Fodé Maréga, député de l’UFDG: « Je suis pour la modification de la Constitution, mais… » (interview)

Dans une interview accordée à Guineematin.com hier, jeudi, 6 juillet 2017, le député uninominal de l’UFDG à Dinguiraye et membre du Groupe Libéral-démocrate, Dr. Fodé Bocar Maréga, s’est prononcé sur les modifications apportées par le nouveau Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, adoptée à la majorité absolue des voix, deux jours plutôt.

Ce haut responsable du principal parti de l’opposition guinéenne a également donné son avis sur certaines dispositions de la Constitution, notamment celles portant sur la création de circonscriptions électorales, les candidatures indépendantes, etc.

Décryptage !

Guineematin.com : Pendant 90 jours, s’est déroulée la session des lois au cours de laquelle vous avez débattu de plusieurs textes de loi, d’accords et de conventions. Dites-nous lesquels de ces textes vous ont réellement marqué ?

Dr. Fodé Bocar Maréga : Vous comprenez que cette session est la première de l’année 2017. Elle est dite aussi « Session des lois » puisqu’entièrement consacrée à l’examen des projets et des propositions de textes en plus des accords et conventions signés par notre par notre pays. Au cours de cette session donc, nous avons débattu et voté 37 lois, accords et conventions sur les 63 soumis à notre Parlement. Mais le texte qui m’a le plus marqué est bien le Règlement intérieur de notre institution. Celui qui était datait de 1991 et nous sommes venus depuis 4 ans sans pouvoir adopter un nouveau texte. Il différend nous opposait au sein de l’Assemblée à cause du mode de représentativité dans le bureau. L’ancienne règle disposait que le vote était fait au scrutin à la liste majoritaire. A ce niveau, les débats ont évolué car, même si cette tendance est maintenue, une disposition vient compléter par la nécessité de tenir compte de la représentativité au sein de l’Institution.

Justement, est ce que vous pouvez nous parler des changements intervenus dans le nouveau texte de Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ?

Bien sûr, en plus de ce que je viens d’énumérer, il y a beaucoup d’autres choses. Par exemple, le nombre de Vice-présidents, passe de 4 à 7. Celui des Secrétaires, de 4 à six. Les commissions de 12 à 14 avec l’élimination de la commission des délégations et l’éclatement de trois autres commissions.

Vous avez également l’obligation du Gouvernement de tenir devant les députés, chaque mois d’avril de l’année, un débat d’orientation budgétaire.

Donc cette disposition vise à permettre aux députés d’influencer le gouvernement dans l’élaboration du budget de l’année suivante ?

Justement. Mais en plus, il faut noter que les plus hauts responsables de l’exécutif sont désormais invités à passer devant le Parlement. Le Chef de l’Etat présentera chaque année un discours sur les actions du gouvernement et de son programme. Le second c’est le Premier ministre, qui vient chaque session des lois pour le débat d’orientation.

Mais à quoi ces deux mesures vont apporter aux députés et à quelle occasion ils vont le faire ?

D’importants changements dans le contrôle de l’action gouvernementale.

Le Président de la République, une fois à l’Assemblée nationale, s’il finit de discourir, va répondre aux questions des députés. Ce sera la même chose pour le PM, lors de la session des lois sur l’établissement du budget de l’Etat.

Sur la période, rien n’est indiqué. Mais désormais le Chef de l’Etat doit passer devant les députés pour faire le bilan de son programme, notamment du programme quinquennal qui constitue un engagement de l’exécutif. Et c’est une fois par an. Le Pm lui, c’est au cours de la session des lois qu’il doit passer en plénière. Cela renforce l’action du contrôle de l’action gouvernementale par les députés.

Il faut noter aussi, qu’au cours de la session des lois, chaque semaine, il y a une séance de questions orale et écrite réservée aux membres du gouvernement. Cela aussi, est une avancée notable.

Concernant le fonctionnement du Bureau de l’Assemblée nationale, ce texte régule les fonctions de Président.

L’ancien donnait les pleins pouvoirs au Président d’agir à la direction qu’il souhaitait, ce qui pouvait s’apparenter à de la dictature. Maintenant, ce n’est plus ça. Le temps de parole est fixé à 5 mn par député et par plénière. Cette prise de parole est renouvelable une fois au cours de la même séance.

Mais à côté, il faut le noter, les députés doivent se battre encore pour éviter un ordre de jour chargé allant jusqu’à 8 ou 9 textes à examiner par plénière. Cela peut nous éviter d’être une chambre d’enregistrement.

Vous avez parlé de la création de trois nouvelles commissions. Quelles sont ces commissions ?

Vous avez une commission Hydraulique et énergie, une commission éducation et commission hôtellerie, tourisme et commerce. Autrement dit, il ya la commission aménagement du territoire, énergie et transport ; la commission industrie, mines, commerce, hôtellerie et tourisme et la commission santé, éducation, jeunesse, sports, arts et culture qui ont été scindées. Et le nombre passe de 3 commissions à 6 à ce niveau. Je précise que la commission délégations a été supprimée puisqu’elle permettait au gouvernement d’envoyer des textes en intersession qui sont examinés par deux ou trois députés. Ça, c’est finir. Le gouvernement doit préparer les textes et les acheminer tous et à temps au Parlement pour leur examen.

Par ailleurs, quant est il des prérogatives du Secrétaire général, le patron de l’administration parlementaire après le Président ?

Il assiste aux réunions du Bureau et de la conférence des Présidents, sans droit de vote. Il assure le secrétariat et au besoin, il répond aux questions techniques. Toute fois, il n’a plus le droit de trier les textes à soumettre au Bureau pour examen. Il dépose au bureau de l’Assemblée tous les textes qu’il reçoit et il appartient aux membres du Bureau d’en décider de la suite à donner. Ça aussi, c’est une avancée. A ce niveau, il joue un rôle d’interface. Maintenant et c’est important, il y a un Secrétaire général adjoint. Donc le travail devient plus facile et déconcentré.

Quant est-il des prérogatives du Président de l’Assemblée nationale ?

Il y a eu là aussi de grandes avancées. Il propose par exemple aux postes nominatifs et il appartient au Bureau d’en décider. C’est la même chose pour les cadres qui vont représenter l’Institution. C’est le bureau qui a le dernier mot. Sur le budget également, il y a une certaine transparence. Les députés vont être informés à travers leur groupe parlementaire de son utilisation.

Il y a également un sujet qui fait débat au sein de l’opinion. Il s’agit des avantages que les députés se seraient accordés et bien de personnes se demandent pourquoi le RI n’a pas fait l’objet de débat. Qu’en est-il au juste ?

Je vais vous dire que ce texte a été discuté et mis en forme par une commission ad hoc composée des membres des trois groupes parlementaires. Donc, chaque groupe se réunit, fait des propositions et soumet au groupe. Avec une telle préparation, est-ce qu’on a besoin de débats en plénière ? Je ne le crois pas. Pratiquement tous les députés sont d’accord de son contenu. Sur le budget par exemple, je l’ai dit, il y aune certaine transparence est instaurée. Chaque député sera informé de son élaboration et de son exécution. C’est clair. Quant aux avantages accordés aux députés. Ce sont les mêmes que dans le passé. Ils n’ont pas varié. Il y a des textes qui sont sortis, mais nous, nous avons tenu à agir de façon responsable. C’est le cas de l’attribution des passeports diplomatiques aux femmes et enfants. Nous avons non, il faut l’accorder aux députés qui font le travail et pas aux enfants ou aux femmes. Les gens doivent aussi se détromper car le passeport diplomatique ne donne pas droit forcément au visa. Il y a des démarches à faire au niveau de certaines ambassades pour avoir le visa, notamment celles des pays où tout le monde veut visiter, même si tu es député, donc détenteur d’un passeport diplomatique.

S’agissant des salaires, d’aucuns vont croire qu’ils sont très élevés. Non. Ils sont les plus faibles de la sous-région, comme d’ailleurs les salaires des fonctionnaires. Les gens doivent savoir également que le député est un élu qui a des charges vis-à-vis de sa famille, de son parti et de ses mandants. Ce n’est pas souvent facile à tenir compte de tout cela. Dans d’autres, ça c’est codifié pour que cela soit clair.

Que retenir du régime disciplinaire prévu par le nouveau Règlement intérieur ?

Il faut rappeler que dans le monde entier, une Assemblée est dirigée par un Président impartial. Mais nous, nous avons une difficulté à ce niveau. Nous avons un président partial, militant et qui ne reflète pas le niveau des débats à l’Assemblée. Ensuite, un autre passage du texte, était ficelé pour plomber les débats en plénière. Nous avons estimé que ce n’est pas normal. Si les débats n’ont pas lieu d’être dans la rue, il faut bien permettre aux gens de s’exprimer à l’hémicycle de manière correcte. Regardez, tous les débats qui suscités des tiraillements découlent d’une injustice contre nous. Le Président nous empêche de prendre la parole et de dire ce qu’on a à dire. Et lorsqu’il nous empêche de dire ce qu’on a à dire, on refuse de se soumettre à ce dicta.

Donc, le régime disciplinaire a disparu ?

Pratiquement, puisqu’ailleurs dans les parlements, les gens s’insultent, se frappent et se lancent des sièges. C’est qu’on ne fera pas chez nous, mais c’est l’une caractéristiques des débats parlementaires. C’est vrai qu’il ya l’avertissement, des restrictions et d’autres mesures pour cadrer tout ça, mais, il faut laisser les gens s’exprimer librement, puisqu’on n’est pas obligé de penser de la même manière de penser que le pouvoir.

Quant-il de la disposition relative au changement de parti politique par les députés ?

Non, cette disposition aussi a sauté. C’est une forme de dictature de vouloir imposer de telles choses à un élu. Le député est élu du peuple mais pas de mandat impératif. C’était un dispositif de dictature. La Constitution est claire là-dessus, on y change pas comme ça les choses. Pour l’heure, il n’est pas question de faire quoi que ce soit qui va à l’en contre de cette disposition de la Constitution.

C’est vrai que moi, je suis pour la suppression des listes nationales au profil des uninominaux. Autrement dit, créer de nouvelles circonscriptions et permettre l’élection direct des députés d’une part et de l’autre, je suis également pour les candidatures indépendantes même pour les élections nationales.

Donc vous êtes pour la modification de la Constitution ?

Je suis pour la modification de la Constitution, mais c’est une question de temps. Je ne veux pas toucher à cette Constitution maintenant puisque la toucher, c’est permettre à Alpha Condé d’avoir un 3ème mandat. Et là, il n’en est pas question du tout.

Interview réalisée et décryptée par Abdallah Baldé pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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