Jusqu’au bout, l’homme a été fidèle à sa réputation : imprévisible, tenace et déroutant ! Même face à la mort, la grande faucheuse, l’ami Cissé, comme je l’appelais affectueusement, a tenu la dragée haute, l’affrontant en face, les armes à la main hélas, avant d’être emporté par un foudroyant et fatal arrêt cardiaque à Genève au bord du lac Léman, loin, très loin de sa Guinee natale qu’il chérissait tant.
Comme un couperet, et à l’image de tous nos condisciples ‘’les normaliens’’, la nouvelle de son décès subite nous a bouleversé, dévasté et plongé dans la tristesse et l’amertume de ne plus revoir un visage familier, d’un ami franc et sincère et au delà, d’un conseiller avisé. L’homme au summum de sa carrière croquait la vie à pleines dents ! Épanoui, actif et ambitieux, personne, sauf le Tout Puissant Allah, ne pouvait naturellement parier sur ce coup du sort tragique qui nous prive pour toujours, les services inestimables et utiles de Cissé Aboubacar.
Sa disparition ravive en nous, les images de ce garçon percutant et bouillant toujours au cœur des joutes oratoires ou des débats académiques ou philosophiques argumentés sous l’arbre a palabre sur le campus de Manèah, la cité du savoir, où se croisaient des jeunes étudiants éclairés et visionnaires de la trempe des défunts Manaf Diallo, Thierno Aliou Diaouné et Aboubacar Fofanah ‘’FOF’’ tout comme les Amadou Diallo ‘’Voltaire de la BBC, Malien, Alpha Oumar ‘’Diallos’’, Saikou Balde, Michel Soumah, Nene Fatou Diallo et autres Abdourahmane Diallo, Sékou Faly Oulare, Aissatou M’Bambé. Nous l’avons côtoyé et apprécié sur le front du savoir dans ce foyer incandescent de la culture …. Une vraie école pour la vie.
Diplômé des Lettres modernes, membre actif de la presse universitaire de l’ENSUP, Aboubacar Cissé a toujours rêvé du journalisme. Il fait partie du contingent des jeunes loups aux dents longues fraîchement sortis de l’Ecole Normale Supérieure de Manèah à la fin des années 80 (Yamoussa Sidibé, Alpha Kabinet Doumbouya, Ben Daouda Sylla, Amadou Diallo, Ibrahima Kalil Diakité, Almodiak et nous même), que feu, le Ministre Zainoul Abidine Sanoussy avait intégré à la RTG pour apporter du sang nouveau aux medias de service public en Guinée. Grand passionné du métier, ce reporter aguerri et téméraire, présentateur percutant et animateur d’émissions inspiré et apprécié a marqué de par ses prestations, durant plus de trois décennies, les auditeurs et téléspectateurs de la RTG. Les « lève- tôt » avaient rendez-vous avec lui dans les éditions de 6h 45 ou dans les ‘’bons matin-matins’’ égaillant ses fans par ses docs croustillants, son humour contagieux et ses faits divers insolites et décapants.
Grand Reporter ‘’tout terrain’’, Cissé Aboubacar a sillonné tous les confins de sa Guinée natale, ramenant dans son célèbre carnet de notes, les news qu’il partageait par le biais d’un magazine-radio dans la rubrique prisée intitulée, le ‘’Carnet du Reporter’’.
Il a écrit ses lettres de noblesses à travers des grands reportages. Il fait d’ailleurs partie des jeunes reporters partis de rien, et dans un contexte risqué et agité à piloter avec succès les premières équipes multi medias désignées pour la couverture des premières élections présidentielles multipartites en 1993 et 1998. Ne reculant jamais devant l’obstacle ou le défi, Cissé Aboubacar est toujours ‘’allé au feu’’ en quête de l’info. Que ce soit sur le terrain des convulsions sociales …grèves, contestations, manifestations, élections ou à la recherche des dossiers pour des enquêtes à haut risques, l’homme n’a jamais baissé le pavillon ou courbé l’échine pour le besoin d’informer et le droit de savoir.
Digbé, ce ‘’morianais’’ fier et convaincu qui avait gravi avec brios tous les échelons de la RTG a été récompensé par sa désignation dans les années 2000 en qualité de chargé de communication du Ministère des Affaires Etrangères de Guinée. Poste qu’il dirigea avec doigté et maestria en travaillant pendant un bon bout de temps, à la promotion et a la visibilité de la Diplomatie guinéenne.
L’homme qui avait le souci du travail bien fait avait horreur de « l’à peu près ou de l’échec ». Il mettait toujours le cœur à l’ouvrage utilisant ses réseaux, nouant des contacts pour faire passer « la voix de la Guinée ». Brisant les tabous et préjugés il collaborait avec toutes les composantes de médias sans a priori.
Cissé Aboubacar, dans le souci de relayer et de partager l’information au sens large, revendiquait d’ailleurs et sans complexe, le titre de correspondant diplomatique de Guinéenews.
Sur le plan social et humain, ce garçon était un réceptacle de bonne humeur. Il avait un commerce facile en dépit de son caractère trempé. Toujours ouvert au dialogue, réceptif au partage et à la solidarité. Il s’est battu corps et âme pour faire renaître de ses cendres, l’association des anciens normaliens appelant de tous ses vœux, aux retrouvailles, à la synergie d’action des anciens normaliens pour resserrer les liens de fraternités et d’amitiés et surtout apporter des conseils et des orientations pour une gestion efficace du pays.
L’homme à la plume fertile s’est aussi essayé à l’écriture, sortant de façon prémonitoire, il ya quelques mois, un livre témoignage sur l’histoire sociopolitique de la Guinée de ces dernières années, sous le label des éditions l’Harmattan-Guinée.
C’est a la faveur du passage du Ministre Fall aux affaires étrangères, que le journaliste battant avait bénéficié d’une promotion pour enfiler avec bonheur le costume de diplomate envoyé alors à Genève en qualité de Conseiller Politique à l’ambassade de Guinée. Et c’est finalement au bord du lac Léman, alors qu’il croquait la vie à pleines dents, entouré de sa petite famille que l’ami Cissé nous a quitté sans crier gare !
Ce père de famille adorable laisse derrière lui, 5 enfants et une épouse en larme … inconsolable, des amis et proches étreints par l’émotion et tétanisés par la douleur de perdre un être cher !
Dors en paix Ami Cissé ! Que Dieu, le Très miséricordieux te resserve son Paradis amen !
Ibrahima Ahmed BARRY, journaliste Consultant et condisciple du défunt.