Opposition : l’argent (de l’un) ne fait pas le bonheur (des autres) ! Jusqu’à preuve du contraire

Par Top Sylla : L’histoire remonte à 70 et se situe à Rome, alors gouvernée d’une main de fer par l’empereur Vespasien. Voyant que l’argent manquait, il fit installer dans tout l’empire des toilettes publiques payantes (d’où le nom de « vespasiennes » utilisé encore pour désigner ce genre de lieu) !

A son fils Titus que l’idée n’enchantait guère, Vespasien brandit les premières pièces collectées en lui demandant si une quelconque odeur (d’urine ou autre) le dérangeait. Le rejeton avoua que non, et la rumeur se répandit que « l’argent n’a pas d’odeur ».

De nos jours encore, tout le monde ne semble pas s’accorder là-dessus. Notamment dans le marais politique guinéen. En tout cas pour ce qui est du budget récemment alloué au chef de file de l’opposition (CFOP), suite à la création de ce statut par un vote unanime du parlement (majorité et opposition ont applaudi des deux mains). Et, faut-il le rappeler, sur une initiative du président Alpha Condé. Nulle raison par conséquent de se pincer les narines, à moins que l’on ne souffre d’une forme grave d’hallucination olfactive (phantosmie) ?

C’est du camp de l’initiateur que seront tirées les premières salves. Dédouanant curieusement ce dernier, des braillards attitrés du pouvoir écument les radios privées, enflamment les AG du parti présidentiel, avec des documents du Budget entre les mains et des cris d’indignation (sélective) à la bouche. Comme quoi, il s’agirait d’une affaire illicite montée de toutes pièces.

En perdant de vue que s’il en était ainsi, les premiers à incriminer seraient alors le chef de l’État et le gouvernement à travers son ministre du Budget.

Ce qui a fait dire à certains, que cette « sollicitude » soudaine du pouvoir en faveur du chef du principal parti d’opposition n’était pas sans arrière-pensée : le discréditer auprès de l’opinion en le faisant passer pour un complice (ou pire, un acteur) de la « mal-gouvernance » ambiante.

Là où d’autres ont vu plutôt l’expérimentation d’une vieille recette en politique : laisser toujours un os à ronger aux adversaires pour les contrôler.

« L’argent n’a pas d’odeur mais quand on n’en a pas ça se sent »

Quoi qu’il en soit, à l’évidence il faudrait beaucoup plus pour écorner l’image du CFOP auprès de ses militants ou au sein de son électorat potentiel. Le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), CellouDalein Diallo, reste toujours la figure de proue de l’opposition.

Mais si en initiant ce statut de chef de file de l’opposition (à l’image de ce qui existe dans plusieurs pays en Afrique et ailleurs), le dessein d’Alpha Condé avait été de semer la zizanie dans les rangs de celle-ci, il devrait peut-être se frotter les mains.

Pas à cause de la création d’un Front pour l’alternance démocratique (FAD). Ce qui n’a rien d’inédit et ne représente, a priori, nullement un événement susceptible de changer le rapport de force sur l’échiquier politique.

Néanmoins, certaines attitudes, quelques propos entendus ça et là dans les médias ont dû donner un goût fade aux relations, jusque là empreintes de confiance réciproque, entre les leaders du FAD et le président de l’UFDG. Au fil des jours, les premiers dévoilent de plus en plus une volonté de se démarquer, de prendre leurs distances avec le second. Chaque camp rejetant la responsabilité sur l’autre. Qui a dit que « la maladie la plus répandue chez les hommes politiques est l’amnésie » ?

Question à cinq milliards de jetons : pourquoi le divorce maintenant ?

D’abord le dépit, les frustrations après que des responsables de l’UFDG ont laissé entendre, avec parfois un certain dédain, qu’il n’est pas question de franchir la ligne d’arrivée des municipales avec d’autres partis sous les aisselles. Ensuite, et c’’est de là où serait partie la « dissidence », le refus du chef de file de se montrer généreux dans le partage du gâteau, pardon de son budget.

Par les temps qui courent et dans la perspective des élections à venir, l’argent demeurant plus que jamais le nerf de la guerre (comme on le voit, il peut en être également la cause).

«Tout l’art de la politique est de se servir des conjectures », a dit l’autre.

Outre les motifs invoqués pour arpenter le macadam le 2 août prochain (accord politique, mal-gouvernance, etc.), cela pourrait maintenant apparaître aux yeux de l’UFDG comme un défi. Tout recul pouvant apporter de l’eau au moulin de ceux qui soutiennent que le parti est plus que jamais isolé, ou que sa volonté de prendre la rue, en dépit du travail du comité de suivi de l’accord du 12 octobre 2016, relève plus d’un « donquichottisme militant » que d’un quelconque souci de faire bouger les lignes.

Et dire que tout ça, parce que dans l’opposition, l’argent de l’un ne fait pas le bonheur des autres …

Jusqu’à preuve du contraire.

Top Sylla

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