpite de déraison et d’irascibilité. Où le vent souffle de beaux regrets et le soleil brille de rayons niais.  Où les étoiles sont terrifiées à l’idée que la lune leur soit enlevée. Où tu regardes par dessus ton épaule pour t’assurer que la main qui te hèle est celle de l’amitié, non pas le canif de l’esprit malin qui a juré de t’égorger. Où ton ventre se noue chaque fois que ta pensée dérive vers des sujets et des forcenés que ton esprit a déjà pré-sélectionnés et rangés dans des boîtes conditionnées. Pourtant, rien ne semblait te prédisposer à une aventure si palpitante et si effrénée. Rien, rien dans ton chemin étiré dans le passé n’indiquait cette bifurcation inopinée. Rien, rien de rien dans ce sillon qu’on t’a tracé, dans cet amas d’activités que t’as voulu et qui t’a volé ne semblait dire que demain on te frapperait du couteau acharné de l’inimitié…

Il y a des jours comme ceci… Des jours où l’on se demande pourquoi tant de douleurs et d’horreurs se sont donnés rendez-vous dans la même cité. Pourquoi peut-on provoquer et ensuite torturer parce que  certains n’étaient pas du bon côté. Laisser en toute liberté les provocateurs se promener et inquiéter ceux qui ont été les premiers à interpeller. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une justice qui a perdu le sens de l’égalité et de la légalité. Une justice qui vibre de l’aveugle illégalité aux allures d’un éléphant dans un magasin de porcelaine sans aucune sérénité. Des victimes innocentes se comptant dans la crasse du sang giclé et la saleté, dans la mélancolie des embastillements recommencés et des enterrements récidivés. Chaque graine de convocation jetée est un traquenard pour emprisonner.  Chaque manifestation de rue organisée est un prétexte pour être maté, pillé et tué. Les corps, les biens et les âmes se frottent tous les jours à la dextérité des forces de l’ordre déchaînées. Derrière, on veut que tout le monde la ferme et subisse la loi des enragés. Derrière, on veut qu’on continue en silence à pleurer, qu’on continue dans la boue à s’enfoncer, pendant qu’eux, de plus en plus, vers la lumière s’entêtent à s’élever. Alors qu’ensemble les foutus rayons de soleil on devrait partager…

Il y a des jours comme ça… Des jours où ton ventre de colère n’arrive pas à se dénouer. Des jours comme ceux-là, où ton cœur danse au rythme d’une chevauchée aussi insondable que désespérée, se tordant de ces convulsions dont tu pouvais jamais te douter. Des jours comme ceux-ci, où ton esprit susurre que tôt ou tard dans ce pays tout finira par bien aller, qu’un jour ou l’autre ceux qui ont juré de nous vampiriser finiront bien par se calmer, que ceux qui nous ont injustement écorché finiront bien par s’apaiser et se racheter. L’histoire a ceci de particulier que partout elle un regard fixé. Comme Dieu du haut de son trône perché. Tous deux observent et sont les capteurs d’un récit auquel ils ne ratent pas un souffle de mot lâché ou une effluve d’acte posé. En attendant, pour ceux qui ont fait de moi leur ennemi juré, qu’ils sachent que je n’ai pour eux que compassion et des cœurs lavés de toute guerre larvée. Que les nuisances qui bruissent au fond d’eux comme une marmite ébouillantée scellée se mue en une fraîcheur qui repose dans la paix. J’espère qu’ils connaîtront, comme moi, le bonheur d’avoir partout des amitiés. Parce que je n’ai pas de doute que c’est parce que dans leur vie ils sont esseulés qu’ils veulent m’éliminer. Espérant que le Tout-Puissant entende mes prières qui lui sont sincèrement adressées, il est temps je ferme ma gueule et je dégage !

Soulay Thiâ’nguel

Facebook Comments Box