Le Tribunal militaire a rendu son verdict hier mardi 14 mars 2017 dans l’affaire des militaires »auteurs » des tirs au camp Alpha Yaya Diallo le 19 Janvier dernier. Dans son délibéré, le juge civil Elhadj Sekou Keita, a condamné les trois militaires à six mois de prison ferme et un quatrième à 5 ans par contumace, a constaté sur place Guineematin.com, à travers un de ses reporters.
Au terme de ce jugement, il est important d’analyser le malaise de toute l’armée, incarné par ces trois militaires ayant comparu devant le tribunal militaire pendant quatre audiences. L’adjudant Ibrahima Sylla, les adjudants-chefs Oumar Condé et Amara Kalaban ont bien voulu, à travers la barre de ce tribunal, faire passer le message d’une armée en détresse qui vie dans des conditions précaires. Les trois prévenus avaient reconnu avoir tiré dans la nuit du 19 janvier 2017, pour réclamer des meilleures conditions de vie.
Lors des débats, ils avaient expliqué devant le tribunal militaire que cette nuit du 19 Janvier, plusieurs personnes devaient faire partie de leurs revendications. Parce que selon eux, « Cette affaire d’augmentation de salaire se murmurait partout, entre tous les corps de l’armée, de la police, de la gendarmerie, et même dans les barrages. Ça se discutait entre hommes en uniforme ».
C’est pourquoi, ils ont assumés leurs actes sans pour autant se soucier des représailles. La ligne de défense et la franchise qu’ont fait montre ces trois militaires guinéens méritent une réflexion approfondie sur les conditions de vie de cette armée.
Au lendemain de cette grogne au camp Alpha Yaya Diallo, Guineematin.com avait fait une immersion dans ce grand camp militaire. Le constat ce jour révélait que les actes perpétrés cette nuit n’étaient pas des actes isolés. Ce jour, notre reporter avait eu plusieurs confidences dont celui d’un officier qui affirmé ce jour ne pas vouloir « tout dire ». Ce bout de phrase est revenu à plusieurs reprises au cours de ce procès. Les jeunes militaires sont longuement revenus sur les conditions précaires de cette grande muette. Eux aussi, comme la plupart de leurs chefs, n’ont toujours pas « tout dit ».
« Nous souffrons énormément et nos chefs le savent. C’est très dur et nous ne pouvons pas tous dire ici », avait laissé entendre l’un d’entre eux au cours du procès, sous les signes approbateurs de la tête des officiers dans la salle d’audience.
Quels sont les non dits lors de ce procès ?
C’est bien ce qu’il faut chercher à comprendre. Et pour cela, il est important pour la hiérarchie d’aller auprès de la troupe pour mieux cerner les conditions de vie de nos hommes en tenue.
Parmi ces conditions de vie, nous pouvons citer entre-autres : les soldes détournées par la hiérarchie, l’approvisionnement confisqué par les plus haut gradés, les soldes impayés, les logements promis non réalisés, l’absence de dotation en tenues depuis plusieurs années, les affectations et autres promotions faites par clientélisme et le plus souvent sur des bases ethniques, le sentiment de domination d’une minorité qui se beurre sur le dos du reste de l’armée est grand.
Comme on le sait, le président de la République, commandant en chef des forces armées, avait procédé à une augmentation de 20 % sur la solde de l’armée les jours qui ont suivi ces tirs. Un acte que les militaires n’ont cessé de rappeler pendant ce procès. Ils ont d’ailleurs estimé que le président n’était pas bien informé de leurs conditions de vie. Et le verdict du juge Elhadj Sekou Keita n’en dit pas moins. Alors que le procureur militaire avait requis 5 ans de prisons contre les prévenus, le juge civile est passé outre en prononçant une circonstance atténuante pour les militaires.
Dans son prononcé, il dit avoir compris les aveux des accusés, qu’il a d’ailleurs considérés comme délinquants primaires en les condamnant à six mois de prison, au lieu de deux ans, la peine minimale.
Ces deux verdicts (6 mois pour les présents et 5 ans pour le fuyard) sont sans doute une prime à la bravoure de ces militaires qui ont dit tout haut ce qui se dit tout bas. Maintenant que la hiérarchie est informée du risque que nous courons, c’est le bon moment de prendre le taureau par les cornes avant qu’il ne soit trop tard afin de préserver la quiétude dans la cité.
Abdoulaye Oumou Sow pour Guineematin.com
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