« Je ne reconnais plus le Professeur Alpha Condé », par Ani Touré Washington, DC

Libre Opinion : Dans la vie entortillée des hommes, il arrive des moments fatidiques, où l’homme est tenu à se démarquer de toute démarche qui frise le laisser-aller, l’insouciance, et l’émergence d’un potentat aux relents despotiques.

Aux nombreuses personnes qui m’ont conseillé patience, car le « vrai changement » est à l’horizon,  je dirai simplement que je suis au  bout du rouleau. En effet, dès les premières heures de la gouvernance du Président Alpha Condé, je n’ai épargné aucun moment pour  donner mon avis sur la politique générale de la Guinée. Mes remarques couvraient toute la panoplie d’incertitudes et de problématiques, portant sur l’interaction avec les membres de l’opposition, le conflit avec M. Lansana Kouyaté, et l’incompétence avérée de certains ministres guinéens.  J’ai cru naïvement que seul le Professeur Alpha Condé, parmi la classe politique guinéenne, pouvait extirper la Guinée du marasme dans lequel elle a été ensevelie. Mon espoir était d’autant plus grand, que j’apercevais à l’horizon une équipe compétente de technocrates et personnes de bonne volonté pour mettre la Guinée sur les bons rails. Dommage! Pis, il y a quelques années,  nous (les membres de la section du RPG à Washington DC) avions remis, par le truchement d’un haut dirigeant du parti, une lettre au Président dans laquelle nous mettions en exergue les conséquences insidieuses de l’impunité, la publication des audits, la nécessité de consolider l’unité nationale, et le manque de coordination entre la direction du parti en Guinée, et les différentes sections du parti à l’étranger.  Personnellement, et malgré les rebuffades colériques du Président de la  République, je n’ai jamais baissé les bras, et j’ai donné contre vents et marées mon opinion sur ce qui marchait,  et ce qui clochait.  Malheureusement, mes conseils se sont métamorphosés en lettres mortes.  Dommage! Face à cette triste réalité et aux manquements que je citerai plus bat, ma conscience m’oblige à prendre mes responsabilités.

Contexte Historique :   Mon adhérence au RPG remonte à 1991, année à laquelle j’ai rencontré, la première fois,  le Professeur Alpha Condé à Washington, DC.  Je dois avouer que je fus séduit par cet homme qui affichait un sens profond du patriotisme, un dépassement de soi, et une empathie pour les masses qui souffrent.  Je puis dire sans fausse modestie, que j’ai organisé, avec l’appui d’un nombre restreint de  compatriotes toutes les rencontres du Pr Condé avec la communauté guinéenne résidant à Washington DC, de 1991, jusqu’à sa libération en mai 2001. J’ai organisé des manifestations, sous la pluie et le soleil, pour que mon pays puisse décoller dans de bonnes conditions.  Je n’ai marchandé ni mon argent, ni mon énergie, ni mon temps pour soutenir toute action qui allait dans le sens du développement de la Guinée.  Je suis allé au Congrès Américain avec des membres de l’opposition (UNR et UPR) pour dénoncer les dérives du gouvernement Conté. Toujours au Congrès, nous avons mis à jour l’arrestation illégale et anticonstitutionnelle du Professeur Alpha Condé.   J’ai passé des nuits blanches à publier sur Boubah.com toutes les séances du procès du Pr Alpha Condé.  Bref, je me suis battu, bec et ongles  pour cet homme, dans les medias, dans les radios privées, et dans les débats publics, sans demander une contrepartie quelconque.  Dommage!

Beaucoup seront sidérés d’apprendre que ni le Président, ni les membres de la direction du RPG ne m’ont demandé mon avis sur un sujet qui relève de ma compétence.  Pourtant, ils savent tous que j’ai passé toute ma vie professionnelle au sein de l’administration américaine.  Pas la moindre question sur mon expérience ! Un comportement qui s’apparente à une faute professionnelle inexcusable.  Il semblerait qu’on abhorre la connaissance, ou les personnes qui disent des vérités crues au sein de ce parti ! Ainsi soit-il !

Mon Constat : Certes, Il y a eu des progrès en Guinée! Cependant, on aurait pu mieux faire, en axant notre énergie sur l’unité nationale, la santé, l’assainissement de la ville, la transparence dans la gestion des affaires de l’Etat, et le choix judicieux des cadres de l’Etat.  Dommage! J’ai le cœur serré quand j’affirme que  le Président Alpha Condé est réfractaire à toute critique, soit-elle justifiée ou pas.  Ayons le courage d’appeler un chat un chat !  Pis, il semble ressentir un plaisir énorme à rabrouer sommairement ses interlocuteurs, à telle enseigne que tout dialogue franc est vicié, a priori, par cette propension à intimider, et réduire ses interlocuteurs à de simples pantins qui ont perdu horriblement le sens de leur humanité. Pourtant, nos respectables grandes valeurs africaines proscrivent l’indélicatesse, et l’humiliation des personnes âgées. Mieux, cette grande culture nous enseigne le dialogue inter fraternel dans le respect absolu des idées des uns et des autres. Dommage ! Une conséquence fâcheuse du comportement du Président de la République : Personne n’ose lui dire la vérité !  J’ai assisté à des scènes incroyablement pitoyables où des pères de famille se réduisent  à l’expression la plus vile qu’on puisse imaginer pour faire plaisir au « Patron ».  Quelle tristesse !  Je ne reconnais plus l’homme qui se battait pour les moins nantis.  Au contraire, j’observe un homme miné par une contenance arrogante,  et les délices du pouvoir. Il ne serait point fantaisiste d’affirmer que l’homme a perdu son humilité, à tel point qu’il s’est érigé un piédestal sur lequel il règne avec autorité et dédain pour les autres. L’air du pouvoir absolu diront les méchants !  L’empereur n’écoute plus, et croit tout savoir!   Pourtant,  Socrate affirmait sagement : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien, tandis que les autres croient savoir ce qu’ils ne savent pas ».

Plus écœurant, la corruption gangreneuse se métastase en Guinée.  Je ne pouvais jamais imaginer, une seule nanoseconde,  qu’un gouvernement ou administration  d’Alpha serait mêlé de loin ou de près à la corruption.  Malheureusement, beaucoup de signes montrent à suffisance que la corruption s’installe dans la cité.  Pendant que de hauts responsables, et une minorité d’individus s’enrichissent illicitement, les hôpitaux guinéens, et la cité sont délabrés et en totale déliquescence.  Dommage !

 Conclusion : Vu le sur-place déconcertant de la politique gouvernementale guinéenne, le manque de sérieux dans la gouvernance, et la corruption gangreneuse qui s’installe insidieusement dans les entrailles de l’Etat, il est temps que les consciences vives s’élèvent comme un homme pour infléchir cette tendance désastreuse.  Ce qui arrive aujourd’hui au RPG, c’est-à-dire un leadership en décalage avec les masses,  peut arriver demain à n’importe quel parti politique guinéen.  Conséquemment, nous comptons mettre sur pied un mouvement de salut public pour sortir notre pays de l’ornière.   Nous voulons et savons compter sur les hommes, toutes ethnies confondues,  de bonne foi, la jeunesse, et surtout les femmes pour relever le défi et mettre en place les critères nécessaires pour sortir notre pays de la misère.  Vive la Guinée unie et prospère.  Ainsi soit-il !

Ani Touré Washington, DC

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