Un an après le meurtre d’un journaliste à Conakry : qui a tué Mohamed Koula Diallo ?

Le 05 février 2016, un drame jusque là non élucidé s’est produit à l’entrée du siège de l’UFDG, à Commandanyah, dans la commune de Dixinn. Revenu de son exil quelques jours auparavant (24 janvier 2016), Bah Oury, a été exclu du parti le 4 février et interdit de participer à la réunion du bureau exécutif qui se tenait, comme tous les vendredis après-midi. Mais, le vice-président du parti a contesté la qualité de l’instance (Cellou Dalein Diallo et ses affidés) et jugé leur décision de nulle et de nul effet…

Grâce aux échanges par voie de presse et via certaines médiations, on a vite compris que Bah Oury ne s’empêchera pas de forcer sa participation à cette réunion. D’ailleurs, à un reporter de Guineematin.com qui a passé la journée avec lui et qui l’a interrogé peu avant le départ de son domicile pour le siège, Bah Oury avait réitéré son intention de participer à la réunion, advienne que pourra ; il avait même accepté d’embarquer notre journaliste dans son véhicule pour aller ensemble… Mais, à leur arrivée, le portail était fermé et des agents chargés de la sécurité de l’UFDG qui y étaient postés ont empêché Bah Oury d’entrer. C’est là qu’est née la bousculade dont personne- un an après- ne parvient à clairement expliquer le déroulement. Ce qu’on sait, une balle est sortie d’un fusil et a atteint à bout portant Elhadj Mohamed Koula Diallo, venu couvrir cet évènement exceptionnel (c’est l’unique couverture médiatique d’une réunion de bureau politique en Guinée) au compte du site Guinee7. Nous avons d’ailleurs eu la lourde charge d’informer son patron, puisqu’un de nos reporters était juste à côté et a d’ailleurs participé aux efforts d’évacuation du journaliste qui rendra l’âme peu après cette balle mortelle…

Mais, qui a tué Elhadj Mohamed Koula Diallo ?

Au départ, tous les journalistes ont reproché les reporters qui étaient sur place de n’avoir pas été alertes. Comment expliquer qu’aucune caméra n’ait pu filmer le tueur avant, pendant ou après son tir, alors que toutes les caméras des nombreux  journalistes présents étaient braquées sur ce couloir ?

La haine politique et la volonté de nuire

Seulement, peu de temps après la mort du journaliste, les deux camps qui s’affrontaient à la tête de l’UFDG ont décidé de donner une autre orientation au débat.

Dans une déclaration adressée à la presse, le camp de Cellou Dalein Diallo a accusé Bah Oury d’être allé avec une arme et d’avoir tiré sur le journaliste. Les proches du président de l’UFDG ont alors laissé entendre que si Bah Oury voulait tant entrer, c’était pour tirer sur Cellou Dalein Diallo ! Et, sans tarder, Bah Oury a retourné l’accusation contre Cellou Dalein Diallo. Et, là, ça a vraiment intéressé les enquêteurs qui ont aussitôt exclu toute autre piste…

Les jours, semaines et mois qui ont suivi, les enquêtes désormais tournées exclusivement sur les agents de la sécurité de l’UFDG, ont permis de mettre aux arrêts 20 d’entre eux. Ces agents seront emprisonnés pendant de longs mois à la Maison centrale de Coronthie. Le 10 mai 2016, un d’entre eux, Mamadou Saïdou Bah, a été rappelé à Dieu, retrouvant ainsi Elhadj Mohamed Koula Diallo au royaume du silence, sans qu’on ne sache, ici-bas, ce qui s’est réellement passé. Et, le 05 août 2016, la justice a annoncé la libération de 18 agents. Mais, ce sont 17 agents qui sortiront et on comprendra que feu Mamadou Saïdou Bah avait été injustement emprisonné. Depuis, deux membres de la garde de l’UFDG (Algassimou Kéita et Amadou Sow) restent en prison. Lors d’une conférence de presse, les avocats du principal parti de l’opposition guinéenne accuseront les enquêteurs d’avoir manipulé et trompé Algassimou Kéita pour accuser Amadou Sow, tout en niant toute culpabilité de ces deux agents… Et, depuis, pas de procès, c’est le statuquo !

Et, s’il y avait une autre piste ?

Ces derniers temps, notre confrère, Africaguinee, a donné la parole à un des frères de Mohamed Koula Diallo qui a déploré la politisation du dossier de son frère. Bachir Diallo a dit que ce ne sont ni des hommes de Cellou Dalein, ni de Bah Oury, qui sont derrière la mort d’Elhadj. Il a plutôt accusé leur oncle paternel, Mouctar Diallo, qu’il dit avoir préalablement menacé le défunt. Est-ce une autre piste à explorer ?

Par ailleurs, depuis un an, plusieurs commentateurs essaient de susciter la curiosité sur le professionnalisme du tueur, notamment le fait qu’aucune des personnes présentes sur le lieu du meurtre n’ait pu voir d’où est venue cette balle assassine. Et, si un sniper avait été préparé et positionné de loin avec un fusil professionnel pour tuer un journaliste et semer la confusion dans ce parti où on a toujours du mal à rapprocher les deux personnalités qui comptaient le plus ? Comment expliquer le refus de la gendarmerie de Hamdallaye (sollicitée par l’UFDG) d’aller sécuriser les lieux où tout le monde savait que quelque chose allait se passer (ce qui explique d’ailleurs la présence massive des journalistes) ?

Enfin, beaucoup de Guinéens se demandent aujourd’hui si le pouvoir ne tire pas trop de profits de cet assassinat, même si on se limite seulement au fait que les relations entre Bah Oury et Cellou Dalein Diallo sont devenues aujourd’hui exécrables. Comment comprendre que tout le monde ou presque se réconcilie en Guinée, y compris Alpha Condé et Bah Oury (qu’il accusait de vouloir l’assassiner en 2011), et aussi Alpha Condé et Cellou Dalein ; mais pas Cellou Dalein et Bah Oury ? Et si tout ceci avait un lien et visait un but ? Des questions et bien d’autres à se poser et qui restent évidemment sans réponses.

En attendant, comment expliquer que le dossier de meurtre le plus médiatisé en Guinée soit celui concernant ce journaliste et que rien ne soit fait pour assister sa veuve, Binta Diallo et son unique enfant ?

Que Dieu éclaire la justice guinéenne, qu’IL accorde le paradis à Elhadj Mamadou Koula Diallo, qu’IL nous mette sur la bonne voie et nous pardonne avant de nous rappeler à Lui, amen !

Nouhou Baldé

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