L’Afrique doit en finir avec la peine de mort (Par Oluwatosin Popoola)

Par Oluwatosin Popoola, conseiller et chargé du plaidoyer d’Amnesty International sur la peine de mort

Amnesty International a publié le 11 avril son rapport annuel sur le recours à la peine de mort dans le monde en 2016. Celui-ci fait état d’au moins 1 032 personnes qui ont été exécutées dans 23 pays. À l’exception de la Chine qui a mis à mort plus de personnes que tous les autres pays du monde réunis, on note que 87 % de toutes les exécutions ont eu lieu en Iran, en Arabie saoudite, en Irak et au Pakistan.

Ces dernières années, l’Afrique subsaharienne a été une lueur d’espoir, se démarquant par des évolutions positives sur la question de l’abolition de la peine de mort. Toutefois, l’année 2016 a apporté son lot de bonnes et de mauvaises nouvelles.

Il faut tout d’abord saluer la réduction significative du nombre d’exécutions appliquées dans la région. Le nombre d’exécutions recensées est passé de 43 en 2015 à 22 en 2016, soit une baisse d’environ 49 %.

De surcroît, deux pays dans la région ont aboli la peine de mort. Dans une décision rendue en janvier 2016, la Cour constitutionnelle du Bénin a estimé, afin de respecter les obligations internationales du pays en matière de droits humains, que toutes les lois prévoyant le recours à la peine de mort ne seront plus valables et qu’aucune condamnation à mort ne pourra plus être prononcée dans le pays. Cette décision historique a dans les faits aboli la peine de mort au Bénin.

Plus tard dans l’année 2016, la Guinée s’est dotée d’un nouveau Code pénal qui a supprimé la peine de mort des peines applicables pour les crimes de droit commun. Bien que le Code de justice militaire continue de prévoir la peine de mort pour des crimes exceptionnels, un projet de loi supprimant ce châtiment du Code militaire est en cours d’examen à l’Assemblée nationale.

Ces avancées au Bénin et en Guinée sont dans le sillage de 2015 où la peine de mort a été reléguée au passé à Madagascar et en République du Congo. L’évolution vers l’abolition de la peine de mort progresse en Afrique subsaharienne de manière régulière et prometteuse. En 1977, lorsqu’Amnesty International a commencé à promouvoir l’abolition de la peine de mort au niveau mondial, aucun pays d’Afrique subsaharienne n’avait aboli la peine de mort pour tous les crimes ; aujourd’hui, on en compte 19.

La bonne nouvelle est également que des centaines de personnes de la région, qui avaient été condamnées à mort au Kenya, au Nigeria, au Ghana, en Mauritanie et au Soudan, ont bénéficié en 2016 d’une commutation de leur peine capitale. Ceci a été assez notable au Kenya dans la mesure où le président Uhuru Kenyatta a commué les sentences capitales de 2 747 prisonniers, à savoir la totalité des prisonniers détenus dans le quartier des condamnés à mort à ce moment-là. Le Kenya n’a procédé à aucune exécution depuis trente ans et cette décision permet au Kenya de tourner un peu plus le dos à la peine capitale.

Par contre, deux pays ont recommencé alors qu’ils n’avaient appliqué aucune exécution capitale depuis 2013. Ainsi, une personne a été exécutée au Botswana en 2016 et trois autres ont été mises à mort soudainement en décembre de la même année dans l’État d’Edo au Nigeria.

Une évolution inquiétante s’est dessinée l’an dernier en Afrique subsaharienne avec une forte hausse du nombre de condamnations à mort bien que le nombre de pays dans lesquels les tribunaux les ont prononcées soit passé de 21 en 2015 à 17 en 2016.

Ainsi, ce nombre de condamnations s’est envolé de 145 %, soit 1 086 sentences capitales confirmées en 2016 dans la région par rapport à 443 en 2015. Cette nette augmentation résulte surtout de l’explosion du nombre des peines capitales prononcées par les tribunaux au Nigeria en 2016, avec 527 condamnations à mort, soit le chiffre le plus élevé d’Afrique. Ces nombreuses condamnations à mort au Nigeria suscitent de fortes inquiétudes quant aux possibilités bien réelles d’exécuter un innocent en raison de la fréquence des condamnations contestables dans le pays. Les tribunaux ont en fait innocenté 32 personnes qui avaient été condamnées à mort à tort pour la seule année 2016.

La peine de mort est une violation du droit à la vie ; il s’agit du châtiment le plus cruel et inhumain qui n’a aucune place dans le monde moderne. La majorité des pays dans le monde, soit 104 pays, ont accepté ce fait en supprimant complètement ce châtiment pour tous les crimes. Il est temps pour les pays d’Afrique subsaharienne qui ne l’ont pas encore fait de les rejoindre. Rien ne s’oppose à ce que la région, dans un avenir proche, soit complètement exempte de la peine de mort.

Oluwatosin Popoola

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