Guinée : le danger qui pèse sur les médias privés et publics

Le 3 mai a été proclamé « Journée mondiale de la liberté de la presse » par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993, suivant la recommandation adoptée lors de la 26ème session de la Conférence générale de l’UNESCO en 1991. Ce fut également une réponse à l’appel de journalistes africains qui, en 1991, ont proclamé la Déclaration de Windhoek sur le pluralisme et l’indépendance des médias.

En Guinée, cette journée n’est pas célébrée par les structures étatiques ou les associations professionnelles des médias. Comme l’année dernière, rien n’est prévu pour marquer la solennité du 3 mai 2017. Et, c’est une agence de communication qui compte profiter de ce vide pour faire la fête à sa manière en invitant des journalistes et des gouvernants dans un hôtel de haut standing de la place.

Évidemment, si les journalistes Guinéens n’avaient que l’absence de célébration de cette fête internationale, on n’aurait pas parler de danger. Mais ce qui menace la liberté de la presse en République de Guinée est beaucoup plus grave !

Dans les rédactions et même sur le terrain de reportage, on se plaint de bas salaire, du manque de matériels, etc. Dans les entreprises de presse, on se plaint d’un environnement économique et social des moins envieux. Mais, en réalité, tout est lié.

Dans la Guinée d’Alpha Condé, tout est fait pour réduire les journalistes et leurs rédactions à la dépendance de l’État ; sinon, mettre les clés du bureau sous le paillasson ou croupir sous le poids de la dette, si on ne veut pas faire la manche…

Contrairement aux textes de lois qui font la promotion de la pluralité des médias, le président Alpha Condé a « interdit » la délivrance des licences des radios et télévisions privées aux Guinéens qui en font la demande.

Main-mise des politiques

Alors qu’il est formellement interdit aux leaders politiques et confessions religieuses de créer des entreprises de presse sur toute l’étendue du territoire guinéen, dans la pratique, ils sont sur le terrain et font la concurrence aux pauvres journalistes. Guidés évidemment par d’autres visées que les professionnels des médias qui dirigent leurs propres entreprises pour la promotion du débat citoyen, ces acteurs politiques-concurrents déloyaux n’ont jusqu’à présent aucune inquiétude à exercer impunément. Même la Haute Autorité de la Communication ne pipe mot sur cette illégalité qui « détruit » la saine émulation des médias en Guinée.

Hormis les politiciens propriétaires des médias, il y a ces riches investisseurs qui sont plutôt à encourager. Car, s’ils sont de sérieux concurrents aux pauvres journalistes propriétaires des médias, ils offrent souvent un meilleur cadre, de meilleurs salaires et tire ainsi la profession vers la qualité et le modernisme.

Seulement, un peu comme les politiciens, ces fortunés ne mettent pas leur argent dans les entreprises de presse que pour se faire voir, le risque de manipulation est donc permanent. Où est d’ailleurs la liberté quand la ligne éditoriale dépend des fluctuations et positionnement sur le marché ?

Ainsi, sous le règne du professeur Alpha Condé, la liberté de la presse n’est pas simplement menacée que par les attaques et intimidations enregistrées par les journalistes. C’est l’existence même des médias professionnels et réellement indépendants qui est aujourd’hui menacée.

Malheureusement, sous le poids d’une gouvernance qui régente tout en Guinée, certains annonceurs sont guidés par les humeurs des dirigeants politiques même pour communiquer sur leurs propres produits.
Des luttes pour la promulgation de la Loi d’accès à l’information publique sont pour le moment perdues dans les méandres du système politico-administratif érigé par le Professeur-Président…

Bref, l’agence de communication Wassolon est à féliciter pour son initiative qui permettra à certains professionnels de se retrouver ce soir. Mais, cela ne peut dédouaner les associations de presse qui auraient dû créer un environnement d’échange et de débat permettant aux journalistes guinéens d’exposer leurs problèmes et d’esquisser ensemble des pistes de solution.

Ensemble, on échangerait sur le dossier de meurtre sur notre confrère Mohamed Koula Diallo de Guinee7, la disparition de Chérif Diallo du groupe Hadafo Médias, les menaces (y compris de mort) qui persistent un peu partout et notamment dans les sièges de certains partis politiques, de la précarité de ce métier dans notre pays, des difficultés d’hébergement pour les promoteurs des sites web, de la nécessité d’exonérer des intrants de presse pour les promoteurs des journaux…

Egalement, dans un cadre idéal à ce genre de débat, les responsables et journalistes du quotidien national expliqueraient pourquoi Horoya n’est plus quotidien que de nom ; ceux de l’Agence Guinéenne de Presse (AGP) pourraient se prononcer sur la non publication de son bulletin «La Dépêche » ; ceux de la Radio Télévision Guinéenne (RTG) pourraient peut-être parler des blocages de la migration vers le numérique, malgré les innombrables et multiples fonds investis… Et, tous, on parlerait du retard de la convention collective et ce qu’il faut pour accélérer son adoption et sa mise en œuvre pour une meilleure et saine collaboration entre journalistes et patrons de presse.

Dans l’espoir que ces thèmes et bien d’autres pourraient être débattus dans les prochaines rencontres, nous souhaitons bonne fête à tous les journalistes de la Guinée, d’Afrique et du monde.

Sampiring Diallo et Nouhou Baldé pour Guineematin.com

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